Le nombre d'aspirants profs en chute libre au Québec
Les nouveaux étudiants en éducation n’ont jamais été aussi peu nombreux dans la province depuis 15 ans
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Déjà aux prises avec une pénurie d’enseignants, le réseau scolaire risque de manquer de profs au cours des prochaines années : non seulement le nombre de nouveaux étudiants en éducation est à son plus bas depuis 15 ans, mais ils sont aussi moins nombreux à obtenir leur diplôme.
Au secondaire, la baisse des nouvelles inscriptions est de 30 % alors que le nombre d’élèves augmentera de 20 % d’ici 10 ans. Le manque de reconnaissance envers cette profession mal aimée est évoqué pour expliquer la situation.
Ces chiffres proviennent d’un document produit par l’Université du Québec à partir des chiffres du ministère de l’Éducation et de données provenant du même ministère, obtenues par Le Journal.
Les statistiques dont nous disposons, qui remontent jusqu’à 2001, permettent de constater que le nombre de nouvelles inscriptions était à son plus bas à l’automne 2017.
Les étudiants en enseignement sont aussi moins nombreux qu’avant à obtenir leur diplôme.
«C’est très très préoccupant, la pénurie va s’accentuer, c’est certain, alors que les besoins sont de plus en plus grands», indique Johanne Jean, présidente de l’Université du Québec.
«Urgent et inquiétant»
La baisse du nombre d’inscriptions est particulièrement importante dans les programmes d’enseignement au secondaire : 30 % depuis dix ans.
Or le réseau scolaire devra accueillir 65 000 élèves supplémentaires dans les écoles secondaires d’ici 10 ans, soit une augmentation de 20 %, selon les prévisions du ministère de l’Éducation.
Il s’agit d’un problème «urgent et inquiétant» auquel il faut rapidement s’attaquer, affirme Serge Striganuk, président de l’Association des doyens et directeurs pour l’étude et la recherche en éducation au Québec (ADEREQ).
«On va frapper un mur», lance une autre source du milieu universitaire.
Parmi les établissements où la diminution du nombre d’inscriptions en enseignement au secondaire est la plus importante, on retrouve l’Université du Québec à Chicoutimi (-78 %), l’Université du Québec à Rimouski (-75 %), l’Université McGill (-51 %), l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (-50 %), l’Université du Québec à Trois-Rivières (-47 %) et l’Université Laval (-45 %), selon les chiffres obtenus auprès du ministère de l’Éducation.
Une profession mal aimée

Dans les rangs des étudiants en enseignement, on évoque le manque de reconnaissance envers la profession pour expliquer la situation.
«Dans les médias, on entend beaucoup parler des problèmes, ça donne de la visibilité, mais c’est à double tranchant. Les gens voient que l’enseignement, c’est difficile, et ça ne leur tente pas d’aller là», lance Gabriel Ouellet, président de l’Association étudiante en enseignement secondaire de l’Université Laval.
Une campagne de «mise en valeur»
Afin de redorer l’image de cette profession, l’ADEREQ travaille présentement à l’élaboration d’une campagne de «mise en valeur» axée sur des vidéos qui circuleront sur les réseaux sociaux.
Mindy Grenier, étudiante en enseignement à l’Université du Québec à Chicoutimi, pense aussi qu’il faut davantage faire valoir les bons côtés de la profession.
«On prend soin des enfants et de la société de demain, c’est nous qui allons les aider à grandir là-dedans. Oui, ce n’est pas facile, mais c’est tellement le plus beau métier du monde», lance-t-elle.
- ÉCOUTEZ l'entrevue avec avec Monique Brodeur, doyenne de la Faculté des sciences de l'éducation a l'UQAM à l'émission Trudeau le midi.
Le recrutement à l’étranger comme piste de solution
Le recrutement à l’étranger pourrait permettre d’augmenter le nombre de futurs profs dans les universités québécoises, affirme la présidente de l’Université du Québec, Johanne Jean.
Il s’agit d’une piste de solution qui ne peut régler à elle seule une problématique si complexe, mais l’avenue mérite d’être explorée, précise-t-elle.
«On a pour l’instant très peu d’étudiants d’origine étrangère qui viennent dans ces programmes. Mais en faisant valoir la possibilité d’occuper un emploi au Québec après les études, ça pourrait faire partie de la solution», indique Mme Jean.
Le réseau de l’Université du Québec entend bien y travailler au cours des prochains mois, de concert avec les commissions scolaires.
Des établissements ont mis sur pied leurs propres initiatives pour gonfler les rangs des étudiants en enseignement.
L’an passé, l’Université du Québec à Chicoutimi a fourni le transport aux cégépiens de la région afin de leur faire visiter les locaux pour qu’ils en apprennent davantage sur les programmes offerts.
Un comité de recrutement a aussi été mis sur pied, si bien qu’un redressement dans les inscriptions a été observé à l’automne 2018, indique Diane Gauthier, directrice du Département des sciences de l’éducation.
L’augmentation dépasse les 40 %, selon les chiffres transmis par l’UQAC.
Hausse de salaire et mentorat
Parmi les autres pistes de solution envisagées, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, s’est engagé à augmenter les services professionnels dans les écoles, ce qui pourrait améliorer les conditions de travail des enseignants.
Il a aussi promis de hausser le salaire des jeunes enseignants et de créer un programme national de mentorat, pour mieux les accompagner en début de carrière.
De 20 % à 25 % des nouveaux enseignants abandonnent la profession au cours des cinq premières années, selon différentes études.
Depuis l'automne dernier, les étudiants en enseignement reçoivent une compensation financière pour leur dernier stage, une décision survenue à la suite de nombreuses revendications.
Améliorer les conditions
Or, si les hausses de rémunération peuvent avoir un impact, c’est surtout l’amélioration des conditions de travail qui pourrait faire pencher la balance, selon plusieurs étudiants interrogés.
Un comité de travail réunissant des représentants des universités, des commissions scolaires et d’autres acteurs du réseau de l’éducation a aussi été mis sur pied cet automne afin de trouver des solutions à la pénurie d’enseignants.
Baccalauréat en enseignement
Taux de diplomation six ans après le début des études
Cohorte de 2001
- Filles: 86 %
- Gars: 74 %
Cohorte de 2009
- Filles: 80 %
- Gars: 69 %
Source : document de l’Université du Québec produit à partir des données du ministère de l’Éducation
Inscriptions en enseignement au secondaire
Une baisse de 30 %
- 2008: 1252
- 2009: 1246
- 2010: 1277
- 2011: 1180
- 2012: 1099
- 2013: 1182
- 2014: 1122
- 2015: 1070
- 2016: 987
- 2017: 880
Source : document de l’Université du Québec produit à partir des données du ministère de l’Éducation