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Justice pour SNC-Lavalin

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Depuis des mois, les conservateurs reviennent presque quotidiennement sur le cas de SNC-Lavalin. Cette affaire est politique pour le reste du Canada. Mais pour le Québec, il s’agit d’un dossier économique majeur et lourd de conséquences.

SNC-Lavalin est une entreprise multinationale œuvrant dans le secteur de l’ingénierie. Au fil des années, certains de ses dirigeants et employés haut placés ont été mêlés à des crimes économiques à l’international. On parle notamment de systèmes de pots-de-vin en Libye.

En 2013, ces pratiques ont valu à SNC-Lavalin et à ses filiales d’être radiées de tous les appels d’offres de la Banque mondiale.

Quelle justice appliquer ?

La justice criminelle doit évidemment s’appliquer. Mais le cabinet de Justin Trudeau est divisé quant à la bonne méthode à adopter parce que l’intérêt économique national est en cause.

L’ancienne ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould voulait appliquer le bon vieux Code criminel à SNC-Lavalin.

Mais, étant donné l’importance des délits, la complexité des cas et la nature des crimes, cette méthode a des désavantages. Les procès seront longs, médiatisés et coûteux pour les contribuables. Les crimes ont eu lieu à l’étranger. Il n’est pas assuré que l’entreprise sera reconnue coupable.

Mais surtout, il est probable que les procédures judiciaires fassent fermer l’entreprise.

Accord de réparation

Depuis septembre 2018, le gouvernement fédéral peut procéder autrement.

Il peut signer un accord de réparation avec une entreprise soupçonnée de crimes économiques.

Un tel accord n’est pas un acte de pardon. C’est une justice négociée et encadrée. L’entreprise admet ses torts, paie des amendes à fort prix et doit mettre en œuvre un plan de réforme.

Les concurrents internationaux de nos entreprises ont parfois droit à ce mode de justice alternative. En 2010, deux entreprises françaises ont signé de tels accords en vertu des lois américaines sur la corruption.

C’est une justice qui s’opère loin des tribunaux. Les procédures sont courtes et peu coûteuses pour les contribuables. Les actions de l’entreprise sont exposées et punies.

C’était le choix de Justin Trudeau. Un choix judicieux et dans l’intérêt du Québec. Et c’est pour cette raison qu’il a fait un peu de tordage de bras.

Sauver les emplois

Les accords de réparation existent aux États-Unis depuis 2003. Mais c’est au début des années 2000, dans le sillage des scandales Worldcom et Enron, que le département de la Justice s’y est intéressé de plus près.

Lors du scandale Enron, la firme d’audit comptable Arthur Andersen avait été reconnue coupable de crimes économiques au terme d’intenses procédures judiciaires.

Son verdict de culpabilité avait finalement été renversé par la Cour suprême. Mais sa réputation avait été tellement entachée qu’elle avait dû déclarer faillite. Le coût humain : 85 000 employés à la rue.

En voulant rendre justice, on avait créé une injustice.

C’est la méthode que Wilson-Raybould, qui a été expulsée du caucus libéral, voulait appliquer aux employés de SNC-Lavalin. Des employés qui ne sont coupables de rien.

Et c’est ce que les conservateurs veulent obtenir en s’acharnant sur ce dossier à en faire pitié.


► Jean-Denis Garon est professeur à l’ESG UQAM

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