Éric Salvail acquitté à son tour
Le plaignant n’a pas été cru par le juge en raison de ses exagérations parfois au détriment de la vérité
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Trois jours après Gilbert Rozon, Éric Salvail a lui aussi été acquitté de crimes sexuels vendredi, cette fois parce que le plaignant a « exagéré » en livrant sa version, selon le juge qui a rappelé qu’une victime n’a pas à être parfaite pour être crue, mais juste à être honnête.
« L’ensemble des facteurs analysés permet d’inférer que le plaignant prend de sérieuses libertés avec la vérité, qu’il fabrique peut-être même des portions de son témoignage », a commenté le juge Alexandre Dalmau en acquittant Salvail d’agression sexuelle, de harcèlement et de séquestration.
L’homme de 51 ans a donc quitté le palais de justice de Montréal en homme libre vendredi, sans risque d’être inscrit au registre des délinquants sexuels.
Lors du procès, le plaignant Donald Duguay a relaté que Salvail l’aurait harcelé à l’été 1993 avec des commentaires sexuels répétés et des mains aux fesses.
Puis, en octobre 1993, l’accusé l’aurait agressé sexuellement dans les toilettes de Radio-Canada, où tous deux travaillaient.
Or, cette version, même si elle pouvait être plausible, était truffée d’exagérations.
- Écoutez l'analyse de Me François-David Bernier sur QUB radio:
« L’analyse du témoignage du plaignant [...] permet de tirer l’inférence qu’il se donne comme mission de convaincre le tribunal, ce qui n’est pas un problème en soi, a expliqué le juge. Cependant, il le fait parfois au détriment de la vérité. »
Salvail écorché
Même s’il n’a pas cru le plaignant et que Salvail a été blanchi de toutes accusations, l’ex-animateur, qui disait ne pas être le genre de personne qui agresse le monde, a lui aussi été solidement écorché par le magistrat.
Ce dernier a rappelé que trois anciens collègues sont venus dédire les affirmations de Salvail.
« La contre-preuve démontre qu’il commet ce genre de gestes en milieu de travail, a souligné le juge. Qu’il ne craint pas de mettre en péril sa carrière [...] en adoptant un tel comportement. Que son professionnalisme ne l’arrête pas. Qu’il est persistant, malgré des refus clairement exprimés. »
Doute raisonnable
Sauf que les règles des tribunaux canadiens font en sorte que même si l’accusé n’est pas cru, si le plaignant ne l’est pas non plus, alors il persiste un doute raisonnable qui mène à un acquittement.
Le juge Dalmau a toutefois rappelé qu’une victime n’a pas à être parfaite pour être crue, car les tribunaux sont conscients que le passage du temps affecte la mémoire.
Et même toutes les contradictions ne sont pas nécessairement fatales, a-t-il précisé.
La juge retraitée Nicole Gibault abonde d’ailleurs dans le même sens.
« C’est normal d’oublier certains détails, ce qui est demandé, c’est juste de dire la vérité, et ça comprend l’oubli, a-t-elle commenté. Dire “je ne me souviens pas” n’est pas une faiblesse mais une réalité. »
Victime courageuse
La procureure de la Couronne, Me Amélie Rivard, a d’ailleurs tenu à souligner le courage que cela prend à une victime pour témoigner, en ajoutant que la poursuite tente toujours de bien l’accompagner dans le processus judiciaire.
« Le message que je souhaite envoyer aux victimes, c’est de ne pas se décourager à porter plainte », a-t-elle conclu en rappelant que même si Gilbert Rozon et Éric Salvail ont été acquittés cette semaine, chaque jour, de nombreux crimes sexuels se soldent par des condamnations.
La Couronne a 30 jours pour faire appel.