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Pourquoi la diète cétogène fait-elle perdre du poids? (2e partie)

Plate with a keto diet food. Cherry tomatoes, chicken breast, eggs, carrot, salad with arugula  and spinach. Keto lunch. Banner. Top view
Photo Adobe Stock


Dans ma chronique précédente, je soulignais à quel point, dans un monde où beaucoup d’entre nous sont sédentaires et consomment des aliments trop riches en glucides, souvent transformés par l’industrie (p. ex. frites, croustilles, pain et riz blancs, pâtes) et qui contiennent du sucre ajouté (p. ex. boissons sucrées, desserts, biscuits), il n’est pas surprenant qu’une diète cétogène, où ces produits sont pratiquement absents, puisse faire perdre du poids rapidement, même si ce régime montre une teneur en lipides très élevée (au-delà de 70 % des calories).

Une fois ce constat effectué, plusieurs questions demeurent, car il y a peu d’études disponibles actuellement portant sur l’efficacité de ce régime radical et sur son impact à long terme pour la santé.

Par ailleurs, et comme le soulignait mon collègue le Dr Dariush Mozaffarian, cardiologue américain très connu dans le monde de la nutrition, prétendre qu’il n’est pas important de se préoccuper de la qualité des lipides consommés de façon astronomique dans ce régime contribue à discréditer une approche qui mérite attention : manger plus de bons gras, mais limiter sa consommation de glucides absorbés rapidement et de sucre ajouté.

En effet, dans la fameuse étude espagnole PREDIMED réalisée auprès de 7400 patients à risque, incluant un grand nombre d’individus (environ 50 %) avec le diabète de type 2, une réduction de 30 % dans la survenue d’événements cardiovasculaires avait été observée dans le groupe qui avait augmenté sa consommation de lipides en ajoutant des noix diverses et de l’huile d’olive à une alimentation de type méditerranéenne (41 % des calories sous forme de lipides, comparativement à 37 % pour le groupe témoin).

Qualité des glucides

D’autre part, il y a longtemps que les chercheurs s’intéressent à la qualité des glucides dans notre alimentation. Un collègue de l’Université de Toronto, le Dr David Jenkins, est mondialement reconnu pour son concept d’indice glycémique et de charge glycémique des aliments, particulièrement dans le contrôle du diabète.

Ainsi, pour un contenu donné en calories, plus un aliment a un indice glycémique élevé (p. ex. pain blanc), plus la glycémie va augmenter dans le sang suivant sa consommation. À l’inverse, les glucides complexes comme les céréales à grains entiers ont un indice glycémique plus faible et sont associés à une augmentation moins marquée de la glycémie.

Bien sûr, si vous avez la dent sucrée, vous allez induire des pics d’hyperglycémie dans votre sang après vos repas. Votre pancréas répondra alors en sécrétant de l’insuline, beaucoup d’insuline, pour faire entrer le glucose provenant de la dégradation des glucides alimentaires dans vos cellules, incluant son stockage dans les muscles sous forme de glycogène.

Si vous êtes sédentaire et que votre glycogène musculaire est peu sollicité, l’organisme devra stocker quelque part ce glucose d’origine alimentaire. Le foie transformera alors ces molécules de glucose en lipides (triglycérides) qui iront s’accumuler dans le foie ou dans le tissu adipeux (cellules entrant dans la composition de la graisse corporelle).

Chez environ 20 % ou 25 % de la population sédentaire, ces lipides fabriqués par le foie s’accumuleront dans le tissu adipeux viscéral et dans le foie et contribueront ainsi au développement de plusieurs maladies chroniques.

Ce n’est pas d’hier qu’on parle de cette condition. Un fameux médecin endocrinologue, le regretté professeur Gerald Reaven de l’Université Stanford, est connu mondialement pour avoir introduit en 1988 le concept de syndrome de résistance à l’insuline (syndrome X).

Non seulement le professeur Reaven avait suggéré que ce syndrome était la principale cause de maladies cardiovasculaires, mais il avait également montré que le profil de santé des patients qui étaient résistants à l’insuline se détériorait lorsque ceux-ci avaient une alimentation riche en glucides.

Ces observations ont également été confirmées par un autre chercheur californien, le professeur Ronald Krauss de l’Université de Berkeley. Bref, il semble que certaines personnes sont plus vulnérables que d’autres à une alimentation riche en glucides et en sucre ajouté. Pour celles-ci, diminuer la consommation de glucides alimentaires va générer des bénéfices à court terme (perte de poids et amélioration du profil de santé).

Des résultats mitigés

Toutefois, comme souligné par un autre expert du domaine, le Dr David Ludwig de l’Université Harvard, les essais randomisés à long terme sur la diète cétogène sont très rares et ont généré des résultats mitigés.

En effet, dans les quelques grandes études qui ont suivi des participants sur une période de un à deux ans, on trouve peu de différences dans la perte de poids et l’amélioration du profil de santé entre les divers groupes (diète faible ou riche en glucides). Le principal facteur qui prédisait la perte de poids était le nombre de rencontres entre les participants et les équipes de recherche. D’autres questions légitimes se posent avec la diète cétogène, comme de possibles carences nutritionnelles (nutriments, vitamines, fibres) et l’impact d’un régime aussi radical sur la flore bactérienne intestinale.

Ne pas tomber dans l’abus

Quoi penser de tout cela ? Vous savez, en science, il faut rester bien humble face à la complexité des phénomènes que nous étudions. Dans l’histoire de l’humanité, l’étude de la relation entre la nutrition et la santé a fait et fera encore l’objet de débats. Il me semble inexplicable que la recherche dans un domaine aussi fondamental pour la santé humaine soit à ce point sous-financée par l’État.

En attendant, essayons d’avancer prudemment dans notre quête de réponses en évitant les débats d’opinion. Un certain consensus existe parmi les experts selon lequel une alimentation riche en glucides (surtout dans la forme que nous retrouvons sur les tablettes de nos supermarchés – riches en farines raffinées et en sucre ajouté) serait préjudiciable aux individus sédentaires. Pour le moment, il semble plus sage de ne pas abuser des aliments trop sucrés, de faire attention à la qualité des lipides consommés et d’ajuster sa consommation de glucides en fonction de son niveau d’activité physique (les glucides étant le carburant de l’individu très actif).

Développer une offre alimentaire abordable et compatible avec la santé de notre population et éduquer nos enfants en matière de nutrition et d’activité physique devraient faire partie de nos priorités nationales.


* Jean-Pierre Després est professeur au Département de kinésiologie de la Faculté de médecine de l’Université Laval. Il est également directeur scientifique du Centre de recherche sur les soins et les services de première ligne de l’Université Laval, CIUSSS-Capitale-Nationale, et directeur de la science et de l’innovation de l’Alliance santé Québec.

 







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