COVID-19: Un manque de transparence de la Chine, selon un ancien ambassadeur du Canada
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Chiffres falsifiés, protocole sanitaire contourné, manque de collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et médecins lanceurs d’alerte rabroués: la Chine manque de transparence sur plusieurs aspects, selon un ancien ambassadeur du Canada.
Guy St-Jacques est loin d’être convaincu lorsqu’il voit les chiffres recensés par ce pays en ce qui a trait au nombre de personnes infectées par la COVID-19. «Je pense que c’est seulement la pointe de l’iceberg, parce qu’en Chine, il y a une tradition de mentir pour des fins politiques», a d’abord indiqué l’ancien ambassadeur du Canada en Chine, à QUB radio lundi matin.
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«Cette tendance-là s’est renforcée depuis que Xi Jinping a pris le pouvoir depuis 2012», a renchéri l’ancien ambassadeur, qui a passé 13 ans de sa vie là-bas.
Une mauvaise gestion dès le départ
Selon l’invité de Benoit Dutrizac, la gestion de crise entourant le coronavirus a connu des manquements dès son apparition dans le pays, qui n’a pas respecté son propre protocole établi après l’épidémie du SRAS en 2003. «Je pense qu’ils ont fait ça parce que les autorités locales ne voulaient pas être les porteuses de mauvaises nouvelles», a-t-il expliqué.
Tardivement mise au fait de la situation, l’OMS aurait été empêchée par les autorités chinoises de déclarer rapidement l’épidémie. «Ils [les membres de l’OMS] ont voulu envoyer une équipe sur le terrain dès le début du mois de janvier après avoir été avisés. La Chine a refusé. C’est seulement en février qu’ils ont pu y aller», a fait savoir M. St-Jacques.
L’ancien ambassadeur, tout comme des sources au sein du renseignement américain, des experts en santé publique et des politiciens, remettent en doute les statistiques dévoilées par le pays. Cas asymptomatiques non comptabilisés, décès hors hôpitaux non recensés, même le nombre de professionnels de la santé infectés par la COVID-19 n’aurait pas été fourni, selon eux.
Des médecins réprimandés
En entretien avec Benoit Dutrizac, Guy St-Jacques est aussi revenu sur les cas des médecins lanceurs d’alerte Li Wenliang et Ai Fen.
Ophtalmologue de 34 ans et premier lanceur d’alerte de la propagation du virus, Li Wenliang avait été fermement réprimandé par la police chinoise qui l’accusait de répandre de fausses rumeurs sur l’ampleur de la crise. Sa mort, des suites de la COVID-19 en février, a provoqué un vent de colère à l’intérieur du pays.
Sur le web, les citoyens se sont largement exprimés en réponse aux articles relayés par les médias chinois. «Le régime a fermé ces commentaires-là sur les réseaux sociaux, puis ils ont essayé de faire du docteur Li, un héros», a commenté M. St-Jacques.
Un flou demeure quant à la situation de la docteure Ai Fen, cheffe du service des urgences de l’hôpital de Wuhan, qui aurait pour sa part accordé une entrevue dans un magazine chinois, avant que l’on constate sa disparition. «Quelqu’un qui faisait des commentaires critiques risquait de se faire arrêter. Malheureusement, c’est le cas de cette dame-là qui a été arrêtée. J’espère qu’on va la revoir», a dit l’ancien ambassadeur.
Diplomatie a posteriori
Guy St-Jacques estime qu’il faut être prudent devant les actions d’aide internationale de la Chine. «Ils essaient maintenant d’effacer le péché originel en faisant la diplomatie des masques qui dans bien des cas sont défectueux d’ailleurs», a-t-il souligné, en référence aux Pays-Bas qui ont reçu des masques inadéquats à la fin du mois de mars.
Il croit que plusieurs grandes leçons doivent être tirées de cette crise, notamment quant à la transparence des pays touchés. «On est en droit d’exiger une enquête complète après ça, pour savoir qu’est-ce qui aurait pu être mieux fait et aussi, exiger de la Chine qu’elle soit beaucoup plus transparente à l’avenir», a-t-il fait savoir.
Le Canada devrait pour sa part «décentraliser la production» et s’assurer d’avoir ses propres réserves, selon M. St-Jacques.
«Sachant comment la Chine peut vouloir se venger et vous pénaliser économiquement s’il y a un problème; on vit ça depuis l’arrestation de Madame Meng (Huawei). L’an passé on a perdu 4,5 milliards $ en exportation parce qu’ils voulaient se venger, donc il faut réduire notre vulnérabilité de ce côté-là», a signifié l’ancien représentant du Canada.