Les dangers de la 5G: un prof de McGill alimente les complots
Le physicien de McGill est persuadé que les gouvernements camouflent les effets néfastes de la 5G
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Un professeur de l’Université McGill, convaincu que la majorité des instances politiques et des agences de santé publique sont « infiltrées » par le lobby des télécommunications, alimente les théories du complot entourant l’arrivée du réseau sans fil 5G.
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« Il y a des intérêts industriels considérables dans ça. Et ce qui se passe, c’est que l’industrie fait une infiltration des comités de l’OMS [Organisation mondiale de la santé] », a soutenu Paul Héroux lors d’une rencontre avec l’Agence QMI où il a multiplié les déclarations alarmistes.
Ouvertement anti-5G, le professeur à la faculté de médecine de l’Université McGill se dédie à l’étude des effets sur la santé des ondes électromagnétiques. Ses recherches l’ont convaincu que les ondes cellulaires, dont le nouveau réseau sans fil 5G, causent de graves problèmes de santé. Les agences sanitaires le savent et le cachent à la population, selon lui.
Alors que le déploiement du réseau 5G a débuté au Canada en janvier et se poursuivra tout au cours de l’année, Paul Héroux affirme qu’« il va y avoir une continuation de l’augmentation du cancer. Il va y avoir une augmentation de la stérilité dans les populations. Il va y avoir une augmentation du diabète et il va y avoir une augmentation du nombre de maladies neurologiques ».
Populaire chez les extrémistes
Depuis le début du confinement, les propos du physicien sont de plus en plus repris par des blogueurs et youtubeurs militants de l’extrême droite (voir texte plus bas). Ils sont toutefois fortement réfutés par de nombreux scientifiques.
En plein cœur de la pandémie, en mai, le professeur Héroux a passé près de deux heures en entrevue sur la chaîne YouTube de Stu-Dio. Les animateurs de cette plateforme québécoise martèlent que les médias de masse ne colportent que des mensonges et sont à la solde du gouvernement qui est corrompu.
M. Héroux y a affirmé que « tous les comités du gouvernement » sont infiltrés par l’industrie des télécommunications et que la 5G permettra la mise en place d’un système où les citoyens « seront toujours surveillés ».
Du cherry picking
L’Agence QMI a consulté plusieurs experts en électromagnétisme d’ici et d’ailleurs. Ils jugent que les déclarations de Paul Héroux sur les risques sanitaires liés aux ondes, tout comme les études américaines et italiennes qu’il cite pour appuyer ses propos, comportent trop d’incohérences et de faiblesses méthodologiques. Elles n’ont donc pas été prises en compte par les agences de santé publique.
« Quand on sort quelques études isolées pour étayer une affirmation, on appelle ça du cherry picking, c’est-à-dire qu’on ne prend pas en compte la totalité de la littérature scientifique », fait valoir Anne Perrin, biologiste et coauteure du livre Champs électromagnétiques, environnement et santé, paru fin 2018.
Basée à Grenoble, Mme Perrin explique qu’en science, pour évaluer un risque, il faut prendre en compte l’expertise collective.
« On compte actuellement 4000 études, dans différentes disciplines, qui concernent les effets biologiques et sanitaires des radiofréquences [qui incluent les ondes cellulaires]. À ce jour, aucun effet sur la santé n’a jamais été démontré en dessous des limites d’exposition réglementaires », assure Mme Perrin.
Un complot impossible
Selon Paul Héroux, tous les scientifiques qui soutiennent qu’il n’y a pas d’effets néfastes des ondes cellulaires sont, comme les agences sanitaires, « infiltrés et influencés » par l’industrie des télécommunications.
Cette affirmation exaspère le sociologue des sciences Yves Gingras.
« Ce n’est pas raisonnable de croire que les milliers de chercheurs à travers le monde qui travaillent sur ce sujet sont tous des vendus. Un tel complot est impossible », réplique le professeur au département d’histoire de l’UQAM.
Celui-ci souligne que l’attitude de Paul Héroux est typique des chercheurs marginaux qui, à force d’être rejetés par leurs pairs, sombrent dans les théories du complot.
Ces scientifiques, à la recherche de crédibilité et de notoriété, trouvent un nouvel auditoire sur le web et alimentent les inquiétudes de leurs « disciples », selon lui.
McGill ne se prononce pas
Questionnée sur les déclarations controversées de son professeur, l’Université McGill a mis près d’un mois pour nous répondre, après de nombreux appels et plus d’une dizaine de courriels.
Une agente des relations avec les médias a déclaré par écrit que les professeurs disposent d’une « liberté universitaire » qui leur permet de s’exprimer publiquement « pour y présenter leurs opinions personnelles ou à titre d’expert ».
Le sociologue Yves Gingras explique que les universités, en tant qu’institutions démocratiques, doivent assurer la liberté d’expression aux professeurs, « même s’ils tiennent des propos dérangeants ».
Le parcours de Paul Héroux
Avant 1985 Doctorat en physique et diverses formations en biologie et médecine
1977 à 1987 Chercheur à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec où il se concentre sur les lignes à haute tension
1987 à aujourd’hui Professeur au département d’épidémiologie, biostatistique et santé au travail à l’Université McGill où il enseigne les effets sur la santé de l’électromagnétisme
Adulé par plusieurs conspirationnistes
Plusieurs forums en ligne réunissant des citoyens persuadés que la 5G fait partie d’un grand complot mondial citent les propos du professeur Paul Héroux.
« La 5G, c’est mille fois plus dangereux que la COVID-19 », « les scientifiques comme Paul Héroux sont ignorés pour le profit » : voici des exemples de ce qu’on peut lire sur le groupe Facebook « Appel à la liberté ». Ce dernier rassemble des citoyens qui s’opposent au confinement, dont certains anti-5G et anti-vaccination.
Les membres de ce groupe créé au début du confinement jugent que le gouvernement est contrôlé par de puissants malfaiteurs et brime les droits et libertés des citoyens.
« Je suis convaincu qu’il y a des gens qui travaillent dans l’ombre pour leurs propres intérêts », explique l’un des administrateurs d’Appel à la liberté, Frédéric Pitre.
Cet électromécanicien a organisé, au cours des dernières semaines, une série de manifestations pour dénoncer, entre autres, les mesures sanitaires.
Fausses nouvelles
Plusieurs autres forums où des internautes partagent une pléthore de théories du complot et de fausses nouvelles ont vu le jour durant la crise sanitaire au Québec.
Les groupes Non à la 5G Québec, Mouvement contre la vaccination forcée des Québécois et Stop confinement Canada-Québec, notamment, citent tous Paul Héroux.
Les membres vont jusqu’à faire des liens entre les déclarations d’Héroux sur la 5G et des théories du complot véhiculées par un leader d’extrême droite notoire, Alexis Cossette-Trudel.
Sur ses plateformes, celui-ci va jusqu’à alléguer que la pandémie est une pure invention de l’« État profond », un groupe élitiste puissant, pour contrôler la population et que la 5G servira à la mise en place d’un vaste système de surveillance des citoyens.
Héroux se défend
Questionné sur la façon dont ses déclarations sur la 5G peuvent être instrumenta-lisées par des influenceurs radicaux, le professeur Héroux s’en lave les mains.
« Je dois dire que je ne sais pas comment je suis cité [...] Une fois que l’information est relâchée, les gens peuvent l’utiliser comme ils veulent », déclare Paul Héroux.
« Je pense que c’est très positif qu’on utilise ma recherche pour favoriser un moratoire sur la 5G », lâche-t-il du même souffle.