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Jeux olympiques de Montréal: un projet grandiose qui a 50 ans

Le 12 mai 1970, à Amsterdam, Montréal obtenait les Jeux olympiques d’été

Jean Drapeau
Jean Drapeau s’était adressé à la presse, le 12 mai 1970 à Amsterdam, à la suite de l’obtention des Jeux olympiques. À sa gauche, en retrait, le président du Comité international olympique, Avery Brundage, assistait à la scène. Photo courtoisie, Archives de la ville de Montréal


Fierté collective ou tache dans l’histoire, les Québécois débattent encore sur leur héritage des Jeux olympiques de 1976 à Montréal. Ce débat autour de l’idée grandiose du maire Jean Drapeau et de sa facture finale de plus de 1,3 milliard $ trouve sa source dans une date et une ville : le mardi 12 mai 1970 à Amsterdam.

Il y a 50 ans, au centre des congrès RAI de la capitale des Pays-Bas, le Comité international olympique (CIO) attribuait à Montréal les Jeux de la XXIe Olympiade. 

Après l’élimination de Los Angeles au premier tour, des images en noir et blanc captées ce jour-là nous replongent dans l’annonce solennelle du président du CIO, l’Américain Avery Brundage.

Suspense et euphorie

Le maire Drapeau, assis dans la première rangée, endure le supplice des interminables secondes que Brundage prend pour décacheter l’enveloppe contenant le choix des 70 membres votants après deux heures de délibérations.

« Les résultats du vote, mesdames et messieurs : pour Montréal 41 votes, pour Moscou 28 votes, et une abstention », proclame finalement le président, âgé de 82 ans.

Peu expansif, ignorant les micros des médias tendus soudainement devant lui, Drapeau accueille cette décision historique en tapant des mains. La soixantaine de membres de la délégation québécoise et les six hôtesses vêtues d’un costume rouge vif jubilent. Parmi eux, un jeune avocat de 32 ans, François Godbout, participe à cette euphorie qu’il revit encore aujourd’hui.

« Mon Dieu, oui, je comprends que je m’en souviens. Quand on entend le président donner les chiffres, le premier cri dans la salle, quand on a compris que Montréal gagnait, venait du père [Marcel] de la Sablonnière. On était assis l’un à côté de l’autre », revoit Godbout, invité à cet événement à titre de membre fondateur de la Corporation des sports du Québec (CSQ), l’ancêtre de Sports Québec qui chapeaute les fédérations sportives.

Jean Drapeau remportait ainsi un pari qu’il avait perdu, quatre ans plus tôt à Rome, devant le conclave olympique qui lui avait préféré la ville de Munich pour les Jeux d’été de 1972. Cette fois, galvanisée par le succès de l’Exposition universelle de 1967, sa campagne de charme auprès des membres du CIO a opéré.

Sprint final

Des documents d’archives de la Ville de Montréal nous rappellent diverses démarches effectuées par ce personnage qui « s’était lui-même institué maître d’œuvre et directeur du projet », selon le portrait qu’en fera en 1980 le rapport de la Commission Malouf sur le coût des Jeux. Suivant l’envoi officiel de sa candidature au siège des cinq anneaux à Lausanne, le 4 décembre 1969, Drapeau avait multiplié les échanges avec les décideurs olympiques, notamment en assistant aux Jeux d’Amérique centrale et des Caraïbes à Panama, au mois de mars.

Pierre Charbonneau, président de la CSQ, mais surtout considéré comme la cheville ouvrière de la candidature aux côtés du maire Drapeau, s’était chargé de vanter Montréal aux 21 fédérations internationales des sports d’été.

« Ce qui était absolument extraordinaire, en 1970, c’est que Montréal n’était quand même pas Moscou et Los Angeles, deux mégapoles. Que Montréal triomphe de ces deux villes-là, c’était pour nous un moment inimaginable », évoque François Godbout, qui deviendra conseiller juridique pour le comité organisateur en 1973.

Pour la jeunesse

Le 5 mai 1970, invité par la Chambre de commerce de Montréal, Jean Drapeau avait exposé son projet une dernière fois avant de s’envoler vers Amsterdam. Une semaine plus tard, dans les minutes suivant sa victoire, ses premiers commentaires attestaient sa satisfaction de se trouver à la tête d’une ville désormais olympique.

Jean Drapeau
À son retour à l’aéroport de Dorval, le maire avait reçu un accueil enthousiaste. Photo courtoisie, Archives de la Ville de Montréal

« Les Jeux olympiques, je pensais jusqu’en 1963 qu’il s’agissait seulement d’une rencontre où les gens manifestaient la force de leurs muscles [...]C’est une forme d’éducation infiniment puissante pour perfectionner l’homme sur le plan spirituel, moral et physique. À partir de ce moment, je pense que notre jeunesse [...] va s’intéresser davantage au sport amateur. Les parents vont reconnaître l’importance, les gouvernements aussi, et nous allons préparer une jeunesse supérieure à la génération précédente à tous les points de vue », avait-il déclaré à un correspondant de Radio-Canada.

Dix ans plus tard, le dépassement exorbitant des coûts fournira une autre définition à ces mots d’espoir.

