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Autre flambée du prix du bois de construction

La demande continue à être très forte même en basse saison

Scierie
La demande pour le bois d’œuvre ne s’estompe pas. Les prix sont repartis à la hausse, même s’ils devraient être au plus bas à cette période de l’année. Photo d’archives


Les Québécois vont devoir se résoudre à payer plus cher leur bois de construction et ce, même lorsque la pandémie de coronavirus ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

«Nous sommes à une période charnière. Dans l’industrie forestière et la construction, il y a eu un avant COVID et il va y avoir un après COVID», lance Michel Vincent, directeur du département Économie et marchés du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ).

L’outil de référence pour le prix du bois de construction est l’indice Pribec. Il regroupe une vingtaine de matériaux de dimensions différentes, l’équivalent du panier d’épicerie pour l’indice des prix à la consommation. L’indice Pribec s’exprime en pied mesure de planche (PMP).

«Avant la pandémie, le prix était autour de 525$ pour 1000 PMP. Ça été fulgurant cet été et il est monté jusqu’à 1200$. Il a baissé à 750$ (novembre) et il a maintenant repris à 860$ à la période de l’année où les prix sont normalement au plus bas. La situation est préoccupante. On voit que quelque chose se passe», affirme M. Vincent.

  • Écoutez Michel Vincent, directeur du département Économie et marchés du Conseil de l’industrie forestière du Québec, à QUB radio

Patrick Delisle, directeur marketing des quincailleries Canac, a aussi remarqué le phénomène.

«Il y a eu une espèce de folie cet été alors que tous les approvisionnements allaient dans la construction plus lourde. Les prix de tout ce qui était 2x4, contreplaqué et gypse a augmenté de presque du fois trois. Ça avait rebaissé, mais on sent que ça veut repartir. Si les Américains achètent tout le bois, on est pris pour le payer plus cher nous aussi», constate-t-il.

Le type de logement

Michel Vincent remarque aussi «qu’aux États-Unis, la construction unifamiliale est à son meilleur depuis plus de 15 ans.» Et avec un accroissement annuel de 3% de la population dans ce pays, il croit que la construction va s’y maintenir, si elle n’augmente pas. 

Mais M. Vincent insiste sur le fait que la demande porte surtout sur la maison unifamiliale. Il explique qu’en moyenne, une unité d’une construction multilogements consomme le tiers du bois requis pour une maison unifamiliale.

«Ça fait une grosse différence et présentement il y a un engouement (au Québec) pour l’unifamilial parce que les gens pensent, à tort ou à raison, qu’ils peuvent se construire dans la deuxième ou la troisième couronne urbaine. En raison du télétravail, la distance de transport a moins d’importance. Les gens veulent aussi un ou deux bureaux, donc on construit aussi des maisons un peu plus grosses», analyse le directeur du CIFQ.

Il ajoute que le nombre de maisons sur le marché étant bas, leur prix rejoint pratiquement celui de la maison neuve, ce qui encourage aussi la construction.

La réno

Les mesures sanitaires ont aussi provoqué une demande plus forte dans la rénovation. «L’argent qu’on mettait dans les voyages, dans les restaurants, on le met dans la cuisine, la terrasse, le cabanon», avance M. Vincent.

«La demande est très forte dans tout ce qui touche les petits projets de maison; les luminaires, les planchers flottants, de bois francs, la petite plomberie. On réussit à avoir de l’inventaire, mais c’est toujours un peu difficile. Ça nous empêche de faire des circulaires papier, parce que les inventaires sont incertains. On pensait rester coller avec notre stock de Noël et voyez ce qui est arrivé», réplique Patrick Delisle de Canac, se référant à l’engouement monstre pour les décorations des fêtes.

Richard Darveau, président et chef de la direction de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT), précise que la demande pour le bois a d’autres impacts.

«Quand il y a recrudescence de consommation et rareté dans le bois ce qui vient avec c’est les prix de la ferronnerie; les clous, les vis et les fer angles, et ceux des adhésifs», dit-il.

