Drame chez les pêcheurs gaspésiens
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Passionnée par les gens de la mer – elle a elle-même beaucoup navigué –, la talentueuse Roxanne Bouchard propose cet été une deuxième enquête de son irrésistible détective Moralès dans son nouveau roman, La mariée de corail. L’intrigue se déroule dans les environs de Gaspé, dans le monde de la pêche commerciale. Un bonheur de lecture, où il y a autant de tension que de poésie.
Quand Joaquin Moralès est appelé à enquêter sur la disparition d’une capitaine de homardier, il hésite : son fils vient tout juste de débarquer chez lui, soûl comme un homme qui a tout perdu. Mais lorsque le corps d’Angel Roberts est retrouvé, il ne tergiverse plus.
La mariée de corail est le deuxième tome de la série Moralès, introduite avec Nous étions le sel de la mer. À la demande de son éditrice londonienne, qui a tout de suite vu le potentiel d’une série policière avec ce personnage, Roxanne Bouchard s’est replongée dans l’univers de Moralès et des pêcheurs gaspésiens pour créer cette seconde enquête.
L’aventure lui a plu énormément, d’autant qu’elle a pu compter sur la collaboration des pêcheurs de cette belle région qui lui ont raconté toutes sortes d’anecdotes et ont répondu à ses questions d’ordre technique.
« J’avais envie de parler des pêcheurs commerciaux », dit-elle en entrevue. « Je suis entrée en contact avec des pêcheurs de Gaspé qui font de la grosse pêche commerciale. Ils m’ont dit : “Viens nous voir, on va t’en parler.” Ce qui fait que j’ai fait beaucoup d’entrevues. Je suis allée trois fois en Gaspésie. »
Roxanne a aussi rencontré des femmes qui exercent ce métier – et il y en a très peu. « J’ai passé une journée avec une pêcheuse. C’était super intéressant, ce qu’elle m’a raconté. J’ai rencontré un gars qui pêche le homard dans le parc Forillon, dans des endroits où c’est très légiféré. Et j’ai rencontré des gars qui pêchent la crevette, sur des gros crevettiers. De la pêche hauturière. Je trouve ça capoté. »
Elle a recueilli des histoires vraies et son travail de romancière les a enrobées de fiction. Elle ne s’est pas du tout inspirée de faits divers s’étant déroulés là-bas, par exemple. « Toute l’enquête autour de la fille qui meurt, en robe de mariée, c’est de la fiction. Mais toutes les anecdotes de pêche sont vraies. »
De vrais enjeux
L’écrivaine de Joliette rappelle que la pêche commerciale est un vrai commerce – pas seulement quelque chose de pittoresque aux yeux des touristes. « Il y a de la jalousie. Il y a de l’argent qui passe là. Il y a des vrais enjeux économiques. En 1992, il y a eu un moratoire sur la pêche à la morue, en Gaspésie. Ça leur a fait mal. Dans l’enquête, tout cet aspect-là arrive. J’ai ajouté un petit volet historique. »
Navigatrice
Elle a trouvé les Gaspésiens généreux et accueillants... et n’a pas eu de mal à se faire accepter dans la communauté. « J’ai déjà été membre d’équipage sur des bateaux de voile. J’ai fait ça pendant plusieurs années et je suis montée sur 28 bateaux en quatre ans. J’ai navigué partout sur le fleuve, dans la baie des Chaleurs, aux Îles-de-la-Madeleine. Je suis allée dans le Sud. J’ai fait des régates sur le lac Champlain. J’ai navigué un peu partout. »
Elle a d’ailleurs rencontré O’Neil Poirier en s’amarrant dans le havre de Mont-Louis. « C’est un personnage dans mon premier roman. Toutes les fois que je vais en Gaspésie, je vais voir O’Neil. Et quand j’ai des questions de pêche, c’est tout le temps lui que j’appelle. »
- Roxanne Bouchard est essayiste, dramaturge et romancière.
- Elle enseigne la littérature au cégep de Joliette.
- Elle a reçu le prix Robert-Cliche en 2005 et le Grand Prix de la relève littéraire Archambault en 2007.
- Son quatrième roman, Nous étions le sel de la mer, a été finaliste au Prix littéraire France-Québec en 2015 et est paru à Londres en 2018, en anglais, chez Orenda Books. The Coral Bride paraîtra en novembre.
- La maison d’édition suisse Atrium vient d’acquérir les droits en langue allemande des deux enquêtes de Joaquin Moralès.
EXTRAIT
« L’eau imbibe le tissu, mouille ses cuisses. La vague s’arrondit à la bonne hauteur, le courant est calculé. Rien à redire, c’est une mort bien planifiée. Tout y est : la robe de mariée, le homardier et ce chemin de lune insaisissable qu’elle emprunte comme un poisson s’enferre à un appât cuivré. “On s’accroche à des leurres féériques, ma fille, car nous avons la foi rêveuse des damnés de la mer.” Sa mère avait raison, mais elle ne regrette rien. »
– Roxanne Bouchard, La mariée de corail, Éditions Libre Expression