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Les marathoniens

Les marathoniens
Photo AFP

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Lorsque toute cette histoire de coronavirus a commencé, c’est comme si tous les pays s’étaient soudainement retrouvés catapultés sur la ligne d’un départ immédiat, qui a tiré son coup de fusil, avant que tout le monde n’ait eu le temps d’attacher ses lacets. Depuis, c’est un grand marathon, dont on ignore où se trouve exactement la ligne d’arrivée, qui est en cours. 

Ce virus, finalement, est en quelque sorte à l’image d’une grosse pierre qu’on soulève et qui révèle dans son urgence un monde grouillant d’enjeux et de réalités criantes trop longtemps mises en sourdine. Dans la foulée, il met également brutalement en lumière le cumul de tout ce qui, par le passé, a pu être négligé ou mal mené pour toutes sortes de raisons, des plus pragmatiques aux plus honteuses. De fait, nos coureurs, aujourd’hui, n’ont pas juste à gérer la propagation du virus, ce qui en soit est déjà une tâche colossale, mais également tous ceux qui, face à sa menace, ont décidé de ne plus négocier sur les fondamentaux, tels que, très notamment, le sort inhumain auquel sont réduits depuis trop longtemps nos précieux aînés, ainsi que ceux qui sont chargés d’en prendre soin.  

C’est le propre des grandes pressions que d’enregistrer des erreurs et des mauvais coups, l’histoire nous l’enseigne depuis toujours. C’est fâcheux et les conséquences sont trop souvent tragiques et funestes, mais ça n’en demeure pas moins rigoureusement normal. Même si je suis tout aussi horrifiée que vous de constater, malgré les nombreuses alertes et les cris du cœur depuis longtemps lancés, l’ampleur des dégâts dans les CHSLD, je me rassure en me rappelant que c’est encore en faisant des erreurs qu’on apprend. Non seulement ai-je confiance en la bonne volonté de nos marathoniens, mais je trouve que ce qu’il y a, en outre, d’intéressant avec cette crise, c’est qu’elle les oblige à tout faire pour être des premiers de classe. Pas demain, mais maintenant, sans esquives ni excuses et armés que du meilleur d’eux-mêmes et de leurs compétences.  

C’est la raison pour laquelle je crois qu’il est tout aussi important de garder en tête que nos coureurs, comprenant tout aussi bien nos politiciens que le grand ensemble de nos vaillants travailleurs essentiels, sont des humains en dessous des masques et des cravates. Des hommes et des femmes, initialement comme vous et moi, et donc imparfaits, qui ont non seulement la mission de tenir la distance, coûte que coûte, mais qui doivent le faire avec la pression monstrueuse de savoir que nos vies à tous dépendent de la moindre de leurs décisions. Quand on y pense, c’est une notion très grave que la plupart d’entre nous n’auraient pas les nerfs d’assumer, admettons-le. 

Ceci dit, comprenons bien qu’en contrepartie, il ne s’agit pas pour nous d’être moins alertes, critiques et exigeants, pas plus qu’il n’est question d’être béats, naïfs ou complaisants. Seulement de saisir que cette conscience de l’humanité de nos marathoniens nous commande une saine indulgence. Que cette dernière s’exprime, d’abord par l’élégance de ne pas être aussi prompt à lancer la pierre, à descendre en flèche et à insulter dès que ça craque quelque part. Déjà, parce que c’est faire montre d’une ingratitude de très mauvais ton envers tous les bons coups qui ont été comptés jusqu’ici. Ensuite, parce que cette indulgence passe également par le formidable esprit de coopération, qui nous anime et nous lie présentement, même si nous sommes tous très fatigués et que ça commence à être long longtemps. C’est ce qui, d’une part, leur donne une marge de manœuvre cruciale et qui, d’autre part, nous protège au mieux des conséquences de toutes malencontreuses ratées, qui surviennent nécessairement en temps de crise.  

Et vous voulez que je vous dise, personnellement, je préfère savoir que ceux qui sont en train de courir pour nous sont capables d’erreurs, car c’est très autrement que je m’inquiéterais, si on cherchait par tous les moyens à nous faire croire à un contrôle absolu de la situation, comme on peut présentement l’observer dans certaines régions du monde.  

Un jour, il m’a été donné de remarquer que ce sont toujours moins les feuilles de route parfaites que la capacité de faire des erreurs, de les reconnaître, d’ajuster le tir et d’aller de l’avant, qui crée et nourrit véritablement la confiance. Rendons-nous compte: nous avons littéralement tout à gagner à ce que nos marathoniens parviennent à finir cette course sur leurs pieds et non pas les pieds devant, car personne ne profiterait d’une telle fin de parcours. C’est pour ça que nous devons continuer de collaborer étroitement et d’être bienveillants, nous aussi, envers eux. Nous en sommes absolument capables et, dans l’intervalle qui nous sépare encore de la sortie de cette crise historique, rappelons-nous que pour chaque champion qui montra sur le podium, le moment venu, ce seront tous leurs pays respectifs qui y grimperont avec eux.  

Allez, haut les cœurs, chers amis. On lâche pas. C’est pas fini tant que c’est pas fini.

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