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L’obésité viscérale: le cholestérol du 21e siècle?

Herz-Kreislauf 1
PHOTO adobe stock


L’athérosclérose est le processus par lequel vos artères (les vaisseaux sanguins qui transportent le sang nourrissant des organes importants comme le cœur, le cerveau, les reins) accumulent du cholestérol. Il s’ensuit un processus très complexe par lequel ces vaisseaux sanguins épaississent et durcissent (un peu comme de la rouille à l’intérieur d’un tuyau de plomberie), gênant ainsi la circulation du sang dans les artères rétrécies.

Ce n’est qu’une image grossière, mais lorsque l’athérosclérose est avancée, la lumière (l’espace intérieur) des vaisseaux sanguins devient fortement diminuée, phénomène qui conduit soit à l’occlusion complète de l’artère, soit à une rupture des couches internes de l’artère qui vont libérer des substances menant à la formation d’un thrombus (caillot).

Dans les deux cas, l’organe perfusé par des artères bouchées ne sera pas en mesure de se nourrir convenablement. S’il s’agit du cœur, on parlera d’une angine au repos ou à l’effort, ou même d’un infarctus qui nécessitera une intervention médicale urgente.

Si l’artère bouchée ou endommagée nourrit le cerveau, cela pourra conduire à un accident vasculaire cérébral. On comprend donc que l’athérosclérose est un phénomène aux conséquences graves qui a fait l’objet de travaux de recherche partout dans le monde.

Ça commence dès la naissance

Par ailleurs, il a été démontré que l’athérosclérose se développe dès la naissance (les autopsies réalisées chez de jeunes enfants décédés accidentellement révèlent déjà sa présence) et que plusieurs facteurs en accélèrent son développement, comme, entre autres, le tabagisme, l’hypertension, le diabète et le fameux cholestérol.

À cet effet, la recherche a permis d’identifier un mauvais transporteur de cholestérol sanguin – le LDL-cholestérol – dont des taux élevés prédisent un risque augmenté de maladies cardiovasculaires. C’est pour cette raison que votre médecin de famille porte attention à votre taux de cholestérol (surtout de LDL-cholestérol).

D’ailleurs, depuis l’arrivée d’une classe de médicaments, les statines, les médecins disposent dorénavant d’un traitement efficace pour abaisser le LDL-cholestérol chez les patients qui ont déjà fait un événement cardiovasculaire ou qui sont à haut risque. Bien qu’on mette en doute leur prescription parfois abusive, l’arrivée de ces médicaments abaissant fortement le LDL-cholestérol est un succès de la recherche pharmaceutique.

Un groupe plus à risque

Toutefois, après une analyse plus fine des essais cliniques, un phénomène est apparu évident aux chercheurs : même chez les patients dont les taux de LDL-cholestérol sont abaissés de façon importante par les statines, on observe toujours un sous-groupe de patients traités dont le risque est plus élevé que les autres groupes.

En effet, ceux-ci montrent de l’obésité abdominale (tour de taille élevé) et sont caractérisés par une constellation d’anomalies additionnelles augmentant à la fois leur risque de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2.

Ce regroupement d’anomalies a été appelé syndrome métabolique par les experts américains. Il y a plus de 30 ans, notre laboratoire avait proposé que l’obésité viscérale (graisse accumulée en excès dans l’abdomen) était de loin la forme la plus fréquente du syndrome métabolique dans la population.

Nous avions par la suite démontré que le médecin peut détecter sa présence en portant attention au tour de taille et à une autre forme de gras dans le sang, les triglycérides, qui sont produits en quantité excessive par le foie qui devient littéralement rempli de gras si vous faites de l’obésité viscérale.

Pour souligner l’importance de ces notions en pratique médicale, la Chaire internationale sur le risque cardiométabolique que je dirige depuis plus de 10 ans à l’Université Laval a organisé à Prague, en avril 2017, une réunion impliquant des experts internationaux de la Société internationale d’athérosclérose (en anglais, International Atherosclerosis Society) afin d’élaborer une prise de position consensuelle internationale sur l’obésité viscérale en tant que facteur de risque majeur pour l’athérosclérose et les maladies cardiovasculaires.

Fruit de notre travail

Après plus de deux ans de délibérations et de discussions, nous sommes très fiers de rapporter le fruit de notre travail collectif dans la prestigieuse revue médicale anglaise The Lancet Diabetes & Endocrinology. Cette reconnaissance témoigne de l’importance accordée à l’obésité viscérale par les experts internationaux de l’athérosclérose et des maladies cardiovasculaires. (1)

Que de chemin parcouru par l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec et l’Université Laval en 30 ans ! Ce consensus d’experts internationaux souligne à nouveau la nécessité de mettre ce savoir au service des Québécois !

À quand une campagne nationale pour expliquer aux Québécois qu’il faut se méfier de cette graisse interne beaucoup plus dangereuse pour la santé que le fait de ne pas avoir un poids santé ?

Quand allons-nous les outiller afin de prévenir son développement ou leur permettre de s’en débarrasser ? Quand allons-nous leur souligner que la perte de poids en soi n’est pas toujours la bonne cible et qu’il n’est jamais trop tard pour adopter de saines habitudes de vie ? Nous avons de la science à partager ! Donnons-nous collectivement les moyens de le faire !

1. Une importante société médicale internationale s’associe à la Chaire internationale sur le risque cardiométabolique de l’Université Laval dans une prise de position publiée le 10 juillet dans la prestigieuse revue anglaise The Lancet Diabetes & Endocrinology, qui reconnaît l’obésité viscérale comme un facteur de risque majeur pour l’athérosclérose et les maladies cardiovasculaires.

Consultez l’étude ici:

* Jean-Pierre Després est professeur au Département de kinésiologie de la Faculté de médecine de l’Université Laval. Il est également directeur scientifique du Centre de recherche sur les soins et les services de première ligne de l’Université Laval, CIUSSS-Capitale-Nationale, et directeur de la science et de l’innovation de l’Alliance santé Québec.

 







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