Le syndrome du papier de toilette

Michel Vincent précise que si la vente au détail est un marché différent de la dynamique entre la scierie et le grand constructeur de maisons, la demande de l’un finit invariablement par influencer l’autre secteur.

Au-delà de la demande pour les maisons unifamiliales et la rénovation, des facteurs psychologiques jouent pour beaucoup dans la hausse du prix du bois juge-t-il.

«Aussitôt qu’il y a une perturbation au niveau de la demande, il y a un peu de panique. Les gens (de la construction) veulent s’assurer d’avoir le bois nécessaire, en achètent davantage et un peu de frénésie s’installe. C’est ce qu’on a vu dans le papier hygiénique chez Costco ce printemps. Les gens voient une étagère vide. Ensuite quand ils le peuvent, ils achètent 15 paquets. C’est eux qui créaient la pénurie», lance-t-il.

Ce phénomène a un impact du côté des quincailleries qui ont vu le bois leur filer entre les doigts.

«Aussitôt qu’un morceau de bois est produit, il est livré. J’ai visité la scierie Matériaux Blanchet à Saint-Pamphile. Je n’avais jamais vu des inventaires aussi bas», explique Richard Darveau de l’AQMAT.

«Jusqu’à l’arrivée de la pandémie, les quincailleries étaient dans le juste à temps (qui consiste à limiter les inventaires), poursuit-il. Mais nos membres sont en train de stocker, de construire des entrepôts, pour ne plus se faire prendre. Le pied carré coûte cher, mais ce qui coûte plus cher encore, c’est de rater des ventes parce que tu n’as pas de stock.»

Les solutions

Actuellement, l’industrie du sciage tire avantage de la situation, mais Michel Vincent estime que c’est un juste retour du balancier.

«Les scieries primaires font beaucoup d’argent. Mais il y a deux ans, elles fonctionnaient à perte. On est dans des montagnes russes et aucun industriel ne va vous dire qu’il aime ça. On aime être capable de se budgéter. Sur l’ensemble du cycle économique, ce n’est pas un secteur très rentable. On a fait des pertes monumentales de 2008 à 2014.»

Si la demande est si forte, pourquoi l’offre n’a pas augmenté? Les limites de la capacité forestière et la pénurie de main-d’œuvre en région l’expliquent en partie avance M. Vincent. Mais il y a aussi qu’ajouter une ligne de production demande de trois à six mois.

«Les industriels croyaient que les prix retomberaient durant ce temps. Mais les acheteurs de bois d’œuvre voient arriver une autre vague. Ça va probablement générer des investissements pour faire plus de bois avec la même main d’œuvre. Il y a des bouleversements qui s’en viennent dans l’ensemble du secteur forestier», affirme-t-il.

Le futur

Le directeur du CIFQ ne s’avance pas à prédire le prix du bois le printemps prochain. Mais la situation pourrait inciter des pays comme la Suède et l’Allemagne à exporter du bois en Amérique du Nord. «Ça peut faire une grande différence», croit-il, en augmentant l’offre et en empêchant les prix d’attendre de trop hauts sommets.

«Ce qu’on considérait comme une situation conjoncturelle (la hausse du prix du bois) cet été semble prendre des caractéristiques plus structurelles. Il y a quelque chose qui se passe dans l’économie qui fait que le rapport de l’offre et de la demande est changé de façon permanente», conclut Michel Vincent.

La demande pour le bois d’œuvre ne s’estompe pas. Les prix sont repartis à la hausse même s’ils devraient être au plus bas à cette période de l’année.

L’indice Pribec*

Avant la pandémie - 525$**

Au sommet à l’été - 1200$

En novembre - 750$

Actuellement - 860$

* indice de référence d’un panier d’une vingtaine de matériaux de bois d’oeuvre de dimensions différentes

**Prix pour 1000 pieds mesure planche (PMP)

Prix d’un logement neuf

Hausse de 7,2% en octobre 2020 par rapport à octobre 2019







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