Le Québec a besoin de 100 nouvelles écoles
Le réseau scolaire devra accueillir 65 000 élèves supplémentaires
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L’équivalent d’une centaine d’écoles secondaires et de centres de formation professionnelle devront être construits d’ici dix ans pour accueillir les 65 000 élèves supplémentaires attendus dans le réseau scolaire québécois, selon les évaluations d’un expert.
Les prévisions du ministère de l’Éducation font état d’une augmentation de 21 % du nombre d’élèves au secondaire d’ici dix ans, principalement causée par le boom démographique.
Ces prévisions sont conservatrices et représentent un « minimum », affirme Martin Maltais, professeur spécialisé en financement et politique d’éducation à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR).
En décortiquant ces chiffres, M. Maltais en déduit que Québec devra construire au cours de la même période « l’équivalent » de plus de 100 nouvelles écoles secondaires et centres de formation professionnelle pour accueillir tous ces nouveaux élèves.
Dans certaines commissions scolaires, l’augmentation frôlera les 30 %, ce qui les placera dans une situation « excessivement difficile », selon cet expert.
« Je ne suis pas convaincu que l’on réalise l’ampleur du travail et l’urgence de démarrer ces travaux » dès maintenant, affirme M. Maltais.
À la Commission scolaire des Premières-Seigneuries, où des écoles secondaires débordent déjà, son président, René Dion, parle d’un « tsunami d’élèves » qui déferlera dans leurs établissements au cours des prochaines années.
Pas que des constructions
Au ministère de l’Éducation, son porte-parole, Bryan St-Louis, explique que les besoins d’espace sont évalués localement par chaque commission scolaire selon sa réalité, en se basant sur les prévisions d’effectifs publiées par Québec.
La construction d’école « n’est pas la seule façon de faire face à une hausse d’effectifs scolaires » puisque des agrandissements ou conversions de bâtiments sont aussi possibles, précise M. St-Louis, qui n’est pas en mesure d’infirmer ou de confirmer les prévisions de M. Maltais.
Même son de cloche à la Fédération des commissions scolaires du Québec, qui n’a pas voulu commenter ces chiffres.
Or, des écoles secondaires débordent déjà dans certains secteurs.
L’an dernier, les commissions scolaires ont déposé 45 projets d’ajout d’espace au secondaire et en formation professionnelle (constructions ou agrandissements) auprès du ministère de l’Éducation, qui n’en a financé que 12.
Les projets retenus « visent à combler des besoins urgents existants à l’heure actuelle », explique-t-on.
À certains endroits, les besoins sont criants. D’ici 2020, il manquera 4000 places pour les élèves du secondaire à la Commission scolaire de Laval. « C’est très urgent », lance sa présidente, Louise Lortie.
La Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, située à Montréal, prévoit devoir construire au moins deux nouvelles écoles secondaires et en agrandir jusqu’à quatre autres d’ici dix ans.
À l’extérieur de la grande région métropolitaine, le manque d’espace est aussi bien réel. À Québec et sur sa Rive-Sud, la construction de deux nouvelles écoles secondaires et l’agrandissement de trois établissements sont réclamés cette année.
Coûts variables
Les coûts des projets varient d’un endroit à l’autre, puisque plusieurs variables entrent en jeu, comme la valeur des terrains, explique-t-on.
À titre d’exemple, la Commission scolaire des Trois-Lacs, en Montérégie, prévoit que son projet de construction d’une nouvelle école secondaire de 1200 places coûtera 50 millions $.
NOUVELLES ÉCOLES SECONDAIRES RÉCLAMÉES*
- Saint-Jérôme
- Mirabel
- Sherbrooke
- Drummondville
- Lévis
- Québec, secteur nord
- Laval
*Compilation non exhaustive réalisée par Le Journal, à laquelle il faut ajouter plus d’une quinzaine d’agrandissements d’écoles secondaires
2017-2018 | 2018-2019 | ||
Préscolaire | 91 016 | 94 615 | +4% |
Primaire | 505 555 | 521 614 | +3% |
Secondaire | 313 966 | 379 261 | +21% |
Source : ministère de l’Éducation
3000 enseignants de plus devront être embauchés
Déjà confrontées à d’importants problèmes de recrutement, les commissions scolaires devront embaucher 3000 enseignants supplémentaires au secondaire d’ici... cinq ans.
Il s’agit cette fois-ci des prévisions officielles du ministère de l’Éducation, tirées d’un document qui a récemment été publié en ligne.
La pénurie d’enseignants, bien réelle dans certaines régions, ne peut que s’aggraver au cours des prochaines années, affirme Serge Striganuk, président de l’association qui regroupe les doyens et directeurs des facultés d’éducation au Québec.
« Ce n’est pas quelque chose de ponctuel, d’où l’importance de s’y attaquer maintenant », lance-t-il.
Offensive
Son association, conjointement avec des représentants du ministère de l’Éducation et des commissions scolaires, a récemment mis sur pied un comité pour tenter de remédier à la situation.
Ses membres travaillent dans un premier temps à dresser un « état de la situation » avant d’envisager des pistes de solutions.
Ce comité permettra aussi aux acteurs du réseau de l’éducation de discuter de certaines préoccupations entourant les difficultés de recrutement, ajoute M. Striganuk.
Dans la région montréalaise, des commissions scolaires qui peinent à recruter des profs font appel à des étudiants en enseignement qui n’ont pas terminé leur formation pour combler leurs besoins, si bien que des étudiants s’absentent maintenant de leurs cours pour faire de la suppléance.
La situation préoccupe les doyens des facultés d’éducation. « Il faut s’assurer qu’on ne crée pas un autre problème, lance M. Striganuk. Qu’est-ce qui peut être fait pour préserver la qualité de la formation offerte et s’assurer d’avoir des enseignants qualifiés dans toutes les classes au Québec ? C’est un assez grand défi. »
À la Fédération des commissions scolaires, on considère aussi que la pénurie d’enseignants est « vraiment un enjeu prioritaire pour l’année en cours et les années à venir ».
Urgence d’agir
De son côté, Martin Maltais, professeur au département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), insiste sur l’importance d’agir rapidement.
La formation universitaire pour devenir enseignant est d’une durée de quatre ans et les besoins sont déjà criants, rappelle-t-il.
« C’est urgent de commencer à trouver des solutions. On a déjà commencé à frapper un mur. Si on ne pose pas des gestes radicaux et exceptionnels, on n’y arrivera pas. »