10 millions $ de l'État pour un bijoutier de luxe
Birks est l’un des plus importants bénéficiaires des largesses de Québec
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En un peu plus d’un mois, le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon a consenti près de 95 millions $ en aide financière à une centaine d’entreprises aux prises avec les conséquences de la pandémie. Parmi celles-ci, on trouve le chic bijoutier Birks, qui a reçu un prêt de 10 millions $.
Jusqu’ici, ce sont donc plus de 372 M$ que le gouvernement a octroyés sous forme de garanties de prêt ou de prêts dans le cadre du Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE). En tout, quelque 400 entreprises québécoises ont reçu un coup de pouce.
Des interventions totalisant 278 M$ ont été autorisées de la fin mars à la mi-juin. Puis, de la mi-juin à la fin juillet, c’est près de 95 M$ en aide qui a été accordée.
- Écoutez la chronique économique de Yves Daoust, directeur de la section Argent du Journal de Montréal et du Journal de Québec, à QUB Radio:
L’un des importants bénéficiaires du PACTE a été le Groupe Birks de Montréal, qui a reçu un prêt de 10 M$. L’entreprise montréalaise possède 30 bijouteries au Canada.
Taux d’intérêt de 3,1 %
Le prêt comporte un taux d’intérêt annuel de 3,1 %. Dans un communiqué, le PDG de Birks, Jean-Christophe Bédos, a soutenu que l’entente avec le gouvernement a été conclue « selon des conditions favorables pour l’entreprise ».
Lancée dans les premières semaines de la crise sanitaire, l’initiative PACTE vise à aider des entreprises qui étaient financièrement en santé avant la crise et « dont les liquidités sont affectées par les répercussions de la COVID-19 », peut-on lire sur le site d’Investissement Québec.
Déficits
Or, Birks a subi des pertes financières au cours des deux dernières années.
La Bourse NYSE American a récemment averti l’entreprise qu’en raison notamment de ces déficits, ses actions pourraient bientôt être retirées de la cote. Les titres de Birks se négocient au NYSE American depuis 2005.
Paradis fiscaux
Birks est contrôlée par une série de firmes obscures constituées au Luxembourg, en Suisse et aux Bermudes, des pays considérés à divers titres comme des paradis fiscaux.
La société mère de ces entités est la fiducie Grande Rousse, domiciliée aux Bermudes, qui détient près de 76 % des actions de Birks.
Selon un document réglementaire datant de 2016, un bénéficiaire ultime de Grande Rousse est Lorenzo Rossi di Montelera, l’un des héritiers du célèbre producteur de vermouth Martini & Rossi. Son fils Niccolò Rossi est président du conseil d’administration de Birks depuis 2017.
Au cours de l’exercice financier qui a pris fin le 28 mars, les ventes de Birks ont bondi de 12 % pour atteindre 169,4 millions $. L’entreprise a tout de même enregistré une perte nette de 12,8 M$.
LES PRÊTS DE 10 MILLIONS $ ET PLUS
- Groupe Sélection: 35 M$
- E. Gagnon et fils: 24,5 M$
- La Vie en Rose: 21 M$
- Uni-Sélect: 34,5 M$
- Pélican International: 14 M$
- Lumenpulse: 10,2 M$
- Groupe Birks: 10 M$
Une bouée de 21 M$ pour La Vie en Rose
La Vie en Rose vient de recevoir une aide de 21 millions $, ce qui a permis au détaillant de vêtements d’éviter la protection des tribunaux.
« C’est un prêt-relais pour m’aider à passer à travers mes surplus d’inventaires et me réorganiser sans aller sous la loi sur la faillite », indique au Journal le PDG de La Vie en Rose, François Roberge.
L’aide prend la forme d’une garantie gouvernementale qui couvre 70 % d’un prêt de 30 millions $ consenti par la Banque Nationale.
« Si je ne paie pas, Investissement Québec va rembourser la Banque Nationale jusqu’à 70 % des 30 millions $ », explique M. Roberge.
Avec la fermeture des magasins au printemps, l’entreprise s’est retrouvée avec des stocks excédentaires alors que ses revenus étaient anémiques.
« Ç’a vraiment été un choc parce qu’on est passé d’une entreprise qui faisait quasiment 20 millions $ de profits par année et qui, du jour au lendemain, est tombée à zéro, raconte M. Roberge. Pourtant, on était en santé avant. »
Chute des revenus
Les ventes en ligne de La Vie en Rose ont bondi. Elles représentent aujourd’hui 30 % du chiffre d’affaires total, contre 5 % avant la crise. Malgré tout, les revenus du plus récent exercice de l’entreprise, qui a pris fin en juillet, ont fondu de 10 %, passant de 330 à 295 millions de dollars.
Difficile de demeurer rentable dans les circonstances, d’autant plus que, chaque mois, l’entreprise verse environ 5 millions $ en loyers pour ses 200 boutiques La Vie en Rose et ses 66 magasins Bikini Village.
Certains propriétaires immobiliers se sont montrés conciliants, mais pas tous. « Quand va venir le temps de renégocier, je vais m’en rappeler », lance M. Roberge. Il prépare déjà des avis de fermeture pour quatre magasins.
L’homme d’affaires est à la recherche de solutions pour Bikini Village, dont les revenus dépendent largement des voyages dans le Sud. La chaîne de maillots de bain génère 30 % des revenus de l’entreprise pendant l’hiver.
« On est nerveux », confie M. Roberge, qui prévoit néanmoins renouer avec la rentabilité au cours des prochains mois.