69e session du CIO

7 au 16 mai 1970 | Amsterdam

Résultats :

Premier tour

  • Moscou 28
  • Montréal 25
  • Los Angeles 17

Deuxième Tour

  • Moscou 28
  • Montréal 41
  • Abstention 1

Une garantie financière ? Pas question !

Jean Drapeau
François Godbout
Conseiller juridique
JO de 1976
Photo courtoisie

« Il n’en est pas question ! On a tenu la plus grande exposition universelle de l’histoire. Il n’y a pas un montant d’argent qui vaut la réputation de Montréal. »

Enfermés dans une salle du centre des congrès d’Amsterdam, les 70 membres votants du Comité international olympique (CIO) venaient de faire la connaissance de Jean Drapeau. François Godbout n’avait pas assisté à l’audience du maire vantant la candidature de sa ville, ce jour-là, mais des fuites indiquaient que sa réponse ferme avait saisi les décideurs après qu’ils lui eurent demandé s’il accepterait de verser une garantie financière au cas où l’éventuel comité organisateur devait abandonner en cours de route après l’obtention des Jeux de 1976.

Le non catégorique du maire Drapeau à cette question avait marqué des points par rapport au « pas de problème » de son homonyme de Los Angeles et à l’hésitation émise par celui de Moscou. 

« Semble-t-il que c’est ce qui avait séduit les membres du CIO, qui avaient trouvé cette réponse chevaleresque », rapporte l’homme âgé aujourd’hui de 82 ans, présent à Amsterdam avec la délégation.

La preuve, 24 ans plus tard

Godbout dit avoir obtenu une preuve en 1994 de cette réplique sans concession du maire. Alors qu’il agissait comme conseiller pour la candidature de Québec en vue des Jeux olympiques d’hiver de 2002, il avait réalisé le souhait du vice-président du CIO, Alexandru Siperco, qui voulait profiter de son invitation dans la capitale pour renouer avec Jean Drapeau à Montréal.

Le Roumain, qui était membre du CIO en 1970, a alors remémoré au maire moustachu son intransigeance durant son plaidoyer gagnant, 24 années plus tôt.

« Vous souvenez-vous ce que vous aviez répondu quand on vous avait demandé si vous étiez prêt à verser une garantie ? Vous aviez dit : jamais ! », rapporte Godbout, témoin de cette scène entre les deux hommes.

« Siperco a répété devant moi ce qui s’était passé. Ça l’avait tellement frappé qu’il avait voulu le lui rappeler. » 

Premier télégramme : les Expos

La victoire de Jean Drapeau avait fait affluer des messages de félicitations à l’hôtel d’Amsterdam où logeait la délégation gagnante. Durant la réception improvisée quelques heures après l’attribution des Jeux à Montréal, François Godbout avait épluché la liasse de télégrammes apportée par Pierre Charbonneau, complice du maire dans la candidature.

« Tiens, je vais m’offrir un bon moment », s’était dit Godbout en s’assoyant en retrait avec l’épouse du maire Drapeau, Marie-Claire Boucher.

À la vitesse d’une balle rapide, le premier message à parvenir au maire fut celui de John McHale, président de l’équipe de baseball qui venait d’entamer sa deuxième saison.

« Les Expos ne voulaient pas faire toute leur carrière au parc Jarry qui était pour eux un stade temporaire. Avec les Jeux, ils allaient avoir un véritable stade », déclare François Godbout.

Un maire et Sa Majesté 

L’année 1970 n’échappait pas à la règle des mondanités quand les décideurs du Comité international olympique débarquaient dans une ville. Deux heures avant d’apprendre qu’il obtenait les Jeux de 1976, Jean Drapeau avait été convoqué à une brève rencontre avec Juliana, la reine des Pays-Bas, à 15 h 10 précisément.

Le carton d’invitation transmis au maire, qui apparaît dans les archives de la Ville de Montréal, suggérait un protocole pour le moins strict : « Si vous êtes accompagné de votre épouse, elle devra prendre place dans le hall principal où vous la rejoindrez après avoir été présenté à Sa Majesté ».

« On va l’appeler Olympe » 

Le séjour de François Godbout à Amsterdam était destiné à se jouer dans la fébrilité. Une heure avant de se rendre à une réception du Comité international olympique au réputé Rijksmuseum, la veille du vote, l’avocat reçoit un appel de son épouse depuis Montréal : elle venait d’accoucher prématurément de leur deuxième enfant, trois semaines avant la date prévue.

Dès son arrivée à la soirée, Godbout aperçoit le maire Drapeau, qu’il n’a alors jamais rencontré de sa vie. Transporté par un enthousiasme de circonstance, il se dirige vers lui et l’interrompt dans sa conversation avec le roi Constantin de Grèce, un membre votant du CIO alors en exil.

« Excusez-moi, Monsieur le Maire, mais je suis un nouveau père », lui dit-il spontanément.

« Et c’est un garçon ? », demande alors le maire, à qui Godbout répond par l’affirmative.

« Dans ce cas, on va l’appeler Olympe ! » tranche Drapeau, avec son sens de la répartie.







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