Application du couvre-feu au Québec: qui peut être dans la rue après 20h?
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Les citoyens interceptés par des policiers entre 20 h et 5 h à partir de samedi devront justifier leur présence dans la rue sous peine de recevoir une amende de 1000 $ à 6000 $, mais le flou entourant l’application par les forces de l’ordre inquiète.
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La justification du couvre-feu est la suivante : des Québécois continuent de se réunir dans des domiciles privés même si c’est interdit et contribuent ainsi à la transmission de la COVID-19.
Avec l’interdiction de se déplacer la nuit, une mesure très restrictive qui n’a pas été vue au Québec depuis près de cent ans, «ça va devenir plus difficile» pour ces contrevenants, estime la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault.
Québec a dressé une liste d’exceptions : lorsque c’est exigé par le travail, ou si on a un besoin urgent de médicaments par exemple.
Les propriétaires de chiens auront un privilège canin : ils pourront marcher à proximité de leur domicile.
Tous devront démontrer qu’ils ont le droit d’être dans la rue.
Arbitraire
Mais le «diable se cache dans les détails», souligne le constitutionnaliste Louis-Philippe Lampron, professeur de droit à l’Université Laval. Exemples soulevés en conférence de presse : la ministre dit qu’il n’est pas utile de donner une contravention aux itinérants, mais ils ne sont pas exemptés.
Un fumeur qui n’a pas accès à une cour privée n’aura pas le droit de sortir entre 20 h et 5 h pour griller une cigarette, a affirmé Mme Guilbault. Son cabinet a ensuite précisé que ce serait toléré.
«On crée de l’arbitraire. Un policier zélé peut, de bonne foi, imposer une contravention, car la cigarette n’est pas dans la liste des exceptions», indique M. Lampron.
«Les policiers n’écoutent pas la conférence de presse de Mme Guilbault, ils se fient au texte du décret», ajoute-t-il.
Écoutez la chronique judiciaire de l’ex-juge Nicole Gibeault sur le couvre-feu:
Croire ou non l’individu
Son collègue Patrick Taillon, également professeur à l’Université Laval, estime qu’il est normal de ne pas dresser une liste exhaustive des exceptions.
Mais il reconnaît lui aussi la «bonne marge d’appréciations» laissée aux autorités. «Un policer va décider de croire ou non si le déplacement d’un individu à 21 h le soir est pour acheter des Tylenol ou pour faire la fête chez un ami», souligne-t-il.
«Si on a confiance dans la police, on dit oui, il faut que la police fasse preuve de jugement. Mais ça va susciter des critiques chez ceux pour qui cette confiance n’existe pas ».
Si vous avez à vous déplacer entre 20 h et 5 h du matin
Les policiers peuvent vous intercepter et sont en droit de vous demander de vous identifier et de vous poser des questions. Si vous n’êtes pas capable de les convaincre de la nécessité de votre déplacement, vous pouvez recevoir une amende de 1000 $ à 6000 $.
Pour un travailleur essentiel
- Il est nécessaire d’avoir sur soi un formulaire signé par l’employeur (voir modèle ci-dessous).
- Il est utile d’avoir avec soi un badge ou une carte d’identité de son employeur (par exemple, carte d’hôpital).
- Le formulaire doit donner les informations de contact d’une personne qui peut confirmer la nécessité de vous déplacer pendant le couvre-feu.
D’autres exceptions
- Si vous devez vous procurer des médicaments, conservez sur vous une preuve d’achat des médicaments.
- Si vous arrivez au pays par un vol de nuit, conservez votre billet d’avion.
- Il est toujours possible de quitter sa résidence si sa santé ou son intégrité physique est en jeu, par exemple si une femme est menacée par son conjoint.