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La pandémie engendre des «bébés COVID»

La jeune maman Nellie Noël remarque que son bébé, la petite Elizabeth, âgée de 7 mois, s’adapte moins bien aux environnements nouveaux, comparativement à sa plus grande, âgée de 4 ans, lorsqu’elle avait le même âge.
Photo d'archives, Didier Debusschère La jeune maman Nellie Noël remarque que son bébé, la petite Elizabeth, âgée de 7 mois, s’adapte moins bien aux environnements nouveaux, comparativement à sa plus grande, âgée de 4 ans, lorsqu’elle avait le même âge.

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Plus craintifs et observateurs en présence d’étrangers, adaptation plus difficiles à de nouveaux milieux : les nombreuses mesures sanitaires et le confinement ont eu des répercussions sur le comportement des tout-petits.

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C’est du moins ce que confirment des éducatrices en milieux de garde ainsi que des mamans qui ont donné naissance quelque temps avant ou pendant la pandémie. Que ce soit en milieux privés, familiaux ou en Centres de la petite enfance (CPE), l’intégration des «bébés COVID» a été plus difficile cette année, indique-t-on. «Il y a eu plus de pleurs cette année [lors de l’intégration de nouveaux poupons]. [...] Le détachement était plus difficile pour les bébés qui ont vécu le confinement du printemps», soutient Geneviève Bélisle, directrice générale de l’Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE).

«En temps normal, l’intégration prend environ deux semaines, mais cette année, ça a pris environ quatre semaines, surtout pour les bébés qui n’avaient pas de frère et sœur à la garderie», souligne France Quirion, représentante des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches pour l’Association des garderies privées du Québec.

Bébés plus observateurs

«On remarque que ce sont des enfants plus observateurs, moins prompts», ajoute Sophy Forget-Bélec, éducatrice et présidente de l’Association québécoise des milieux familiaux éducatifs privés. «On voit que les enfants n’ont pas socialisé comme les enfants des autres années», ajoute-t-elle.

C’est le cas notamment de la petite Elizabeth, âgée de 7 mois. Sa mère, Nellie Noël, constate une différence de comportement avec son autre fille âgée de 4 ans, au même âge.

«Avec nous, c’est super correct, mais avec les étrangers, elle analyse beaucoup. S’ils la prennent, elle chigne un peu», soutient Mme Noël. Selon elle, sa petite dernière n’a pas côtoyé plus d’une trentaine de personnes depuis sa naissance. Son entrée à la garderie a aussi été plus difficile que pour sa sœur, soutient Mme Noël. «Elle demande encore beaucoup les bras et même pour les boires, c’est un peu plus difficile», dit-elle.

«Antisocial»

Le port du masque par les éducatrices n’aide en rien à leur adaptation, estime Mme Noël. «C’est sûr que c’est difficile pour Elizabeth, qui apprend à connaître ses éducatrices, ça crée comme une barrière. Je crois que sa relation avec les éducatrices n’est pas la même que ç’a été pour ma plus vieille», précise-t-elle.

Le son de cloche est le même pour Andrée-Anne Stewart, mère de trois enfants, qui affirme que son petit dernier âgé de 8 mois est «antisocial», lorsqu’elle le compare à ses deux autres fils plus vieux.

«Il sourit aux gens qui lui sont familiers, mais il pleure dans les bras des autres notamment dans les bras de ses grands-parents. [...] Il est plus sauvage et effrayé dans les bras des personnes qu’il aurait dû bien connaître et reconnaître à son âge», indique-t-elle. «À 4 mois, il n’avait pas encore été pris par personne d’autre que moi et mon conjoint», poursuit-elle. 

D’autres effets négatifs à craindre   

TROUBLES DE COMPORTEMENT

À l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec, on prévient que des retards d’apprentissage peuvent mener à des troubles du comportement. «Près de 80 % des troubles d’apprentissage, dont le TDAH, sont reliés à un problème de langage», affirme son président, Paul-André Gallant. 

«Si nous ne sommes pas capables d’exprimer un besoin, on se fâche et ça peut parfois être interprété comme un trouble de comportement», illustre-t-il.


RETARDS DE LANGAGE

Les pédiatres se disent très inquiets que les tout-petits soient privés de lire sur les lèvres en milieux de garde.

«La recherche nous apprend qu’un enfant qui porte davantage attention à la bouche aura un langage expressif plus développé qu’un autre enfant du même âge qui porte une attention moins grande à la bouche», affirment les pédiatres.


INSÉCURITÉ ET ANXIÉTÉ

En plus de causer de potentiels retards de langage, le masque peut aussi être anxiogène pour les poupons, puisqu’il cache l’expression du visage et, ainsi, le langage non verbal, essentiel à leur développement.

«Les enfants fonctionnent par anticipation. S’ils font quelque chose en s’attendant à recevoir un sourire et ils ne le voient pas, ça devient très insécurisant pour eux. L’enfant développe donc de la peur ou de la tristesse», exprime le Dr Jean-François Chicoine. «Si on continuait l’expérience [le port du masque] longtemps, c’est sûr que les enfants deviendraient déprimés», ajoute-t-il.

La Dre Marie-Claude Roy s’inquiète aussi du fait que le lien d’assurance et d’encouragement avec l’éducateur ou éducatrice est affecté par le masque, ce qui peut devenir stressant pour l’enfant.

Elle explique que les poupons de 12 à 18 mois ne sont pas en mesure de deviner un sourire ou toute autre réaction derrière un masque. «Ils n’ont pas la maturité pour l’interpréter», dit-elle. 

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