Un couple d’éleveurs non-voyants dénonce le manque de soutien du gouvernement
Un couple d’éleveurs non-voyants dénonce le manque de soutien du gouvernement à l’égard des personnes dans leur situation pour se sortir de cette crise quand tout se règle à partir d’internet.
«On tente d’avoir de l’aide, mais ce n’est pas évident, et quand on pose des questions, on se fait dire que les réponses se trouvent sur internet», déplore Daniel Bonin, copropriétaire de la ferme À la canne blanche, située à Stukely-Sud, en Estrie. L’entreprise se spécialise dans l’élevage de canes.
Atteint de glaucome congénital, l’homme de 55 ans a perdu la vue à 20 ans. Quant à sa conjointe, Maryse Sauvé, aussi propriétaire de la compagnie, elle souffre de dystrophie des cônes et des bâtonnets, ce qui rend sa vision «pas très bonne». Les médecins lui ont dit qu’elle perdrait totalement la vue vers 50 ans. Elle en 45 aujourd’hui.
M. Bonin explique que le couple n’est pas admissible à la Prestation canadienne d’urgence en raison des faibles revenus de l’entreprise qui a vu le jour en avril 2018 et qui commençait enfin à avoir le vent dans les voiles quelques mois avant l’apparition de la COVID-19.
Tout ce qu’ils ont pu obtenir, c’est une suspension de quelques mois sur les intérêts de leur emprunt financier pour leur ferme.
«On n’aurait pas pu y arriver [au cours des derniers mois] et on n’aurait pas été capables de manger si on n’avait pas eu ce moratoire», confie-t-il calmement.
«On n’a absolument rien pour nous aider et on ne veut pas s’endetter en cette période», ajoute-t-il.
Parmi les solutions que le couple a dû trouver pour s'adapter à la situation actuelle, notons la mise sur pied d’un système de facturation qui se fait grâce à une commande vocale.
300 canes
Depuis avril, le couple attend impatiemment l’arrivée d’un peu plus de 300 canes en provenance de la Californie, ce qui ferait monter l’élevage à près de 600 et permettrait d’assurer une certaine stabilité financière.
Or, seule la compagnie Air Canada est équipée pour assurer ce transport, mais la plupart de leurs avions sont cloués au sol en raison de la pandémie.
«Ça nous empêche d’aller chercher de nouveaux clients, et c’est insécurisant, car ces nouvelles canes représentent une partie de notre production d’automne», se désole Maryse Sauvé.
Vies changées
Daniel Bonin est catégorique. La COVID-19 a complètement chamboulé sa vie et celle de sa conjointe. Ils ne sont sortis de chez eux qu’une seule fois depuis que le Québec a été mis sur pause.
«Le premier ministre dit qu’il ne faut pas oublier les personnes handicapées, mais cette crise a changé nos vies», soutient le quinquagénaire.
«Je dois toucher les objets afin de m’orienter, et c’est impossible pour moi de voir le sens des flèches qui se trouvent sur les planchers. Sans oublier que mon chien-guide ne connaît pas la distanciation sociale», dit-il sur une note plus légère en terminant l’entrevue.