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Les hôpitaux sous pression: pas d’autre choix que de se préparer au point de rupture

Le Québec pourrait faire face à des choix déchirants dans les hôpitaux, dit un expert

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Si la situation continue d’empirer dans les hôpitaux, Québec pourrait éventuellement devoir faire des choix déchirants concernant le traitement des malades dans les unités de soins intensifs. 

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La dernière mise à jour du «Protocole national de priorisation pour l’accès aux soins intensifs (adultes) en contexte extrême de pandémie» indique que les patients présentant les meilleures chances de survie et ayant le plus d’expériences de vie significatives devant eux seront priorisés si les soins intensifs de la province se trouvent débordés.

Publié discrètement le 10 novembre dernier par le ministère de la Santé, le document stipule que ce triage s’enclenchera lorsque le taux d’occupation des 1374 lits de soins intensifs – désignés ou non COVID-19 – sera de plus de 200% à la grandeur du Québec. 

On ferait alors une liste des patients se trouvant déjà aux soins intensifs et de ceux qui doivent y entrer. Suivant les critères mentionnés plus haut, certains patients seraient admis, tandis que les autres recevraient des «soins appropriés à leur état». 

Équitable?

Ainsi, des patients déjà aux soins intensifs, mais dont «l’état n’évolue pas favorablement», pourraient devoir céder leur lit, explique le Dr Mathieu Simon, chef des soins intensifs à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ). 

Le médecin estime toutefois que l’exercice a été conçu pour être le moins discriminatoire possible. Il se peut même que, dans le cas où l'on ne pourrait trancher entre deux personnes, la décision soit basée sur un tirage au sort. 

«Quelqu’un qui a un handicap sévère, mais qui a une qualité de vie adéquate et qui a encore beaucoup d’expériences à vivre sera considéré au même titre qu’une personne sans handicap s’ils ont la même chance de survivre», indique-t-il.

Malheureusement, les individus présentant des comorbidités importantes qui pourraient limiter leur survie à court ou moyen terme et les personnes âgées auront inévitablement moins de chances d’être sélectionnés.

«Déchirement social»

Chaque hôpital aura donc une équipe composée d’un intensiviste ou d’un urgentologue, d’un médecin de l’établissement et d’un «non-médecin» ayant de l’expérience en éthique. Ce sont eux qui seront chargés de prendre les décisions déchirantes. Ils s'y préparent déjà en traitant des cas fictifs.

Jusqu’à présent, seule l’Italie a utilisé un protocole semblable, lorsque ses hôpitaux étaient complètement saturés, le printemps dernier, en raison d’une explosion de cas de COVID-19. 

Le Royaume-Uni se prépare cependant à devoir bientôt faire de même, alors qu’un nouveau record de 53 135 nouveaux cas en 24 heures a été enregistré.

«C’est une chose [...] à laquelle la société québécoise n’a pas d’autre choix que de se préparer, même si on espère de tout cœur ne jamais en avoir besoin», explique le Dr Simon, ajoutant que de telles mesures donneraient lieu à «un déchirement social qui prendrait des générations à se résorber».

La priorisation des soins intensifs pourrait venir plus vite que prévu       

L’arrivée massive de voyageurs au pays et la nouvelle souche du virus pourraient forcer le Québec à utiliser le protocole de priorisation des soins intensifs plus tôt que tard, estime un expert.

Quand on lui demande si les unités de soins intensifs de la province pourraient éventuellement être assez débordées pour que l'on doive enclencher un processus de triage, le chef des soins intensifs de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, le Dr François Marquis, est catégorique.

«Si on m’avait posé la question il y a trois mois, j’aurais dit: “Jamais de la vie”, mais, là, honnêtement, c’est définitif que oui», affirme-t-il.

«La nouvelle souche du virus, plus contagieuse, va faire en sorte qu’on aura plus d’hospitalisations. Et on a l’air de n’avoir aucune forme de contrôle sur la contagion, notamment avec les voyageurs qui vont déclencher des éclosions partout. Tout va dépendre de l’impact de ces deux points dans les prochaines semaines», poursuit l’intensiviste.

Serrer la vis

Visiblement préoccupé, lui aussi, par le vagabondage des touristes, le gouvernement Legault a d’ailleurs demandé au fédéral, mardi, de leur serrer la vis.

Hier, le gouvernement Trudeau a confirmé que toute personne entrant au Canada devrait désormais fournir un test négatif datant de moins de trois jours.

Les voyageurs «sont le facteur le plus inquiétant, c’est ce qui a fait déraper la première vague. Si on leur faisait une quarantaine forcée et supervisée, ça pourrait empêcher ça», croit le Dr Marquis.

«Cicatrices sociales»

Actuellement, le Québec est relativement loin d’atteindre les 200% d’occupation des unités de soins intensifs. Selon le ministère de la Santé, 830 des 1198 lits de soins intensifs disponibles sont occupés actuellement, soit 69%. Sur les 216 unités réservées pour les malades de la COVID-19, 153 sont utilisés (71%).

Mais la situation pourrait basculer très rapidement si l'on n’est pas extrêmement prudent, avertit le médecin, et «ce ne sera pas beau, socialement», si on en arrive là.

«On voit venir tout de suite les paniques que ça va créer. La possibilité d’un chaos social n’est pas nulle. Ça va laisser des cicatrices sociales profondes», soupire-t-il.

La COVID-19 gagne du terrain au Québec       

► Record de 2511 nouveaux cas       

  • Total de 199 822 (dont 170 045 rétablis)              

► 41 nouveaux décès       

  • Total de 8165              

► 80 hospitalisations de plus       

  • Total de 1211              

► 4 personnes de plus aux soins intensifs       

  • Total de 152              

► 2739 personnes vaccinées de plus        

  • Total de 25 315              

Source: ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec

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