TDAH et médicaments: si nous sommes allés trop loin, quoi faire?
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Nous avons dernièrement publié une lettre dénonçant le recours accru aux médicaments pour traiter le TDAH. Nous demandions à toute la société québécoise de faire un examen de conscience.
Nous voulons maintenant apporter des propositions de solutions.
1) Mettre sur pied un comité d’études conjoint MSSS-MEQ
En 1999, le ministère de la santé et des services sociaux, troublé par l’augmentation de consommation des psychostimulants chez les enfants... avait mis sur pieds conjointement avec le ministère de l’éducation un comité conseil sur le TDAH1 . Le rapport avait été publié en 2000 et avait émis diverses recommandations pour mieux prévenir, mieux diagnostiquer et mieux traiter le TDAH.
Voici ce qu’on y disait il y a 19 ans entre autre et qui est troublant d’actualité en 2019, comme si on n’avait rien réglé:
« La controverse entourant l’usage de SSNC et l’augmentation considérable de leur consommation ces dernières années ont alerté les ministères concernés qui ont convenu de la nécessité d’agir. »
Force est de constater que l’augmentation de consommation de psychostimulants a décuplé depuis 1999.
Nous demandons donc qu’un comité conseil semblable soit mis sur pieds, avec les mêmes objectifs, mais en ayant en considération l’objectif de mieux encadrer le diagnostic et la prescription de médicaments pour le TDAH, d’évaluer comment on pourrait améliorer l’accès aux services, et pourquoi pas de se pencher sur la détresse psychologique de nos jeunes. Le sujet serait assez important même pour faire l’objet de discussions en commission parlementaire.
2) Améliorer l’accès à des services psychosociaux
Dans son évaluation du TDAH, l’INESSS a publié en 2017 un rapport sur l’utilisation des services psychosociaux chez les jeunes avec ce diagnostic2. En ce qui concerne les personnes de 17 ans et moins (ou leurs parents) rejoints, le tiers (286) seulement avait utilisé des services psychosociaux. 50% y avait eu accès en moins de 12 mois, le reste entre 1 an et plus de 5 ans... Dans un autre document sur la trajectoire de services, il était recommandé de mettre en place dès l’apparition des premiers symptômes des mesures d’ordre psychoéducatif validées par la recherche, pour soutenir les parents et modifier positivement si possible l’évolution du problème3.
Nous demandons donc que des ressources psychoéducatives soient mises en place et offertes aux parents d’enfant avec des symptômes ou un diagnostic de TDAH. L’accès au traitement pharmacologique, sauf pour les cas sévères, devrait être réservés à ceux pour qui ce type d’intervention n’a pas corrigé suffisamment les symptômes et leur impact quotidien.
3) Valider les questionnaires d’évaluation utilisés
Le diagnostic de TDAH est basé entre autre sur l’utilisation de questionnaires, la plupart (Conners) ayant été validés statistiquement sur d’autres populations que la nôtre.
Nous recommandons qu’une étude de validation statistique soit faite avec le Conners, le Poulin, et le SNAP. Cette étude permettrait de vérifier la prévalence du TDAH selon ces questionnaires et de mettre à jour la validation statistique dans notre population.
4) Faire des lignes directrices sur le TDAH et surtout le TDA
Une partie significative de l’augmentation de consommation de psychostimulants est probablement due à la prévalence accrue de diagnostics de TDA sans hyperactivité. Ceci est pourtant peu validé par la recherche.
Nous demandons que l’Ordre des psychologues et le Collège des médecins refassent des lignes directrices sur le diagnostic de TDAH, en accordant une attention particulière au TDA sans hyperactivité, les expertises et évaluations nécessaires, le degré d’impact fonctionnel nécessaire pour porter le diagnostic, et l’élimination des autres diagnostics différentiels susceptibles d’expliquer les symptômes d’inattention. Ceci éviterait que les psychostimulants deviennent pour la performance scolaire ce que sont les stéroïdes anabolisants pour la performance sportive.
5) Offrir plus d’activités physiques
Plusieurs études ont soulevé l’hypothèse que des activités physique accrues pouvaient contribuer à diminuer les symptômes d’inattention et d’hyperactivité chez les enfants. 4,5,6,7,8,9
Nous demandons qu’on procède à des études pilotes pour évaluer l’impact que pourrait avoir une offre de 30-45 minutes d’activités physiques aérobiques à tous les jours en milieu scolaire. Cela pourrait aussi contribuer à diminuer ce grave problème de santé publique qu’est la fréquence accrue de l’embonpoint et de l’obésité chez nos jeunes.
6) Diminuer l’utilisation des jeux vidéo
De même certaines études ont démontré que l’utilisation abusive des jeux vidéos pouvait favoriser l’émergence de symptômes de TDAH ou en aggraver la portée. 10,11
Nous demandons qu’une campagne de sensibilisation soit faite auprès de la population pour les inciter à limiter l’utilisation des jeux vidéos et le temps d’écran en général. On pourrait aussi envisager, comme certaines écoles l’ont fait12, d’interdire l’utilisation des téléphones cellulaires, et tablettes en milieu scolaire, hormis à des fins éducatives (surtout dans des écoles secondaires).
Et nous continuons impérativement de demander à aux médecins concernés, aux psychologues, au milieu scolaire, aux parents, et aux politiciens et à toute la société québécoise de faire cet examen de conscience que nous réclamions et de s’interroger sur la détresse psychologique de nos enfants. Ceux-ci sont, ne l’oublions pas, la plus grande richesse collective d’une société. Nous voulons que le Québec démontre qu’il est encore « fou de ses enfants »13