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[PHOTOS] 7 choses à savoir sur la lutte contre la tuberculose au Québec

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À la fin du XIXe siècle, la révolution industrielle apporte à la société québécoise divers maux d’ordre social. Toutefois, un fléau encore plus sournois bouleverse la société alors en pleine mutation. Connue depuis l’Antiquité, et attestée en Amérique du Nord depuis 1633, la tuberculose provoque des ravages à l’échelle du monde occidental où l’industrialisation et l’urbanisation gagnent en force.  

1. Les deux font la paire! Urbanisation et maladie infectieuse à la fin du XIXe siècle  

Affiche «Il faut vaincre la tuberculose comme le plus malfaisant des reptiles», BAnQ Québec (E6,S7,SS1,P7552).
Affiche Raymond Audet
Affiche «Il faut vaincre la tuberculose comme le plus malfaisant des reptiles», BAnQ Québec (E6,S7,SS1,P7552).

Malgré les progrès scientifiques majeurs, la tuberculose est toujours une maladie incurable à la fin du XIXe siècle. Au Québec, l’urbanisation rapide, qui entasse la population dans les villes, permet à cette maladie contagieuse d’affecter la vie de plusieurs milliers de personnes entre 1880 et l’avènement des antibiotiques permettant la régression de la maladie dans les années 1950. Ainsi, selon les chiffres du Conseil d’hygiène de la province de Québec, la tuberculose serait à l’origine de 33 000 décès entre 1886 à 1906 [1]. 

2. La mort porte plusieurs noms; démystifier les croyances par la science!  

Char de dépistage de la tuberculose avec les rayons X à Gaspé-Sud, BAnQ Québec (E6,S7,SS1,P66275).
Photo d'archives E. L. Désilets
Char de dépistage de la tuberculose avec les rayons X à Gaspé-Sud, BAnQ Québec (E6,S7,SS1,P66275).

Consomption, phtisie, tuberculose ou «peste blanche», autant de qualificatifs d’un mal qui afflige la société québécoise de la fin du XIXe siècle aux années 1950. Maladie insidieuse et infectieuse, elle se manifeste au Québec alors que la province est frappée par le développement industriel, l’urbanisation. Malgré les nombreuses découvertes scientifiques de la seconde moitié du XIXe siècle exposant le caractère bactériologique des maladies infectieuses, la perception de cette maladie n’évolue que timidement.

Au XIXe siècle, la tuberculose est perçue comme une maladie liée aux mauvaises mœurs d’un individu. Selon les croyances de l’époque, la fièvre et la consomption sont perçues comme un mal résultant de l’exacerbation des passions humaines. Cependant, les découvertes des bactériologistes durant la seconde moitié du XIXe siècle provoquent un réexamen des théories. 

3. Sur les traces du tueur fantôme: l’organisation du système de santé au Québec face à la peste blanche  

Unité sanitaire de Lévis. Collège de Lévis, BAnQ Québec (E6,S7,SS1,P69543).
Auteur Neuville Bazin
Unité sanitaire de Lévis. Collège de Lévis, BAnQ Québec (E6,S7,SS1,P69543).

Face aux ravages causés par la tuberculose, certains groupes se mobilisent et mettent tout en œuvre afin de restreindre les pertes humaines et la contagion de la maladie. Le premier défi consiste à déterminer les milieux où la maladie prolifère. Résultant du constat que la tuberculose apparaît comme un symptôme de l’urbanisation et de l’industrialisation rapide, à l’aube du XXe siècle, l’orchestration des mesures d’hygiène par un organisme relevant du gouvernement apparaît comme un tournant majeur dans la gestion des épidémies au Québec. Toutefois, la vision romantique laisse longtemps encore des traces dans l’imaginaire collectif[2]. 

