Les propriétaires mal-aimés
Eugene Melnyk, des Sénateurs, a réussi à se mettre à dos les partisans
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Dans le sport professionnel comme dans toute entreprise ou organisation, le leadership vient d’en haut. Si la personne se trouvant au sommet de la hiérarchie fait preuve de leadership et prend des décisions éclairées, on observera ces mêmes qualités aux autres échelons, assurant ainsi le succès et la stabilité de l’organisation.
Depuis une vingtaine d’années, deux franchises parmi les quatre grandes ligues sportives nord-américaines en font la démonstration année après année : les Patriots de la Nouvelle-Angleterre, dans la NFL, et les Spurs de San Antonio, dans la NBA. Menées par des propriétaires, des entraîneurs et des joueurs impliqués et disciplinés, ces franchises constituent des modèles de stabilité à imiter. Même après avoir remporté de multiples championnats, les deux équipes ne montrent aucun signe de ralentissement.
En contrepartie, dans les cas où les propriétaires font plus souvent parler d’eux pour des scandales et des décisions douteuses, on observe des performances inégales sur le terrain, des joueurs qui refusent d’adhérer au système en place, des changements d’entraîneur constants et un certain désintéressement de la part des partisans.
À Montréal, même si les succès en séries éliminatoires sont presque inexistants depuis 25 ans, les revenus sont au rendez-vous, les scandales hors glace se font plutôt rares, le taux de roulement au sein de la haute direction n’est pas très élevé et l’amphithéâtre est pratiquement plein chaque soir, preuve que les partisans du Tricolore gardent espoir.
À l’autre bout de l’autoroute 40 cependant, dans le camp des Sénateurs d’Ottawa, c’est une tout autre paire de manches. À l’heure actuelle, peu de franchises en Amérique du Nord peuvent se targuer d’être aussi dysfonctionnelles que celle des Sénateurs.
Les bourdes s’accumulent
Il n’est pas facile pour un propriétaire d’équipe de se mettre à dos les joueurs, les partisans, les médias et même le maire de la ville, mais Eugene Melnyk a réussi cet exploit peu enviable en un court laps de temps.
Quand un groupe de partisans se paie des panneaux publicitaires géants aux quatre coins de la ville, demandant à ce que le propriétaire déguerpisse, c’est que le lien de confiance a été brisé et que l’on a atteint un point de non-retour.
La liste complète des récentes bourdes commises par Melnyk, qui a fait fortune dans le domaine pharmaceutique et qui est propriétaire de l’équipe depuis 2003, serait trop longue à énumérer.
De sa gestion des dossiers Daniel Alfredsson et Erik Karlsson, les deux meilleurs joueurs à avoir porté l’uniforme de l’équipe, à ses menaces à peine voilées de déménager l’équipe si les partisans n’assistent pas aux matchs en plus grand nombre, en passant par sa récente poursuite intentée contre son partenaire principal dans le projet de construction d’un aréna au centre-ville, Eugene Melnyk a perdu tout capital de sympathie dans la capitale fédérale.
Pour calmer la situation, Melnyk aurait même eu la brillante idée, selon les médias locaux, de recourir à de faux comptes Twitter pour défendre ses décisions.
Et comme si ce n’était pas suffisant, des controverses trouvent une façon de naître jusque dans le vestiaire. Pensons à cette étrange campagne de dénigrement en ligne de la conjointe de Mike Hoffman envers Erik Karlsson et son épouse, ou au groupe de joueurs récemment filmés à leur insu dans une voiture Uber, alors qu’ils se moquaient du personnel d’entraîneurs.
Si la situation continue de s’envenimer, il n’est pas farfelu de croire que la ligue et les autres propriétaires d’équipes pourraient intervenir auprès de Melnyk. Ce ne serait pas une première dans le monde du sport.
D’autres propriétaires controversés
Dan Snyder (NFL)
En plus de refuser catégoriquement de changer le nom de son équipe, que plusieurs jugent raciste, le propriétaire des Redskins de Washington ne rate pas une occasion pour soutirer des dollars additionnels à ses partisans. En 2000, il est devenu le premier propriétaire à exiger que les partisans paient pour assister aux séances du camp d’entraînement et, en 2009, il a demandé à ses employés de vendre de la bière aux gens faisant la file dans les toilettes.
Jeffrey Loria (MLB)
Bien connu à Montréal, Jeffrey Loria a acheté les Expos pour une bouchée de pain, laissé aller les meilleurs joueurs de l’équipe, puis vendu la franchise à profit. Ne reculant devant rien, Loria a refait le coup aux gens de Miami. Il a acheté les Marlins, maintenu une minuscule masse salariale, obtenu des fonds publics pour la construction d’un nouveau stade et revendu le tout à fort prix à un groupe mené par Derek Jeter.
Donald Sterling (NBA)
Parmi toutes les controverses ayant impliqué le propriétaire des Clippers de Los Angeles, l’une d’entre elles aura mené la ligue à le forcer à vendre son équipe, en 2014. En formulant des commentaires dégradants envers les Afro-Américains, tout en étant propriétaire d’une équipe au sein d’une ligue dont les trois quarts des joueurs sont noirs, Sterling s’est mis l’ensemble de la NBA à dos. Personne ne pleurera sur son sort, alors qu’il a obtenu deux milliards pour l’équipe qu’il avait payée 12,5 millions en 1981.
Harold Ballard (LNH)
La longue disette des Maple Leafs de Toronto constitue souvent une source de dérision au sein de la LNH, mais plusieurs saisons ont été gâchées par l’ancien propriétaire Harold Ballard, dans les années 1970 et 1980. Refusant de dépenser pour améliorer l’équipe, utilisant plutôt l’argent des Leafs pour rénover sa résidence, s’ingérant dans les opérations quotidiennes de l’équipe, et ayant vu défiler 12 entraîneurs-chefs de 1977 à 1990, Ballard ne constitue aujourd’hui qu’un mauvais souvenir chez les partisans.