Tourisme en Gaspésie: «On s’est fait envahir»
L’achalandage monstre inquiète les résidents
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Des Gaspésiens ont peur pour leur petit coin de pays qui s’est fait «envahir» par des touristes, dont une minorité peu civilisée qui cause des maux de tête aux autorités locales et qui fait grincer des dents les résidents.
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Des plages souillées de déchets, d’excréments, de tentes brisées; des voitures immergées par la marée; des visiteurs qui font la fête jusqu’aux petites heures, feux d’artifice inclus; des feux faits à même le bois mort, essentiel à l’écosystème du littoral; des campeurs installés dans des milieux humides protégés.
La liste de doléances des Gaspésiens s’allonge à mesure que des campeurs malavisés prennent d’assaut les plages pour s’y improviser un terrain de camping.
«Toutes les images qui ont été partagées, tout est du vrai. Et j’ai vu pire», s’inquiète le propriétaire du Camp de Base Coin-du-Banc, à Gaspé, Jean-François Tapp. «C’est une hécatombe en ce moment.»
«Le problème, ce n’est pas tant le camping sur les plages ; c’est le camping de masse et ce qui reste après. C’est quand tout le monde arrive en même temps et décide de ne pas respecter le milieu», dit-il.
Jamais été «aussi pire»
Pour Alexandra Masson, une résidente de Gaspé, la situation des plages de Haldimand et de Douglastown est si répulsive qu’elle ne veut plus s’y rendre avec ses enfants, une activité habituellement régulière. «On n’est pas les seuls», jure-t-elle.
«C’est surtout le manque de respect de nos plages, de notre environnement, dit Mme Masson. Les gens sont couchés tout partout. Tout le monde débarque ici. C’est le désastre.»
Les Gaspésiens ont l’habitude d’être débordés de touristes durant les vacances de la construction, «mais pas comme ça», estime Mme Masson. «Du moins, ce n’est pas le même genre de monde. Ça n’a jamais été aussi pire que cette année (...) On s’est fait envahir».
Pas nouveau
La problématique des campeurs peu civilisés sur les plages ne date pas d’hier, fait valoir Eddy Piegay, qui habite Gaspé. Préoccupé, il avait fait part de ses inquiétudes aux autorités locales, sans trop de succès.
Des dizaines de tentes, jusqu’à 70 parfois, sont observées sur les berges, où les fêtards se font nombreux et dérangeants pour les résidents du secteur. M. Piegay en a notamment contre l’impunité des campeurs, que la Ville de Gaspé se garde de réprimander, selon lui.
«Le terrain de la plage n’appartient pas à la Ville. Mais le terrain chez nous, non plus, n’appartient pas à la Ville, et je ne peux pas faire n’importe quoi. C’est deux poids, deux mesures», peste-t-il.
Déjà, les campings et les hébergements touristiques affichent pratiquement tous complets jusqu’à la fin août, ce qui force la population locale à s’organiser afin de prévenir une aggravation de l’atteinte à leur milieu de vie.
«Il y a une différence entre aller faire du camping en pleine nature dans le bois et de se retrouver une quinzaine sur une plage de 200 pieds où il y a des maisons. C’est la concentration qui cause des problèmes», relève le maire de New Richmond et préfet de la MRC de Bonaventure, Éric Dubé.
— Avec la collaboration de Nelson Sergerie
«J’adore la visite. Mais annoncez-vous!»
Agréablement surprises par la soif des Québécois pour leurs grands espaces, les communautés gaspésiennes doivent néanmoins tâcher d’instaurer des initiatives pour répondre aux débordements causés par des voyageurs dérangeants.
L’interdiction pure et simple de camper est difficilement applicable, soulèvent des élus, qui optent plutôt pour la sensibilisation auprès des campeurs.
Dans la petite municipalité de Grande-Rivière, à 30 kilomètres de Percé, une brigade composée de pompiers a été mise sur pied pour aller à la rencontre des visiteurs. «L’objectif n’est pas nécessairement de donner des amendes aux personnes, mais de les rencontrer et leur dire où c’est interdit, de les orienter à certains endroits», indique le maire Gino Cyr.
Plusieurs municipalités ont d’ailleurs prévu des sites de débordement pour pallier le manque d’espaces aménagés, les campings privés et publics étant bondés. Les voyageurs peuvent s’y présenter, moyennant parfois une contribution volontaire, et profiter des installations sanitaires.
«J’adore la visite. Mais annoncez-vous! On a les infrastructures pour accueillir beaucoup de monde. Il ne faut juste pas que les gens décident de faire le tour de la Gaspésie en ne sachant pas où ils s’en vont», estime Éric Dubé, maire de New Richmond et préfet de la MRC de Bonaventure.
Une partie de la solution est d’investir du temps pour combler celui que les campeurs malpropres n’ont pas pris pour ramasser leurs déchets. Des groupes communautaires de Gaspé se sont rassemblés pour mener une corvée de ramassage sur les plages de la municipalité, mardi, lesquelles s’étendent sur quelque 145 kilomètres de littoral. La sensibilisation auprès des campeurs est aussi à l’horaire.
Belle sortie de crise
Malgré des épisodes de manque de civisme, les Gaspésiens interrogés par Le Journal sont catégoriques : il fait bon de voir le reste du Québec débarquer sur la péninsule, deux mois à peine après que l’industrie touristique commence à être gravement inquiète de sa pérennité.
Mathieu Lapointe, maire de Carleton-sur-Mer et préfet de la MRC d’Avignon, entrevoit même une saison estivale qui «s’enligne pour un été record».
Si la Gaspésie déborde en ce moment, prendre son mal en patience pour la visiter est un investissement payant, selon le copropriétaire de Griffon Aventure Antoine Bazinet. «Le truc que je dirais aux gens, c’est de venir nous voir un peu plus tôt ou tard dans la saison. On a un mois de septembre merveilleux», invite-t-il