Avant les années 1880, les organismes de santé publique municipaux ou bas-canadiens (avant 1867) s’organisent, opèrent et disparaissent au gré des crises épidémiques. Après l’épidémie de variole qui touche le Québec durant la première moitié des années 1880, le gouvernement provincial instaure une législation permettant la mise sur pied d’une commission d’hygiène. Son mandat est la prise en charge de la santé publique. Mise sur pied en 1886, cette commission est remplacée en 1887 par l’instauration du Conseil d’hygiène de la province de Québec (CHPQ). Cet organisme a pour mission d’encadrer la santé de la population québécoise. En 1909, le CHPQ donne l’impulsion à la mise en place d’une Commission royale d’enquête sur la tuberculose. Plus localement, la même année, la Ligue antituberculeuse de Québec fait son apparition.

4. La diffusion du savoir scientifique dans les foyers  

Publicité «Vin Morin Le Souverain Remède», L’Action catholique, 26 juin 1915, p. 8
Publicité «Vin Morin Le Souverain Remède», L’Action catholique, 26 juin 1915, p. 8

L’idée que la maladie soit causée par des microbes se diffuse dans les différentes couches sociales. Les périodiques médicaux ont exercé une influence majeure dans l’acceptation de cette vision. Cette situation est perceptible dans la presse médicale francophone avec l’apparition de nouveaux périodiques tels que La Clinique, La Revue médicale et le Bulletin médical de Québec. Progressivement, l’étude de la tuberculose devient, à partir des années 1870, le sujet d’études médicales à la mode, devenant la préoccupation majeure des praticiens au début du XXe siècle.

Entre la fin du XIXe siècle et la fin de la première moitié du XXe, une véritable croisade est menée contre la tuberculose. La CHPQ met alors sur pied des programmes d’hygiène publique en s’appuyant sur un discours préventif. Dans leur campagne, les hygiénistes présentent l’hygiène publique comme le «ciment social»[3]. Puisque la tuberculose est responsable de près du tiers de la mortalité de la population productive, soit les 20 à 45 ans, le discours du Conseil fait valoir aux industriels les bénéfices économiques et la tranquillité sociale que ces derniers retireraient d’une main-d’œuvre en santé et efficace au travail. 

5. L’isolement, un moyen de prévenir et de guérir   

Photo Paul Carpentier

Depuis l’instauration de la Loi sur l’hygiène publique de 1901, la tuberculose apparaît comme une maladie à déclaration obligatoire. Dans cette foulée de la chasse au bacille, les médecins jouent un rôle important dans les soins à domicile. Bien que la place du médecin soit principalement dans les cliniques et les dispensaires, il arrive, comme le mentionne Vanier, que certains prodiguent des soins à domicile afin de porter leur regard sur les autres membres de la famille du malade et, dans certains cas, de diagnostiquer d’autres cas de tuberculose. 

En 1920, conscient des risques auxquels se trouvent exposés les jeunes dont un membre de la famille est atteint de la tuberculose, les autorités de l’hôpital Laval fonde le camp Taschereau situé à Cap-Rouge. Cette initiative pour les jeunes de 5 à 12 ans vient du docteur Odilon Leclerc, alors directeur du Dispensaire antituberculeux de Québec.

6. Les mamans à la rescousse! La diffusion des bonnes mœurs d’hygiène dans les foyers  

Auteur Jacques Desjardins

En 1903-1904, selon le rapport de la Ligue antituberculeuse, le dispensaire apparaît comme le moyen le plus efficace pour rejoindre la population dans son ensemble. Mais l’effort le plus important est pratiqué par les mères de famille, car on leur destine souvent les dépliants et discours visant à l’éducation en matière d’hygiène. C’est aux mères que l’on accorde le rôle de diffuser dans leur foyer les instructions visant l’assainissement de l’environnement. Également, en cas d’infection, ce sont elles qui doivent se renseigner sur les mesures à prendre afin d’endiguer le mal de la peste blanche dans leur foyer. Elles le font par le biais de sources officielles et non officielles, mettant à profit une panoplie de remèdes dits de grand-mère. 

