Manawan: quinze personnes dans une maison délabrée
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MANAWAN | Manon Ottawa, 51 ans, est atteinte d’une maladie chronique. Mais faute de ressources, elle doit habiter avec cinq de ses enfants, sept petits-enfants, dont un bébé, et certains de ses gendres dans sa petite maison délabrée de Manawan.
« Il va encore y avoir un petit-fils qui n’aura pas sa chambre. Je ne sais pas où je vais l’installer. Peut-être dans la salle de lavage ? Je réfléchis », mentionne la kokom [grand-mère] de Manawan.
Manon Ottawa est mère de sept enfants. Les cinq qui vivent avec elle sont âgés de 16 à 30 ans. Depuis 1993, aucun travail de rénovation n’a été effectué à la maison familiale qui loge en tout 15 personnes.
Moisissures, plafond qui coule, portes manquantes sur les armoires de cuisine, fenêtre placardée d’un morceau de bois, trous dans les murs, il est difficile de concevoir que trois générations puissent s’épanouir dans ce petit bungalow de la rue Newashish.
« Est-ce que le nouveau-né va avoir des problèmes de santé ? Je suis inquiète », affirme la veuve.
Puisqu’elle ne peut plus travailler en raison de la maladie, elle n’a pas les moyens de faire des rénovations ni de déménager.
Dormir dans son sous-sol
Résiliente et ayant un cœur plus grand que nature, Mme Ottawa laisse les chambres principales, à l’étage, à ses filles qui ont des enfants.
Une des chambres est occupée par six personnes.
Elle a accepté de dormir au sous-sol avec une autre de ses filles.
Pourtant, elle peine à marcher en raison de sa fibromyalgie, qui lui occasionne des douleurs musculaires généralisées et des troubles de sommeil. Depuis l’âge de 45 ans, elle souffre de plusieurs maladies respiratoires et chroniques.
« On a tous besoin d’une pompe, mes petits-enfants aussi. Quand ils sont malades, ils font tout de suite des crises d’asthme. On nous dit que c’est la maison qui nous rend malades », explique-t-elle.
Manon Ottawa a travaillé toute sa vie comme enseignante et éducatrice.
Même si elle aime ses enfants et ses petits-enfants plus que tout, elle trouve parfois injuste d’avoir travaillé aussi fort et de ne pas pouvoir offrir un certain niveau de confort à sa progéniture.
« Quand je regarde les projets de mini maison, je rêve de ça pour moi-même, pour ma fille, mais ce sont toujours des rêves. Juste des rêves », chuchote-t-elle. Elle aimerait aussi se faire bâtir une maison dans le bois entre Manawan et Saint-Michel-des-Saints, mais aucun service essentiel ne s’y rend.
Cultiver l’espoir
Mme Ottawa est très consciente qu’elle n’est pas la seule membre de sa communauté à vivre dans une telle situation.
Mais elle garde espoir qu’un jour ses enfants auront leur propre maison.
« Ça ne donne rien de se fâcher, il faut être résiliente, sinon ça ne serait pas vivable si je m’apitoyais sur moi-même », conclut Mme Ottawa.
Plusieurs familles incapables de payer leur logement
Le manque de logements et l’insalubrité des résidences sont les plus gros problèmes de santé publique à Manawan, selon plusieurs experts et habitants de la communauté.
Ils sont plus de 2900 à habiter dans 326 logements à Manawan.
En moyenne, on retrouve donc environ neuf personnes par maison.
Selon le vice-chef du Conseil de bande, Sipi Flamand, il manquerait entre 150 et 200 logements, ce qui crée des problèmes de promiscuité évidents.
Promiscuité dramatique
« C’est dramatique pour les adultes, mais c’est encore plus dramatique pour les enfants », lance sans hésiter la Dre Pascale Breault, dont la majorité des patients sont dans la communauté de Manawan.
Selon elle, la surpopulation à l’intérieur d’une maison peut être une grande source de stress pour ses habitants et nuire à la capacité de développement des enfants.
Conscient de ce problème de santé publique, le Conseil de bande tente de trouver des solutions depuis des décennies.
À Manawan, 9 personnes sur 10 sont locataires dans des logements subventionnés et gérés par le Conseil de bande.
Et 20 % d’entre eux sont incapables de payer leur loyer.
« On demande un montant par mois. Certains paient, d’autres ne paient pas. Ils n’ont pas la capacité d’emprunt pour bâtir. Ça ne date pas d’hier », résume le chef Paul-Émile Ottawa.
Pour cette raison, la communauté porte une dette d’environ deux à trois millions de dollars, selon lui.
Cette dette complique aussi les choses lorsque le Conseil de bande se tourne vers la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) pour financer la construction de nouvelles habitations.
Revenu familial faible
Pour Claudia Newashish, membre du Conseil de bande, c’est en raison du manque d’emplois dans la communauté et du taux élevé de prestataires de l’aide sociale que plusieurs membres sont incapables de payer leur loyer.
Selon le recensement de 2016, le revenu médian à Manawan était de 18 912 $ par année et 60 % des résidents vivaient grâce à des prestations d’aide sociale.
Mais le chef Ottawa refuse de rester les bras croisés.
Plusieurs investisseurs privés ont été interpellés par le Conseil pour la construction de logements.
Il faudra aussi négocier l’accès à de nouveaux terrains pour construire, car les sites propices à la construction résidentielle sont actuellement saturés.