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Les périls d’une alimentation riche en produits ultra-transformés

Les périls d’une alimentation riche en produits ultra-transformés
Illustration Adobe Stock


Les débats, pour ne pas dire les guerres, auxquels se livrent les différentes écoles de pensée relativement aux vertus d’une liste interminable de régimes (faible en glucides, cétogène, à haute teneur en protéines, à faible teneur en gras, végétarien, végétalien, paléolithique, chrononutrition, jeûne intermittent, etc.) ont contribué à semer beaucoup de confusion dans les médias et dans la population

En fait, on a même parfois l’impression que certains adeptes de régimes draconiens entrent en religion au lieu de baser leurs comportements alimentaires sur la science.

Cela dit, une particularité frappante caractérise les différents modes alimentaires compatibles avec la santé humaine, et ce, peu importe d’où ils proviennent : ils contiennent très peu d’aliments ultra-transformés par l’industrie.

Cependant, bien que plusieurs recommandations nutritionnelles suggèrent de consommer une forte proportion d’aliments minimalement transformés, jusqu’à tout récemment peu d’essais cliniques contrôlés ont spécifiquement examiné cette question.

Ainsi, une magnifique étude réalisée au National Institute of Health (NIH), à Bethesda, aux États-Unis (campus localisé en banlieue de Washington) a testé l’hypothèse que des individus à qui on offrait des aliments ultra-transformés consommaient plus de calories que lorsqu’ils étaient exposés à des aliments non transformés (1).

Pour ce faire, le Dr Kevin Hall et ses collègues du NIH ont offert de façon aléatoire des aliments soit ultra-transformés soit non transformés à 20 volontaires (10 hommes et 10 femmes). Les deux diètes étaient respectivement consommées pendant une période de deux semaines.

De plus, puisque les données de prise alimentaire rapportées dans des questionnaires ont la réputation d’être souvent peu précises, les chercheurs ont fait séjourner les sujets pendant un mois dans leur unité de recherche clinique.

Cet accomplissement est tout à l’honneur des chercheurs, qui ont fait montre de rigueur, mais surtout des participants qui ont donné un mois de leur vie à la science !

Mesures sophistiquées

De nombreuses mesures sophistiquées ont été effectuées chez les participants avant et après les deux périodes d’intervention.

Il n’y avait pas de différence dans le nombre de calories et dans la teneur en sucres, en macronutriments, en sel et en fibres entre les deux diètes offertes aux participants. La seule recommandation que les sujets recevaient était de manger à leur faim.

Les résultats obtenus dans cette étude sont sans équivoque : lorsqu’ils étaient exposés aux aliments ultra-transformés, les participants consommaient spontanément environ 500 kcal de plus par jour que dans la situation où des aliments non transformés leur étaient offerts. Vous imaginez l’impact à long terme sur le poids, l’adiposité abdominale et le profil de santé !

Malgré la courte période d’intervention, alors qu’en consommant les aliments non transformés ils ont perdu 0,9 kg en deux semaines, les mêmes participants ont pris 0,9 kg quand ils ont été exposés à la diète ultra-transformée.

Puisque les sujets séjournaient également dans une chambre calorimétrique (qui permet d’évaluer avec précision la dépense énergétique dans des conditions où l’activité physique et l’alimentation sont hautement contrôlées — la référence en la matière), les chercheurs ont observé que la prise de poids sous le régime ultra-transformé s’expliquait par une augmentation des calories ingérées, et non pas par des changements dans la dépense énergétique.

Bien entendu, les causes des différentes formes d’obésité sont nombreuses et les chercheurs se gardent de simplifier leur discours, mais cette étude rigoureuse met en évidence un facteur additionnel qui nous fait réfléchir sur l’offre alimentaire en produits hautement transformés et son impact sur la santé.

Enjeux économiques

Par ailleurs, les chercheurs ont également rapporté le coût associé à l’achat des aliments non transformés comparativement aux aliments ultra-transformés, l’alimentation non transformée riche en fruits et légumes étant de loin la plus coûteuse.

Ce constat nous amène aux enjeux économiques de nourrir toute la planète de façon saine et équitable.

Nous n’avons présentement pas les moyens d’approvisionner toute la population en fruits et en légumes. L’industrie a réussi à produire des aliments peu coûteux (pour certains) avec d’intéressantes propriétés de conservation.

Le défi maintenant est d’améliorer les propriétés des aliments ultra-transformés afin de les rendre plus compatibles avec la santé humaine.

À Québec, nous avons une expertise formidable avec l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) de l’Université Laval.

Ce centre représente le plus important regroupement de chercheurs au Canada entièrement consacré à l’étude des aliments et de leurs composantes dans le contexte des liens entre la nutrition, la santé et la prévention des maladies chroniques.

L’INAF a une belle tradition d’interactions avec l’industrie alimentaire et le milieu agricole. Ainsi, un noble défi nous attend : bâtir un système alimentaire permettant de nourrir sainement les Québécois et la planète, et ce, de façon équitable et durable.


(1) Hall KD et coll., Ultra-Processed Diets Cause Excess Calorie Intake and Weight Gain : An Inpatient Randomized Controlled Trial of Ad Libitum Food Intake, Cell Metabolism (2019), https://doi.org/10.1016/j.cmet.2019.05.008

* Jean-Pierre Després est professeur au Département de kinésiologie de la Faculté de médecine de l’Université Laval. Il est également directeur scientifique du Centre de recherche sur les soins et les services de première ligne de l’Université Laval, CIUSSS-Capitale-Nationale, et directeur de la science et de l’innovation de l’Alliance santé Québec.







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