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Fiori, mon sage

PREMIERE-MEDIATIQUE-SPECTACLE-SEUL-ENSEMBLE-CIRQUE-ELOIZE
Photo Agence QMI, Dominick Gravel Serge Fiori et sa conjointe.

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Je l’avoue, c’est à reculons que je suis allé voir Seul Ensemble, le spectacle du Cirque Eloize inspiré de l’œuvre de Serge Fiori.

La barre me paraissait tellement haute que le cirque ne pouvait, selon moi, que se casser la gueule.

Or, le spectacle vole tellement haut qu’on ne voit même plus la barre.

Un spectacle extraordinaire, magnifique que j’ai regardé à travers un rideau de larmes.

Comme mon ami Michel Barrette, qui était assis près de moi et qui n’arrêtait pas de sangloter.

Aux portes de l’infini

C’est difficile d’expliquer, pour ceux qui ne l’ont pas vécu, ce que c’était d’avoir 14 ans au Québec et d’entendre Harmonium pour la première fois.

J’ai eu ce privilège d’être là, au bon moment et au bon endroit.

C’était immense. Inespéré et inattendu, pour reprendre le titre de la pièce de Réjean Ducharme.

Une porte qui s’ouvrait sur l’infini.

Beau Dommage nous sortait de la campagne et du terroir pour nous amener – enfin – en ville. La gang d’Harmonium, elle, nous propulsait dans l’espace.

Quand t’es ado, c’est de ça que tu as besoin. De la transcendance.

Échapper à ton corps, à la gravité de la terre.

Le mot « gravité » pris dans les deux sens : l’austérité, le manque de légèreté, et la force qui te maintient au sol.

Harmonium et Serge Fiori m’ont fait entendre la musique que j’avais à l’intérieur de ma tête, mais que je n’avais jamais entendue auparavant.

C’était LA réponse aux questions que je me posais.

Deux ans plus tôt, c’était trop tôt. Deux ans plus tard, c’était trop tard.

C’était juste au bon moment. Quatorze ans. En 1975. Au Québec.

J’étais là. Ils étaient là.

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Le poids de l’amour

Je me couchais dans le noir, et j’écoutais Harmonium.

Dans une entrevue (celle qui me tient le plus à cœur) qu’il m’a accordée aux Francs-Tireurs, dans sa maison du Vieux-Longueuil où son père qu’il aimait tant est mort, Serge Fiori m’a dit à quel point c’était épouvantable pour lui d’être devenu soudainement un gourou.

Lui qui voulait juste faire de la musique, voilà que des inconnus campaient littéralement dans sa cour pour avoir la chance de le voir et de lui demander quel était le sens de la vie.

On craquerait à moins.

Serge a craqué.

Trop d’espoir, trop d’attentes. Il s’est effondré comme un toit sous 15 pieds de neige.

Aujourd’hui, Fiori dit bonjour à la vie. Il a appris à recevoir tout l’amour qu’on a pour lui.

Sans peur, sans angoisse. Sans crainte de ne pas être à la hauteur.

Il tremble, certes, mais il ne s’écroule pas.

L’appel du ciel

Seul, ensemble.

La légèreté du moi, le poids de la foule.

Le ciel qui nous aspire, la terre qui nous retient.

L’envie de s’envoler, la peur de tomber.

L’abstraction, l’incarnation.

L’âme, le corps.

Benoît Landry, le génial metteur en scène du Cirque Éloize, a tout compris.

Son spectacle est une splendeur et les artistes qui y mettent toute leur âme, tout leur corps (et, dans le cas de Louis-Jean Cormier, qui a fait un travail remarquable : toutes leurs oreilles) sont fabuleux.

Serge, merci d’avoir été là. Merci d’être là.

Cet hommage, tu le méritais amplement.

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