Prostitution juvénile: «Il faut éduquer nos jeunes garçons»
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Des intervenants en ont assez de voir des adolescents vouloir «faire de l’argent avec leur blonde» et veulent agir auprès de ces proxénètes en devenir.
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Devant la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs, le Projet Intervention Prostitution Québec (PIPQ) a suggéré, mardi, d’approcher des jeunes hommes de seulement 13 à 16 ans «qui ne sont pas encore cristallisés dans un monde de proxénétisme», mais qui pourraient bien le devenir.
«Ce sont des gars qui vivent encore dans l’ambivalence; qui, une journée, ont le goût de faire de l’argent avec leur blonde, et le lendemain, ont le goût de s’inscrire au cégep», a illustré la directrice de cet organisme, Geneviève Quinty, devant les élus.
Elle déplore que, en dehors de la répression policière, «il n’y a pas d’énergie, en ce moment, qui est mise sur la demande, il n’y a pas encore de programme de prévention». Elle croit qu’il faut «revenir à la base.»
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De père en fils
«Il faut éduquer nos jeunes garçons aussi, il faut défaire les mythes, les croyances autour des relations gars-filles. Il y a encore des inégalités. Il faut travailler là-dessus», a précisé Mme Quinty aux médias, après son exposé.
Certains proxénètes le sont même de père en fils, souligne-t-elle.
Malgré tous les efforts de son équipe dévouée depuis 35 ans, le PIPQ vient en aide à un nombre croissant de personnes prises dans l’engrenage de l’exploitation sexuelle dans la région de Québec.
Environ 500 personnes, dont plus de 160 ont moins de 25 ans, reçoivent ses services à l’heure actuelle. «C’est énorme», tranche Mme Quinty.
Il faut dire que, depuis la retentissante opération Scorpion en 2002, à Québec, les méthodes employées par les proxénètes pour recruter leurs jeunes victimes et les mettre en relation avec des clients ont bien changé.
Invisible
Sur les réseaux sociaux, le recrutement des victimes et la sollicitation des clients sont un jeu d’enfant pour les proxénètes. La prostitution juvénile devient invisible.
«Il faut penser que les proxénètes, eux, travaillent en équipe. Ils trouvent la faille chez une jeune fille, ils la déprogramment pour la reprogrammer à être de la marchandise que l’on vend. Nous, comme services de police, avec les partenaires, on doit davantage travailler en collaboration, ou continuer de le faire parce que c’est déjà bien parti», estime Nathalie Thériault, capitaine au Service de police de la Ville de Québec.
Mais il existe aussi des «trous de service» qu’il faudra combler, souligne le PIPQ. Certaines femmes, exploitées dans leur jeunesse, ont beaucoup de mal à affronter le passage à la vie adulte, explique Mme Quinty.
L’organisme cite aussi le front de la justice, trop complexe. Du signalement d’une situation d’exploitation jusqu’à la sentence d’un abuseur, une victime rencontre environ une vingtaine d’adultes, auxquels elle doit souvent réexpliquer sa situation, explique-t-on.
Ainsi, il faut «humaniser» le processus de dénonciation judiciaire, recommande le PIPQ.