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Fléau dans les écoles du Québec: des élèves vapotent même en classe

Les mini-cigarettes électroniques sont très populaires, et pas seulement dans les cours des écoles secondaires



 Le vapotage est un véritable fléau dans les écoles du Québec et certains jeunes vont même jusqu’à fumer en classe avec de nouvelles cigarettes électroniques qui sont aussi petites qu’un crayon et qui font peu ou pas de vapeur.

Les statistiques canadiennes tardent à documenter le phénomène, mais tous les intervenants consultés par Le Journal constatent la croissance fulgurante du vapotage. Les autorités scolaires, l’Institut national de santé publique et la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac sonnent l’alarme avant que la situation devienne une épidémie, comme c’est le cas aux États-Unis.

« C’est un fléau. On avait fait beaucoup de progrès quant à la réduction du tabagisme, mais depuis deux ou trois ans, le tabagisme fait un retour en force avec le vapotage », se désole David Bowles, président de la Fédération des établissements d’enseignement privé.

Il va même jusqu’à comparer ce fléau à celui des échanges de textos à caractère sexuel. « Le sextage est un problème énorme (dans les écoles), mais le vapotage en est un aussi », insiste celui qui est aussi directeur général du Collège Charles-Lemoyne.

L’Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE) a sondé ses membres et 74 % d’entre eux estiment que le vapotage est un problème important. Dans plusieurs écoles, les directions estiment que le quart des jeunes vapotent. À certains endroits, ce pourcentage grimpe à 50 %.

« C’est une grosse problématique, indique le porte-parole, Maxime Couture. Il y a même des histoires de concours de l’élève qui va vapoter le plus sans se faire prendre. »

 

  • ÉCOUTEZ l’entrevue de Carl Ouellet, de l’Association québécoise du personne de direction d’écoles:

 

Vapotage très discret

Plusieurs intervenants du réseau scolaire se disent pris au dépourvu par l’arrivée des nouveaux dispositifs de vapotage sans vapeur et qui sont de la taille d’un crayon ou d’une clé USB (voir encadré).

Le modèle le plus connu est la Juul, mais il y a plusieurs marques de ces petits modèles.

La taille et la discrétion de ce genre de vapoteuse rendent difficiles la surveillance et la mise en application des règles.

Des jeunes rencontrés par Le Journal admettent que certains vont jusqu’à vapoter en classe facilement grâce à des gadgets qui ne font pas de vapeur.

Une situation corroborée par la directrice de l’école secondaire Fernand-Lefebvre, à Sorel-Tracy.

« Pour la cigarette, j’ai des inspecteurs dans l’école qui donnent des contraventions à 310 $. Mais avec le vapotage, on n’est pas capables de les prendre sur le fait. Est-ce qu’on a développé une stratégie A1 ? La réponse c’est non, parce que c’est assez nouveau comme phénomène. On sait qu’il y en a qui vont dans la salle de bain », indique Nathalie Massicotte.

Impact à long terme

La majorité des jeunes rencontrés par Le Journal affirment qu’ils ne vapotent pas pour cesser de fumer, car ils n’ont jamais été fumeurs. Ils vapotent pour les mêmes raisons : le goût est bon, ça procure un buzz et tout le monde le fait.

Annie Montreuil, chercheure à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), souligne que l’impact à long terme du vapotage, même s’il est moins nocif que le tabac, n’est pas bien documenté.

« On est très préoccupés de suivre l’évolution de l’usage des produits de vapotage chez les jeunes, car la nicotine y est très concentrée. La dépendance survient très rapidement et c’est sous-estimé chez les jeunes », indique-t-elle.

La Juul pour vapoter incognito

Photo STLTH
  • Dimensions : 9 cm de long sur 1,5 cm de largeur
  • Elle nécessite une pile rechargeable et un chargeur magnétique USB.
  • Les cartouches de nicotine s’installent dans le haut du dispositif et deviennent également l’embout buccal.
  • N’émet pas de vapeur ou presque
  • Sans odeur
  • Les liquides proposés par Juul sont faits de sels de nicotine plutôt que de nicotine en base libre. Ils contiennent aussi de l’acide benzoïque, ce qui permet à l’utilisateur d’aspirer une plus grande quantité de nicotine.
  • Ces liquides sont proposés dans des saveurs attrayantes comme la mangue, les fruits, la menthe et la vanille.
  • Prix : Trousse de départ avec un socle de recharge USB + quatre unités à 5 % de nicotine entre 40 et 65 $ plus taxes.
  • Disponibilité : en vente dans les magasins de vapotage, tabagies et dépanneurs. La vente en ligne est interdite.

