Suppléant, un stage payant
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Est-ce que l’on devrait assurer la rémunération de tous les stages? Selon les étudiants, la réponse est limpide : «Oui!» Pourtant, n’en déplaise aux grévistes, cette excellente question à 100 piastres nécessite plusieurs nuances.
Dans ce dossier, le ministre de l’Éducation a affirmé qu’il ne possède pas encore toutes les données pour prendre position ou négocier : «Il ne faut pas défoncer les portes ouvertes. Il y a des centaines de stages différents. Mais, en ce moment, au gouvernement, on n’a pas l’état de la situation. Laissez-nous le temps de faire notre travail.»
Combien de temps monsieur Roberge?
S’il faut en croire Éric N. Duhaime de l’Institut de recherche en économie contemporaine, ça risque d’être long : «Il est très difficile de dresser un portrait d’ensemble en raison des différents types de stages, du fait qu’ils sont gérés par toutes sortes d’institutions et d’organismes et qu’ils relèvent de toutes sortes de règles parfois contradictoires. Cette confusion m’apparaît plus le résultat d’un grand laisser-aller [des autorités compétentes] que le fruit d’une quelconque volonté d’abuser de cette main-d’œuvre.»
Vous avez dit confusion? Voilà certes un euphémisme. Je crois que foutoir convient davantage à la situation actuelle.
Est-ce que les étudiants sauront faire preuve de patience?
Stages en enseignement
Si certains domaines «exploitent» leurs stagiaires, il est permis d’émettre l’hypothèse que la plupart des cas se retrouvent en éducation et en santé dans le secteur public.
Compte tenu de mon bagage professionnel, je me contenterai ici de commenter les stages en enseignement.
Revenons donc à notre question initiale.
Est-ce que l’on devrait assurer la rémunération de tous les stages en enseignement?
Non.
Est-ce que l’on devrait payer un étudiant en observation?
Non.
Est-ce que l’on devrait payer un étudiant qui fait une prise en charge supervisée, partielle et progressive pendant quelques semaines?
Non.
Pourquoi?
Parce qu’il s’agit d’un cours «pratique» au même titre qu’un cours «théorique». Parce que l’étudiant (et j’insiste sur le mot étudiant) acquiert de l’expérience tout en étant accompagné. Parce que lors de la réussite de son cours, il reçoit sa «paye» : des crédits lui permettant de s’approcher un peu plus de la fin de son baccalauréat.
Est-ce que je suis payé pour observer, participer et travailler lors de mes autres cours à l’université?
Plutôt que d’apprendre à l’intérieur d’une salle de classe, l’étudiant «sort» apprendre sur le terrain. Dans un contexte qui, j’ose espérer, lui permettra d’optimiser son développement à titre de futur enseignant.
Cette réflexion convient, selon moi, pour les stages I, II et III du baccalauréat en enseignement. En ce qui concerne le stage IV, il s’agit d’une autre histoire. La question de la rémunération me semble fort légitime : le stagiaire a une prise en charge complète pendant quelques mois.
Compte tenu de ses responsabilités et du temps consacré au stage, je crois qu'une rémunération s’impose. Qui plus est, cette reconnaissance monétaire viendrait probablement valoriser un tantinet la profession.
Suppléance
Si j’étais étudiant, je négocierais le droit de faire de la suppléance pendant toute la durée de mes études. J’exigerais que ma formation me permette de vivre cette dure réalité sous supervision. D’ailleurs, cela pourrait être un excellent stage crédité et grassement rémunéré.
Le ministère, les universités, les commissions scolaires et les étudiants auraient tout intérêt à s’entendre sur le sujet et à définir des balises claires.
Impossible?
J’ai commencé à faire de la suppléance, la semaine de mon 20e anniversaire, à ma première année de baccalauréat en biologie. Après trois ans de suppléance (et beaucoup de $), j’ai alors compris que j’aimais l’enseignement et j’ai fait mon certificat de pédagogie.
Et mes stages? À l’époque, on vous formait en un an avec deux stages de trois semaines!
Est-ce l’idéal? Non. Mais mon nom n’a jamais été associé à la longue liste de décrocheurs.
Entre la situation actuelle et celle du bon vieux temps, je crois qu’il est possible de trouver des solutions intelligentes, efficaces et pédagogiques qui contribueront à perfectionner les étudiants, favoriser la rétention du personnel et valoriser la profession. Est-ce qu’il est possible de prendre un peu de temps de qualité pour réfléchir?
Depuis quelques années, on nous répète inlassablement que la formation universitaire est à revoir. Je crois que l’occasion est belle.
En terminant, je m’en voudrais de ne pas vous confier un secret : mon entrée prématurée dans le monde de l’enseignement m’a surtout permis d’inscrire ma date d’embauche officielle à la commission scolaire.
Ainsi, j’aurai mes 35 ans de service bien avant d’autres collègues. Je pourrai prendre ma retraite, sans pénalité actuarielle, dès l’âge de 55 ans.
Ça, les jeunes, c’est pas mal mieux qu’un stage rémunéré.