L’enquête progresse... lentement
Les policiers du Bureau des enquêtes indépendantes n’ont même pas fini d’éplucher les 4,8 millions de documents
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L’enquête sur les fuites d’information à l’Unité permanente anticorruption (UPAC), amorcée il y a presque trois ans, ne semble pas près d’aboutir. Les policiers ont recueilli une quantité si gigantesque d’informations qu’ils n’ont même pas pu prendre connaissance de tous les documents à ce jour.
C’est ce qu’on apprend dans une déclaration assermentée d’un des policiers affectés à cette opération d’envergure, que notre Bureau d’enquête a pu consulter.
Cette enquête, d’abord baptisée Projet A, avait été lancée par l’ex-patron de l’UPAC, Robert Lafrenière, en 2017. Ce dernier ne digérait pas que des documents policiers confidentiels, concernant notamment l’ex-premier ministre Jean Charest, aient fait l’objet de reportages.
En octobre 2018, le projet A a été confié au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), après que M. Lafrenière ait quitté l’UPAC par surprise. L’enquête est maintenant connue sous le nom de Projet Serment.
L’affidavit que nous avons consulté date du 20 janvier dernier et est signé par Michel Doyon, un enquêteur du BEI. Il permet de comprendre pourquoi cette enquête n’est toujours pas conclue même si elle a commencé en 2017.
4,8 millions de documents
L’enquêteur Doyon raconte que le BEI n’a pu commencer à analyser le dossier des fuites qu’en mai 2019, soit six mois après avoir été mandaté pour le faire.
Il devait d’abord recevoir des copies de travail, réalisées par la firme Ernst & Young, de l’imposante preuve amassée pendant le projet A.
« Ces périphériques contiennent un minimum de 24 téraoctets de données, pour un nombre approximatif de 4,8 millions de documents électroniques », expose-t-il dans le document présenté en Cour supérieure.
« À ce jour, l’équipe d’enquête du Projet Serment n’a pu prendre connaissance de tous les fichiers du projet A considérant leur volume », déclare-t-il.
En plus de s’intéresser aux fuites dans les médias, l’enquête Serment se penche aussi sur la façon dont le projet A a été mené à l’UPAC.
C’est notamment dans le cadre du projet A que le député Guy Ouellette avait été arrêté, parce que l’UPAC le considérait comme un suspect dans l’affaire des fuites. Il n’a finalement été accusé de rien, et c’est même lui qui poursuit aujourd’hui le gouvernement.
Infos cachées
Au cours de la dernière année, le projet Serment a entraîné des mesures disciplinaires chez des cadres de l’UPAC ainsi que la suspension du directeur de la Sûreté du Québec, Martin Prud’homme, mais aucune accusation criminelle en bonne et due forme.
Il est aujourd’hui difficile de savoir qui le BEI a dans sa mire. Plusieurs informations ont été caviardées dans l’affidavit récent de Michel Doyon, dont :
- La liste des suspects
- La théorie qui pourrait expliquer pourquoi il y a eu des fuites, et pourquoi des actions inappropriées auraient eu lieu en cours d’enquête
- Les prochaines rencontres de témoins prévues par le BEI.
On sait cependant que 14 enquêteurs travaillent à temps plein. Leurs locaux sont situés à l’extérieur des bureaux du BEI, à Longueuil, « étant donné la nature sensible et délicate des sujets traités et des acteurs impliqués ».
En septembre dernier, le ministère de la Sécurité publique a dévoilé qu’en date du 8 août 2019, plus de 736 000 $ de fonds publics ont été engloutis dans cette enquête.
Le BEI s’adressera à la Cour supérieure à huis clos, le 21 février, pour demander d’interdire la diffusion d’éléments de preuve dans Serment, car il affirme que cela pourrait nuire à l’enquête.
MATÉRIEL AMASSÉ POUR DÉCOUVRIR LA SOURCE DES FUITES
- 4,8 millions de fichiers
- 13 clés USB
- 33 disques durs
- 7 rubans de sauvegarde
- 3 cartes mémoire
- 23 DVD/CD
- 24 téraoctets ( l’équivalent de 24 millions de photos numériques de bonne qualité)
Source : affidavit de Michel Doyon, enquêteur au BEI
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