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La quête identitaire complexe de Pierre-Yves Lord

On peut voir Pierre-Yves Lord du lundi au vendredi à Radio-Canada aux commandes du jeu <i>Mémorable!</i>, à 17 h 30.
On peut voir Pierre-Yves Lord du lundi au vendredi à Radio-Canada aux commandes du jeu Mémorable!, à 17 h 30. Photo Jean-François Desgagnés


Pierre-Yves Lord a commencé sa vie dans un orphelinat de Port-au-Prince, en Haïti. Aujourd’hui âgé de 40 ans, l’animateur ouvre les portes de son passé au Journal.

Pierre-Yves avait 11 mois en 1979 quand ses parents adoptifs, Monique et Yves Lord, sont allés le chercher à l’orphelinat. À cette époque, le bambin ne savait ni parler ni marcher, et s’appelait Bony.

« Je conserve ce nom sur certaines cartes et mes enfants ont ce nom, explique celui qui affirme avoir eu une enfance heureuse avec ses parents adoptifs. Petit, je n’avais pas conscience d’avoir été adopté. Je demandais souvent à ma mère à quel âge j’étais sorti de son ventre, mais très vite mes parents m’ont parlé de mon enfance. »

Cette adoption a été comme une seconde naissance pour Pierre-Yves Lord, qui connaît très peu de choses sur ses racines.

« J’étais si petit que je n’ai aucun souvenir de mon séjour dans l’orphelinat de sœur Marie Véronique à Port-au-Prince. Tout ce que j’ai su par la suite, c’est que ma mère était très malade quand elle est venue m’y porter. Je ne sais rien de plus. Je ne sais pas si mes parents sont encore en vie aujourd’hui. »

De Port-au-Prince à Gatineau

Le déracinement de Pierre-Yves Lord – de Port-au-Prince à Gatineau – n’allait pas obscurcir son avenir. Encore moins son enfance, qu’il qualifie d’heureuse. Sa vie, dans laquelle il mordait à pleines dents, était remplie de bonheur.

Pierre-Yves n’était pas le seul enfant du clan Lord. À son arrivée au Québec, Maryse, qui allait devenir sa sœur, l’attendait. Puis, au début des années 1980, alors que Pierre-Yves avait deux ans, ses parents ont adopté Élisabeth, issue des Premières Nations de l’Île-du-Prince-Édouard.

« Ma mère dit que nous sommes une crème glacée trois couleurs ! s’exclame Pierre-Yves Lord. En fait, c’est presque l’ONU dans notre famille ! »

« J’ai eu une enfance remplie d’amour, ajoute le principal intéressé. J’ai eu une période rebelle comme adolescent, mais rien de grave. »

L’animateur, qui a grandi à Québec, a acquis la maison familiale à l’âge de 30 ans.

« J’y vis encore aujourd’hui avec ma famille. Je peux dire que j’ai été choyé dans la vie d’avoir été adopté. »

Renouer avec son passé

Pierre-Yves Lord arrête de parler durant l’entrevue. Le silence prend de plus en plus d’importance ; une porte du passé n’est pas encore totalement refermée. La quête de retrouver ses parents biologiques semble douloureuse.

C’est souvent quand on devient parent qu’on commence à ressentir le besoin de trouver ses racines, explique le coanimateur de Deux hommes en or à Télé-Québec et animateur d’un jeu quotidien à Radio-Canada.

Il a d’ailleurs senti l’envie d’aller en Haïti alors qu’il avait 33 ans et après être devenu père de deux enfants, Édouard (neuf ans) et Olivia (six ans).

« J’y suis allé pour la première fois alors qu’Édouard avait deux ans, après le tremblement de terre en 2012, avec Georges Laraque. Il fait des choses extraordinaires là-bas. Il s’implique beaucoup pour la reconstruction d’hôpitaux pour enfants. »

En 2017, Pierre-Yves est retourné une seconde fois dans son pays natal, mais pour son travail, en tant qu’animateur de radio. « C’est durant ce voyage que j’ai eu ce que j’appelle “mon éveil de quête identitaire”, précise-t-il. J’avais besoin de toucher à la terre de mes racines et de connaître ce pays dont je n’avais aucun souvenir. »

Il n’y est toutefois pas retourné sans crainte. « J’étais super excité à l’idée d’y remettre les pieds, mais au fond de moi, j’avais la chienne, confie-t-il. J’avais peur de me sentir comme un étranger en rentrant chez moi, peur de me sentir coupable d’avoir été adopté et d’être sorti de la misère. »

Émotions intenses

C’est en 2017, à 38 ans, que Pierre-Yves Lord a réellement marché sur les traces de son passé en visitant Torbeck, son village natal. « Je peux dire qu’en arrivant là-bas, les émotions sont montées en moi. Il y avait les odeurs, la terre et des visages... Je me souviens que je n’arrivais pas à trouver les mots pour traduire cette émotion. On dirait même que la terre me parlait. »

Durant ces deux voyages, Pierre-Yves Lord n’est pas allé visiter l’orphelinat où il avait été abandonné, à Port-au-Prince, quelques décennies plus tôt. Le sujet le remue encore aujourd’hui.

« Je n’ai pas eu le temps d’aller visiter mon... enfin, l’orphelinat. C’est une émotion à la fois. »

Pas « rendu là »

Pierre-Yves Lord ne souhaite pas enclencher la recherche de ses parents biologiques. Du moins pour l’instant.

« On dirait que je ne suis pas rendu là dans ma vie, indique l’animateur. Mes parents m’ont toujours encouragé à le faire et ils m’ont dit qu’ils m’aideraient à entreprendre les démarches le jour où j’en aurais envie. »

« Mes parents sont extraordinaires, poursuit-il. Ils m’ont tout donné. J’ai une belle famille ! »

Une enquête

Pour Élisabeth, la sœur de Pierre-Yves Lord, les choses se sont passées autrement. Elle a eu envie d’entreprendre ces démarches alors qu’elle était adolescente. Elle a retrouvé ses parents biologiques, et depuis ce jour, elle entretient des relations avec eux.

Pour Pierre-Yves, la situation est différente puisque ses papiers d’identité stipulent qu’il est né de parents inconnus. Sa quête identitaire prendrait rapidement des allures d’enquête, explique le père de famille, avant d’interrompre l’entrevue pour montrer une vidéo captée sur son téléphone cellulaire durant son dernier voyage en Haïti, en 2017. Sa fierté de présenter des images de son pays d’origine est palpable.

Le peuple haïtien et Haïti prennent de plus en plus de place dans la vie de Pierre-Yves Lord. Les épreuves auxquelles le pays fait face le touchent énormément. « Haïti, c’est ma terre, c’est mon sang, ce sont mes frères, mes sœurs... Je vais être là avec eux. »

 







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