Joyce ne dansera jamais dans sa robe blanche au son du tambour
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Joyce Echaquan est morte tragiquement à l’hôpital en entendant des insultes racistes quelques semaines seulement avant que son conjoint tombé follement amoureux d’elle il y a 21 ans la demande officiellement en mariage.
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Carol Dubé souhaitait demander officiellement la main de Joyce Echaquan à son beau-père, le jour de Noël. C’était la cerise sur le gâteau de leur amour après 21 ans de vie commune et sept enfants d'âges variant entre 20 ans et 7 mois.
Pour la plupart des gens, avoir sept enfants, c'est avoir une famille nombreuse. Pas pour Joyce, qui souhaitait en avoir entre 12 et 15. «Moi, j’ai sept enfants, mais elle en voulait plus que moi», a confié sa mère, Diane Dubé au cours d’une entrevue réalisée dans une maison de Joliette qui appartient au Conseil de bande de Manawan.
Malheureusement, sa dernière grossesse a été très pénible. Elle a dû demeurer alitée dans un hôpital de Montréal pendant quatre mois avant de donner naissance à un enfant en santé.
Depuis son dernier accouchement, il y a sept mois, elle vivait un drame personnel de ne plus pouvoir enfanter. Le projet de mariage arrivait donc à point dans sa vie, mais elle n’a pas eu le bonheur d’enfiler une robe blanche.
Selon son conjoint, depuis qu’elle avait eu son quatrième enfant, elle se rendait souvent au Centre hospitalier régional De Lanaudière, situé dans la région de Joliette, pour des maux de ventre et ses problèmes cardiaques.
Comme plusieurs à Manawan, elle détestait cet hôpital en particulier. Elle préférait aller «n’importe où ailleurs», avait-elle déjà dit. Elle s’était d’ailleurs déjà confiée sur les remarques racistes qu’on lui avait faites.
Elle s’y sera finalement rendue une fois de trop.
Grand-mère
Avant son décès, Mme Echaquan a eu le bonheur de vivre les joies d’être grand-mère. Son aînée de 20 ans est enceinte de son deuxième enfant. La grand-maman maternelle ne pourra jamais bercer son petit-fils Nolan.
Selon la famille, Marie-Wasianna Dubé Echaquan, l’aînée du couple, craint d’accoucher à Joliette. Elle s’y trouve présentement.
À Manawan, lorsque les futures mamans sont enceintes de 36 semaines, elles doivent se rendre à cet hôpital. C’est donc à l’endroit où sa mère est morte que Marie-Wasianna devra donner la vie à son deuxième enfant d’ici quelques jours.
Douce
Les gens de Manawan, une petite communauté de 2000 habitants située au nord de Lanaudière, se souviendront de Joyce comme une femme très près de la culture ancestrale autochtone.
Elle portait presque toujours une longue tresse dans ses cheveux longs noirs et adorait danser au son du tambour. Surtout lors de pow-wow. «La vibration du tambour, ça lui donnait des belles sensations. Elle fermait toujours les yeux», a raconté son amoureux en fermant lui-même les yeux.
Elle ne faisait qu’un avec la nature. Très simple: une de ses passions était de se promener en forêt en écoutant le chant des oiseaux, a-t-on pu apprendre. S’il y a quelque chose d’ironique dans la mort dégradante et violente de Mme Echaquan, c’est bien cela: tout le monde la décrit comme quelqu’un de très pacifique.
«Elle aimait tout, mais elle avait peur des insectes. Elle criait lorsqu’elle apercevait des araignées, mais elle refusait qu’on les tue», s’est souvenu son conjoint.
«Je ne l’ai jamais entendue parler contre quelqu’un ou détester quelqu’un, peu importe la race et l’orientation sexuelle. Elle aimait tout le monde. Ce qu’elle détestait le plus était la violence», a raconté Carol Dubé, qui ignore pourquoi deux employées de l’hôpital ont pu être si méchantes.
Son rêve
Joyce Echaquan ne faisait pas beaucoup de plans d’avenir. Elle aimait les choses simples comme cuisiner de bons repas pour sa famille (elle avait d’ailleurs mené des stages de cuisine à Montréal), bercer les siens ou faire des promenades en voiture en mangeant des croquettes de poulet avec de la sauce aigre-douce.
Par contre, son plus grand rêve était d’avoir une plus grande maison afin que ses enfants puissent avoir chacun leur chambre. «Il y a juste quatre chambres et elles sont trop petites. Ils peuvent juste mettre un lit par chambre. Il n’y a pas de bureau avec des tiroirs pour mettre le linge», a soutenu la maman Diane Dubé.
* Les propos tenus en attikamek par Carol et Diane Dubé ont été traduits par Maggie Newashish.
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Vendredi, l’avocat de la famille et de la communauté a annoncé qu’un recours en dommages et intérêts sera intenté contre le Centre hospitalier régional De Lanaudière et les membres du personnel impliqués, mais aussi «ceux qui étaient complices par leur silence». Une plainte aux autorités policières sera également déposée.
L’avocat Jean-François Bertrand va aussi réclamer la tenue d’une enquête publique sur le traitement réservé aux membres de la communauté autochtone à cet hôpital. Une plainte sera également déposée à la Commission des droits de la personne. Il compte aussi demander à l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec que l’infirmière qui a été congédiée mardi soit radiée.