Un suspect roulait en Lamborghini
L’homme soupçonné d’avoir trempé dans le vol de données de Desjardins voulait projeter une image de succès
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L’enquête sur le vol de données personnelles de 2,9 millions de clients de Desjardins a mené les policiers sur la trace d’un nouveau suspect. Il aurait eu en main une bonne partie des informations dérobées, que des criminels ont pu revendre par le dark web.
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Juan Pablo Serrano, 33 ans, fait partie des 17 « personnes d’intérêt » que la Sûreté du Québec a rencontrées hier.
Nous avons brièvement discuté avec lui.
« Je n’ai aucun commentaire à faire sur l’enquête », dit-il.
En tout, les forces de l’ordre ont questionné pas moins de 91 individus depuis le début de la semaine.
Les policiers ont aussi perquisitionné dans un entrepôt où Serrano se rendait régulièrement, rue Notre-Dame Est, à Montréal. Selon nos informations, environ 200 plants de marijuana légale y sont cultivés.
La bâtisse appartient à un de ses « amis d’enfance », dit-il.
« Elle est louée par le CN et par d’autres individus malades qui possèdent des permis de culture de cannabis », explique Serrano, qui traîne un lourd passé criminel.
Il a purgé diverses peines de prison, notamment pour falsification de cartes de crédit, entrave au travail d’un agent public, vol et fraude (voir plus bas).
Depuis quelques années, il habite un condo de l’avenue Terry-Fox, à Laval, où ses voisins ont noté beaucoup de va-et-vient. Il a été aperçu au volant de plusieurs voitures de luxe, dont une Ferrari et une McLaren.
Lamborghini et bitcoins
En 2018, Serrano a roulé dans une Lamborghini Huracán à plus de 200 000 $.
« Je l’ai louée pour quelques mois pour faire la publicité d’une entreprise de fruits », dit-il. Le projet est toutefois tombé à l’eau.
Serrano fait aussi dans la spéculation sur les bitcoins.
« J’ai toujours été intéressé par la cryptomonnaie, oui », convient-il.
Ces monnaies virtuelles ne sont pas illégales, mais sont souvent utilisées sur le dark web pour faire des transactions criminelles.
Notre Bureau d’enquête a également contacté son demi-frère, qui a demandé à garder l’anonymat. Il avait accepté de l’aider en cautionnant la location de la Lamborghini.
« On s’est tous demandé ce qu’il faisait. C’est très clinquant, dit-il. C’était plus pour son besoin de se donner un certain style et une crédibilité dans ses activités... Fake it till you make it, comme on dit. »
Son demi-frère ignorait tout des ennuis de Serrano et des activités criminelles dont il est maintenant soupçonné, relativement à la fuite de données chez Desjardins.
« C’est sûr que si lui a décidé consciemment d’utiliser ça [les données personnelles] pour la revente, c’est décevant. Mais qu’est-ce que je peux y faire ? J’espère sincèrement qu’il va se sortir de ça. »
Sur le plan politique, hier, les négociations qui devaient permettre la tenue d’auditions à l’Assemblée nationale concernant les récentes fuites de données se sont soldées par un échec pour une troisième fois.
Le gouvernement a décidé de s’en tenir aux institutions privées concernées pour faire la lumière sur ce qui s’est passé. De leur côté, les oppositions voulaient en profiter pour entendre également Revenu Québec et le Conseil du trésor.
En juin, Desjardins a annoncé qu’un employé avait vraisemblablement dérobé les données personnelles de 2,7 millions de clients et 173 000 entreprises.
Pas encore accusé
L’individu, Sébastien Boulanger Dorval, travaillait dans le secteur du marketing pour l’institution financière, dont le siège social est à Lévis, sur la Rive-Sud dans la région de Québec. Il a été interrogé au printemps dernier, puis relâché. Aucune accusation criminelle n’a été déposée dans ce dossier pour l’instant.
Au total, 200 policiers et 10 civils participent à l’enquête pour trouver les responsables de ce vol massif.
En juillet, notre Bureau d’enquête révélait que les données volées avaient déjà été vendues à des groupes criminels, notamment au moyen du dark web, des sites internet camouflés souvent utilisés pour des activités illégales.
Un dossier criminel bien garni
2006
Juan Pablo Serrano plaide coupable après avoir été inculpé pour possession de drogue, mais il obtient l’absolution inconditionnelle. Il reçoit également deux peines concurrentes de dix mois pour utilisation non autorisée de données relatives à une carte de crédit.
2007
Serrano écope d’un mois de prison pour avoir volontairement entravé le travail d’un fonctionnaire ou d’un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions, six mois pour vol, deux mois pour omission de se conformer à une condition et dix mois pour fraude.
Il reçoit aussi deux peines concurrentes de six mois pour copie de données relatives à une carte de crédit ou fabrication ou falsification de cartes de crédit et utilisation non autorisée de données relatives à une carte de crédit.
2018
Il plaide coupable à une accusation de fraude et est condamné à 90 jours de prison.
– Avec Marc-André Gagnon, Bureau parlementaire
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