Source : Juul Canada et Institut de cardiologie de Montréal

Nicotine dans les vapoteuses

Photo VapekingCanada

La nicotine peut être très concentrée dans les recharges de vapoteuses.

  • Une capsule de recharge de la vapoteuse Juul : 59 mg/ml
  • Les autres cigarettes électroniques du même type contiennent de 7 à 20 mg/ml
  • Une cigarette normale contient de 10 à 25 mg/ml.
  • Un timbre pour la cessation tabagique contient un maximum de 20 mg/ml

Source : INSPQ

Des jeunes accros

« J’ai commencé en secondaire un. Je vapote parce que ça goûte bon. »

- Joannie Langlois, étudiante à l’école secondaire La Courvilloise, à Beauport.


« Je n’ai pas vraiment de raison pour vapoter, j’aime ça. »

- Rosalie, étudiante à l’école secondaire Rochebelle­­­ à Sainte-Foy.


« Je ne fumais pas la cigarette avant [...]. C’est pour le goût plus qu’autre chose et t’es comme un peu étourdi, après. »

- Anaïs Talla, étudiante à La Courvilloise


« On a commencé à vaper récréatif et ç’a tourné en addiction. »

- Élliot, étudiant à La Courvilloise.


Santé Canada doit limiter le marketing sur les vapoteuses auprès des jeunes

Santé Canada est tenue responsable du fléau du vapotage chez les jeunes par plusieurs groupes antitabac qui réclament des mesures urgentes afin d’enrayer le problème.

La porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac croit que Santé Canada devrait en faire davantage pour limiter le marketing.

« On a légalisé les cigarettes électroniques avec nicotine pour aider les fumeurs à arrêter, mais on n’a pas restreint l’accès aux jeunes. On ne peut pas être surpris qu’ils soient tombés dans le piège. Ils se croient invincibles. Si ce n’était pas le cas, ça ferait longtemps que nous aurions lutté contre le tabagisme », affirme Flory Doucas.

En mai 2018, Santé Canada a adopté le projet de loi S-5 qui encadre les produits de vapotage. Le fédéral a ainsi autorisé la promotion de la cigarette électronique avec nicotine, pourvu qu’elle ne soit pas attrayante pour les jeunes et qu’elle ne fasse pas référence à un « style de vie ».

Toutefois, des multinationales comme Imperial Tobacco ont fait un pied de nez à la nouvelle loi et ont lancé des publicités télévisées agressives. Santé Canada a mis fin à plusieurs de ces publicités non conformes, après quelques mois.

Une fenêtre de quelques mois a suffi pour rendre plusieurs jeunes accrocs à la nicotine, soutiennent les groupes antitabac.

Consultations

Santé Canada mène jusqu’à demain une consultation sur de nouvelles mesures réglementaires.

Plusieurs regroupements comme Médecins pour un Canada sans fumée réclament une solution plus rapide que cette consultation, puisque les nouvelles mesures pourraient prendre deux ans avant d’être appliquées.

« Pour beaucoup de jeunes, ce sera trop peu, trop tard : des dizaines de milliers d’entre eux deviendront dépendants à la nicotine d’ici l’entrée en vigueur d’une nouvelle réglementation », selon Neil Collishaw, directeur à la recherche chez Médecins pour un Canada sans fumée.

Loi plus restrictive

L’INSPQ réclame notamment l’interdiction de la diffusion de publicités de produits de vapotage dans tous les médias, incluant internet et les réseaux sociaux, de plus en plus utilisés pour rejoindre les jeunes, ainsi que dans tous les lieux publics.

Au Québec, la loi interdit notamment que les produits de vapotage soient vus de l’extérieur de la boutique. La vente en ligne est aussi interdite.

Les commis dans les boutiques de vapotage rencontrés par Le Journal soutiennent pour leur part qu’ils vérifient l’âge de leurs jeunes clients.

« Quand des mineurs s’essaient, on refuse. Mais c’est grave qu’ils viennent, car ça se voit qu’ils ont un besoin et qu’ils sont en manque de nicotine », se désole Charles Andrews, commis chez Vapo Shop à Québec.

Avec la collaboration de Daphnée Dion-Viens







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