50 000 petits dollars
Le Diamant de Robert Lepage
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Pourquoi donner 50 000 $ au Diamant de Robert Lepage en sus de tous les millions déjà versés ?
Bonne question.
Mais c’est le genre de questions qui vaudra à celui qui la pose la vindicte qui caractérise la démocratie à Québec.
Pourtant, l’homme de la rue, le quidam comme le petit commerçant, la masse silencieuse des contribuables, tous ces braves gens, taxables et parfois taxés jusqu’à la faillite, se demandent, eux aussi, pourquoi la ville es montre si généreuse et donne-t-elle, cette année et pour toujours, 50 000 $ au Diamant.
On a l’habitude de voir valser les millions et les milliards. Mais là, 50 000 malheureux petits dollars, 50 000 tout rond, en sus du reste, mais pourquoi au juste ?
Est-ce déraisonnable de demander? On ne sait plus... Si la curiosité est devenue un sacrilège!
C’est possiblement un rabais à vie sur les taxes foncières – elles sont tellement élevées - mais ça peut être autre chose...
Une sorte de don gratuit et désintéressé, irrationnel et philanthropique, le genre de truc apprécié des politiciens parce que ça ne leur coûte rien...
Les gens bien informés savent peut-être aussi que ce théâtre ne sera pas rentable, peu importe la renommée du dramaturge. Que le succès escompté est né d’un optimisme irréaliste. Alors on prévoit le pire avant l’heure...
Il est plausible aussi que nous soyons simplement devant un autre exemple de «mur à mur» politique; donner au Diamant comme aux autres parce qu’on dépense sans souci comme on purge les égouts.
Une fonctionnaire manifestement respectueuse de la tradition subventionnaire a indiqué que la somme en jeu est dérisoire. Elle l’est, bien sûr.
Le budget de fonctionnement du Diamant est de cinq millions et le soutien annuel de la ville représente 1% du total.
Pourtant, 50 000 misérables petites piastres, ça semble si dérisoire que ça ne peut pas être totalement inutile. L’équilibre budgétaire ne peut pas déjà dépendre de si peu. Alors quoi?
Eh bien, aussi insignifiante soit-elle aujourd’hui, cette obole municipale se révèlera probablement d’une importance capitale un jour.
Inscrite aux livres comptables parmi d’innombrables colonnes de chiffres, elle sera, comme le reste, «ajustée», c’est-à-dire augmentée et liée éventuellement à l’acte de vente du Diamant quand celui-ci aura perdu de son éclat.
On épongera 2% du budget, puis 3%, puis 4%, ainsi de suite. On exigera ensuite du ministère de la Culture un financement particulier et la bureaucratie sera heureuse de démontrer sa raison d’être et son imagination.
Le fardeau fiscal des commerçants et des restaurateurs restera abusivement lourd tandis que celui du Diamant finira par échapper au regard du public dans le magma des programmes normés...
En attendant, les politiciens seront heureux et comblés d’aise quand, aux avant-premières, on leur tendra une menotte cotonneuse pour les inciter au baisemain:
- Ah ! Mon cher, sans vous, qu’est-ce qu’on ferait!
- C’est rien, c’est rien. J’ai toujours aimé Sophocle...
Ces soirs-là, un œil averti pourra apprécier le grand talent d’acteurs qu’il n’est pas nécessaire de nommer...
Alors voilà. Tout ça explique pourquoi on dit que 50 000 $, bien précis, sans un sou de plus, ça ne vaut pas une question et encore moins une remise en question.
C’est du placement de produit en quelque sorte. Pour celui qui reçoit comme pour celui qui donne...