Relancer le Plan Nord? Le retour du bar ouvert
On est loin de « Maîtres chez nous »
Le ministre des Ressources naturelles Jonatan Julien a tout juste déclaré qu’il souhaitait relancer le fameux Plan Nord afin d’« encourager » le développement minier au Québec.
On se souvient notamment de ce plan hautement controversé de par les blagues déplacées de Jean Charest lors du Salon du Plan Nord en 2012, où celui-ci s’était improvisé une carrière dans l’humour stalinien en évoquant la possibilité d’envoyer dans le Nord les étudiants qui manifestaient à la porte, dans le Nord autant que possible, disait-il.
En contexte de « printemps érable », il était pour le moins odieux qu’un premier ministre exige aux étudiants de faire davantage leur part, pendant qu’on organisait une grande messe devant le monde des affaires pour leur faire miroiter tous les passe-droits dont il allait bénéficier.
Lorsqu’annoncé sous les libéraux, il était très clair que le but était de développer les mines, de vendre plus de minerais, de totaliser plus de projets. Et on parle de grosses mines, nécessitant des infrastructures très imposantes, notamment hydroélectriques. Il y aurait assurément eu de gros impacts environnementaux. Le bref gouvernement péquiste avait ensuite remué partiellement le projet, mais son Plan Nord revampé avait causé bien des remous avec la ministre des Ressources naturelles de l’époque, Martine Ouellet, qui souhaitait un coup de barre beaucoup plus important.
Quant à la fameuse « acceptabilité sociale », mot creux répété par le ministre Julien, censé nous rassurer sur la teneur de ce genre de projet, elle ne veut presque rien dire dans un contexte d’absence de populations dans la région. Acceptabilité sociale pour qui? Pour des citoyens inexistants?
Notons aussi que le Plan Nord ne semblait attirer que les multinationales étrangères.
On est loin de « Maîtres chez nous »
Notre Nord et ses ressources allaient être livrés en cadeau aux plus importants investisseurs du monde entier. Jacques Parizeau avait bien raison de parler de « bar ouvert » pour désigner cette démarche.
Mais tout cela s’inscrit dans la nouvelle dynamique de la concurrence mondiale. Les États sont aujourd’hui en guerre pour attirer les investisseurs du monde entier. Pour ce faire, il y a un volet marketing très important : il faut être en mesure de montrer à celui qui détient le capital qu’il a davantage intérêt à investir chez soi que chez le voisin. L’État n’est plus qu’un comptoir administratif qui n’aspire à rien d’autre qu’à être un pôle de développement.
Le Plan Nord s’inscrit parfaitement dans cette dynamique. Le gouvernement du Québec envoyait le message suivant : venez ici, et vous aurez droit – outre aux richesses naturelles en elles-mêmes – à la participation d’Hydro-Québec et à des investissements gouvernementaux dans les infrastructures et les technologies et à un port de mer. On leur disait également à ces entreprises minières qu’elles auraient peu ou pas de redevances à verser à l’État, et qu’elles ne seraient pas obligées d’embaucher des travailleurs locaux. En 2015, le gouvernement libéral a aussi rétabli l’opacité minière, retirant aux minières l’obligation de divulguer bon nombre de renseignements sur la quantité et la valeur des richesses naturelles extraites du sous-sol québécois.
Le sommet de Davos, qui a eu lieu la semaine dernière, est aussi de ces grandes rencontres où chaque chef d’État a, devant les plus grandes fortunes du monde, à mettre en valeur le climat probusiness dans son pays. François Legault y était, justement.
Si on se fie à la volonté de son ministre des Ressources naturelles de ranimer le Plan Nord, notre premier ministre semble avoir été très marqué par sa rencontre avec les puissants de ce monde...
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Simon-Pierre Savard-Tremblay, socio-économiste (Ph.D.)
Pour me contacter : simonpierre.savardtremblay@ehess.fr