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L’infiltration comme moyen d’enquête



 L’infiltration incognito ou avec caméra cachée n’est pas une technique d’enquête journalistique dont nous voulons abuser, mais c’est parfois le seul moyen de révéler des informations que le public est en droit de savoir. 

 C’est en partie grâce à cette technique que notre Bureau d’enquête a décroché un prix Gémeaux, la semaine dernière, pour une enquête intitulée Des thérapies bidon pour «guérir» l’homosexualité

 Cela nous avait permis de filmer à son insu, avec l’aide d’un collaborateur qui prétendait vouloir guérir son homosexualité, une psychothérapeute associée à l’église Nouvelle Vie de Longueuil. La thérapeute assurait pouvoir l’aider à « désapprendre » son orientation sexuelle. 

 Il fallait le voir pour le croire

 Notre Bureau d’enquête a découvert que des entreprises et des organismes religieux essayaient de convaincre les Québécois qu’il est possible de traiter ou de guérir l’homosexualité. Ceux-ci sont financés par des donateurs qui profitent de crédits d’impôt. Nous avions trouvé cinq organisations qui offraient ce service ou qui avaient accepté de l’offrir. 

 Brigitte Noël et Matt Joycey ont ainsi récolté le Gémeaux pour le meilleur reportage produit pour les médias numériques. Un hommage bien mérité. 

 En 2017 et 2018, nous avions également réalisé deux enquêtes avec des caméras cachées, qui ont cumulé plus de trois millions de visionnements. Notre reporter Marie-Christine Noël avait passé un mois dans la peau d’une prof suppléante et une semaine dans la peau d’une préposée aux bénéficiaires, pour témoigner des conditions de travail difficiles. 

 Dans un centre de tri 

 Notre Bureau d’enquête propose aujourd’hui une autre infiltration journalistique, celle-ci dans un centre de tri de matières recyclables. 

 Vous pouvez lire les détails de ce récit sur notre site

 Et vous pourrez ainsi constater, grâce aux témoignages et aux images recueillis, qu’il y a bien des choses qui ne tournent pas rond dans le monde du recyclage. 

 Non seulement plusieurs Québécois mettent un peu n’importe quoi (et n’importe comment) dans leur bac de recyclage, mais ceux qui essaient ensuite de valoriser cette matière utilisent des ruses pour les écouler dans le tiers-monde. 

 Étant donné tout l’effort collectif (et l’argent) qui est investi dans le système de recyclage du Québec, ce que vous lirez vous choquera. 

 D’autres infiltrations 

 Dans le passé, nous avons réalisé plusieurs autres reportages en nous infiltrant dans des milieux où nous n’étions pas les bienvenus. 

 L’automne dernier, nous assistions incognito au Colloque sur le bien-être des médecins dans le bucolique décor du Spa Eastman, dans les Cantons-de-l’Est. Une trentaine de spécialistes et d’omnipraticiens s’y trouvaient pour éplucher une clémentine et la savourer avec les yeux fermés, faire des mouvements de yoga et des exercices de respiration au son d’une clochette, entre autres choses. Ils pouvaient profiter des bains extérieurs mis à leur disposition et de « cuisine tonique ». 

 Le problème (et l’intérêt public), c’est que les docs se faisaient remettre une attestation de présence qui permettait aux médecins de famille d’obtenir un remboursement de 402 $ par jour avec des fonds publics. 

 Fraîchement élue, la ministre de la Santé, Danielle McCann, avait ensuite déclaré ceci : « On va demander au Collège des médecins et aux fédérations de resserrer les critères par rapport aux formations médicales. Je ne pense pas que ces activités font partie des formations médicales. » 

 On peut se demander ce qui est arrivé de ces intentions puisque les docteurs se sont réunis de mercredi à hier pour une formation à Ferme-Neuve, dans les Hautes-Laurentides. Au programme : bains de forêt, art-thérapie, comment manger méditerranéen et atelier sur la résilience du médecin. On verra si les contribuables vont encore payer pour ça... 

 Dans nos souvenirs 

 Parlant de McCann, le plus célèbre de nos reportages d’infiltration demeure celui que nous avons réalisé chez les raëliens, en 2003, grâce à l’infiltration de la journaliste Brigitte McCann et de notre photographe Chantal Poirier. 

 Les nombreuses révélations de ce reportage avaient permis de débarrasser le Québec des fabulateurs et manipulateurs raëliens. Ils étaient aussi devenus dangereux en faisant la promotion de Clonaid, leur organisation qui prétendait faussement (jusqu’à ce que nous révélions le canular) avoir organisé la naissance du premier bébé cloné de l’humanité. 

 Durant neuf mois, nos journalistes avaient infiltré les réunions de la secte à Montréal, mais aussi à Maricourt, où le gourou Claude Vorilhon réunissait ses fidèles en robes blanches, ou souvent sans robes du tout. Raël, qui se faisait appeler Sa Majesté par ses disciples, annonçait le retour des extraterrestres. 

 Il a dû se retrancher en France après le reportage et notre best-seller qui a suivi (Raël – Journal d’une infiltrée). La fameuse soucoupe volante qui ornait encore le site de Maricourt jusqu’à l’an dernier a finalement été mise en vente sur Kijiji l’année passée par celui qui a transformé l’endroit en terrain de camping et qui en avait hérité. 

 Dany Doucet, Rédacteur en chef







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