La lutte la plus «sale» de l’histoire pour les élections fédérales
OTTAWA | Qu’on se le tienne pour dit, les prochains mois ainsi que la campagne électorale fédérale promettent d’être tout particulièrement acrimonieux.
« Ça va être des batailles coriaces [...] Ça va brasser », résume le politologue de l’UQAM, André Lamoureux.
Le premier ministre Justin Trudeau lui-même a dit cet automne qu’on se dirigeait tout droit vers la campagne électorale la plus sale (« nasty ») de l’histoire canadienne.
Les électeurs canadiens doivent se rendre aux urnes en octobre prochain. Mais dès la rentrée parlementaire en janvier, les élus fédéraux seront d’ores et déjà en mode électoral.
« Ça devrait [être particulièrement rude]. On l’a vu, le ton a déjà monté, le ton a monté de plusieurs degrés même », remarque Frédéric Boily, politologue de l’Université de l’Alberta.
Tensions
Les raisons l’expliquant sont multiples, indiquent les observateurs de la scène politique fédérale. L’usage des médias sociaux, les tendances populistes, les vives tensions entre les provinces et le fédéral y seraient pour quelque chose.
De plus, des thèmes sensibles et émotifs comme l’immigration et l’environnement risquent d’occuper une grande place dans le débat électoral.
Des sujets souvent exploités par son rival du Parti conservateur, Andrew Scheer.
« Si [Justin Trudeau] était dans un relatif confort en ce qui concernait les intentions de vote au cours des dernières années [...], il y a de l’insatisfaction qui monte. Je dirais que la prochaine année pour Justin Trudeau sera vraiment une année en terrain miné. Il va faire face à des guerres de tranchées solides », est d’avis M. Lamoureux.
Si bien qu’il n’y a « rien de joué pour Trudeau. Il est beaucoup moins aimé [qu’auparavant] », souligne-t-il.
Surtout qu’il pourrait avoir du mal à défendre son bilan.
« Il va avoir un défi de cohérence entre ce qui avait été promis ou ce qu’on perçoit dans le discours politique et les politiques publiques comme telles. Il y a un choc du réel qui devra être expliqué par M. Trudeau », dit le professeur de sciences politiques de l’Université Laval Éric Montigny.
La campagne pourrait bien se conclure par l’élection d’« un gouvernement minoritaire, mais on ne peut pas prédire la couleur », selon lui.
Mince avance
« Cela dit, j’ai l’impression que les libéraux ont encore une certaine longueur d’avance par rapport aux autres partis, mais cette longueur d’avance n’est pas aussi importante qu’elle l’était et elle pourrait se rétrécir encore », estime M. Boily.
Plusieurs dossiers au potentiel explosif pourraient venir brouiller les cartes pour le premier ministre, que ce soit le déficit qui se creuse ou encore la question du pétrole.
N’empêche que bien des choses peuvent changer d’ici la campagne électorale.
Le nouveau parti de Maxime Bernier réussira-t-il à gruger quelques points de pourcentage du vote conservateur ? Si « Mad Max » réussit à en faire autant, certaines circonscriptions pourraient échapper aux conservateurs. Ce qui pourrait leur coûter jusqu’à la victoire.
La faiblesse du NPD et du Bloc québécois contribue à ce que les libéraux fassent le plein du vote progressiste. Mais il suffirait d’un regain de ces formations pour changer la donne.
4 thèmes qui occuperont la campagne
- L’environnement, la taxe carbone et l’industrie pétrolière
- L’immigration et les réfugiés
- La perte de contrôle des finances publiques, les déficits récurrents et la dette
- Les demandes du gouvernement du Québec (autonomie, pouvoirs en immigration, etc.)
Le Québec, champ de bataille de la prochaine élection canadienne
L’élection fédérale prévue l’automne prochain se jouera en bonne partie au Québec alors que toutes les formations politiques tenteront d’y séduire les électeurs.
« Le Québec redevient un champ de bataille électoral au fédéral [...] La province va occuper une place importante pour décider qui va pouvoir être le gouvernement, s’il va être majoritaire, minoritaire et qui formera le gouvernement », juge Éric Montigny.
Ce professeur de sciences politiques de l’Université Laval et directeur scientifique de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires souligne que « ça place toute la question du Québec au cœur de la politique fédérale pour 2019, ce qui n’est pas arrivé depuis longtemps ».
Pour les libéraux de Justin Trudeau, il s’agira de faire des gains de sièges au Québec pour compenser les pertes qu’ils essuieront assurément ailleurs, dans l’Ouest canadien par exemple.
« Ils perdent des plumes, ils en perdent énormément dans l’Ouest. Les libéraux doivent absolument avoir l’appui du Québec s’ils veulent former le gouvernement en 2019 », ajoute André Lamoureux, politologue de l’UQAM.
Cela dit, « le Québec semble plus solidement derrière les libéraux [que d’autres coins du pays] », note le politologue de l’Université de l’Alberta, Frédéric Boily.
Les partis d’opposition vont eux aussi rivaliser pour les faveurs des Québécois.
Très affaibli à l’heure actuelle, le NPD voudra éviter à tout prix de subir de trop grandes pertes au Québec, la formation détenant 15 des 78 sièges de la province. Il s’agit pour les troupes orange de ne pas être reléguées à un parti marginal aux Communes.
Pression
Pour leur part, les conservateurs sont en opération charme au Québec depuis près d’un an déjà, sachant que la pente à remonter est longue pour eux dans la Belle Province.
Les troupes d’Andrew Scheer peuvent néanmoins prétendre à améliorer leur score dans la province. Pour l’heure, 11 députés québécois sont de la formation.
« On peut s’attendre à ce que les conservateurs fassent des gains substantiels au Québec, il n’y a pas de doute. Mais jusqu’à quel point ils pourront secouer la forteresse libérale ici ? » s’interroge M. Lamoureux.