[PHOTOS] Quand on voulait que le lien entre Québec et Lévis soit... un pont de glace
Au 19e siècle, comme aujourd’hui, la question des liens entre Québec et Lévis soulève bien des discussions. Déjà à cette époque, certains évoquent la nécessité de grands travaux d’infrastructure afin d’assurer une meilleure liaison. À plusieurs reprises, des citoyens et des élus débattent de l’utilité et, surtout, de la faisabilité d’un grand projet: faire apparaître un pont de glace chaque hiver entre les deux villes.
La formation du pont de glace à Québec est un phénomène relativement rare. Elle ne se produit que 83 fois, c’est-à-dire un peu moins de 30% des hivers, entre 1620 et 1910. Pour la population en général, un lien glacé entre les deux rives signifie un meilleur approvisionnement en denrées, dont certaines sont très précieuses pour l’hiver, comme le bois de chauffage. Par contre, l’idée d’un pont de glace chaque hiver ne fait pas l’unanimité: les commerçants du port ne veulent pas retarder l’ouverture de la navigation alors que les propriétaires de traversiers et les canotiers y voient une perte de profits.
Au début des années 1830, le capitaine John LeBreton propose d’arrêter les glaces avec des ancres et des câbles en utilisant de la paille et de la neige «pour les faire prendre ensemble». Une loi à cet effet est adoptée par le Parlement en 1832, assurant au capitaine LeBreton une rémunération en cas de réussite. Ce sera un échec. De nombreuses autres propositions sont faites dans les décennies suivantes, mais elles resteront au stade de projet.
L’idée d’utiliser des chaînes pour immobiliser les glaces est reprise une dizaine d’années plus tard par Charles Jourdain, un entrepreneur de Québec.
En avril 1852, un comité de citoyens mené par l’avocat et politicien Dunbar Ross propose de construire deux quais de 2000 pieds: l’un à la Pointe-Lévy et l’autre à Beauport. En plus de permettre la formation annuelle d’un pont de glace, croit-on, ces quais faciliteraient la circulation dans le port de Québec en atténuant le courant. Le comité dépose une pétition et un rapport à l’Assemblée législative. Après réflexion, les députés projettent plutôt de construire un bateau à vapeur capable de faire la traversée toute l’année.
Là encore, l’idée est reprise une dizaine d’années plus tard. Cette fois, le projet prévoit un quai qui serait plutôt situé à la hauteur de Cap-Rouge et auquel seraient accrochées des cordes et des balises flottantes pour créer une sorte de barrage.
Pourquoi ces projets ne se sont-ils pas réalisés? Des coûts considérables. Des résultats incertains. Un contexte économique changeant. Les hypothèses sont nombreuses et peuvent être riches en enseignements.
Un texte de Pierre-Olivier Maheux, historien