7. Les années 1950 et la fin provisoire du fléau de la tuberculose  

Auteur Jacques Desjardins

À la fin des années 1880, hormis le caractère bactériologique de la maladie, la tuberculose est encore mal comprise par les médecins et bactériologistes. La prévention et l’isolement des personnes contaminées apparaissent comme les moyens les plus efficaces afin de limiter la propagation de la maladie. Outre quelques traitements très limités dans leur efficacité, l’instruction populaire ainsi que l’isolement des malades demeurent les seuls moyens de limiter la propagation de la maladie. Par ailleurs, la prise en charge des tuberculeux est laissée, sauf pour quelques cas particuliers, aux organisations privées et philanthropiques. 

La fin des années 1940 est marquée par le développement d’antibiotiques qui marque la fin provisoire de la menace tuberculeuse. Ainsi, après 1950, la popularité des études menées sur cette maladie s’estompe peu à peu.

Un texte d'Alex Cliche, Bibliothèque et Archives nationales du Québec  

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Photo BaNQ

Bibliographie   

  • BERNIER, Jacques. L’histoire de la médecine et de la santé au Canada français, 1976-1986 : aperçu historiographique. Scientia Canadensis, Volume 11, no 1 (1987), p. 28–33.    
  • CÔTÉ, Louise. En garde! les représentations de la tuberculose au Québec dans la première moitié du XXe siècle, Sainte-Foy (Québec), Presses de l'Université Laval, 2000, 318p.    
  • DANSEREAU-LIGTENBERG, Mia. Les remèdes de grands-mères: La médecine populaire à Montréal entre les deux guerres. Mémoire de maîtrise (histoire), Montréal, Université du Québec à Montréal, 2017, 112 p.    
  • DESROSIERS, Georges. Le système de santé au Québec: bilan historique et perspective d’avenir: Conférence inaugurale du 51e congrès de l’Institut d’histoire de L’Amérique française, octobre 1998. Revue d'histoire de l'Amérique française, Volume 53, no 1 (1999), p. 3-18.    
  • DESROSIERS, Georges, GAUMER, Benoît, KEEl, Othmar. La santé publique au Québec: histoire des unités sanitaires de comté: 1926-1975. Montréal, Université de Montréal, Département de médecine sociale et préventive: Département d'histoire, 1998, 187 p.    
  • GAGNON Jérôme. Le fléau de la tuberculose au 20e siècle et le Sanatorium de Roberval. Mémoire de maîtrise, Chicoutimi, Université de Chicoutimi, 2004, 36 p.    
  • GUÉRARD, François. Histoire de la santé au Québec, Montréal, Boréal, 1996, 123 p.    
  • GUÉRARD, François. Ville et santé au Québec: un bilan de la recherche historique. Médecine, santé et sociétés, Volume 53, No 1(1999), p.19-45.    
  • LESEMANN, Frédéric. Du pain et des services: la réforme de la santé et des services sociaux au Québec. Laval, Éditions coopératives A. Saint-Martin, 1981, 232 p.    
  • SÉGUIN, Normand. L'institution médicale, Sainte-Foy, Presses de l'Université Laval, 1998. 191 p.    
  • VANIER, Marie-Hélène. Tuberculose, foyer, et familles: Les soins à domicile des tuberculeux à Montréal, 1900-1950. Mémoire de maîtrise, Montréal, Université du Québec à Montréal, 2011, 176 p.         

[1] « La tuberculose », Le Bien Public, édition du 3 août 1909, BAnQ collection numérique, p. 1.

[2] En effet, dans les suites de la Grande Guerre, le clergé catholique œuvre aux côtés des campagnes d’hygiène publique en exaltant l’idée d’un assainissement moral préventif à la tuberculose et aux maladies vénériennes. François Guérard, «Ville et santé au Québec un bilan de la recherche historique», Médecine, santé et sociétés, volume 53, no 1 (1999), p.31-32.

[3] Expression tirée d’une publicité du CHPQ de 1923. In Normand Séguin et Serge Courville, Atlas historique du Québec: L’institution médical, Sainte-Foy (Québec), Les Presses de l’Université Laval, 1998, p. 79.

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