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Philippe Besson: se retrouver devant un nid vide

Philippe Besson
Photo Éric Fougère Philippe Besson

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Que se passe-t-il dans le cœur d’une mère lorsque le dernier de ses enfants quitte la maison ? Romancier doué, excellent dans l’art d’explorer et d’évoquer une large palette d’émotions, Philippe Besson revient à la fiction en décrivant le parcours d’une mère dans son nouveau livre. Roman émouvant, cherchant la beauté dans les petits gestes du quotidien, Le dernier enfant montre tous les bouleversements qui accompagnent un passage de vie prévisible mais souvent lourdement chargé émotivement. 

Anne-Marie, une femme « ordinaire », mariée et mère de trois enfants, redoutait depuis plusieurs mois le jour du départ de son fils cadet, Théo. L’échéance est arrivée et le jeune homme doit quitter le cocon familial pour s’installer dans un studio et poursuivre ses études.

Le jour du déménagement, elle devra se rendre à l’évidence : rien ne sera plus comme avant dans sa maison et elle devra s’habituer à l’absence de Théo, de tous ses enfants en fait, et à la présence de son mari Patrick, un homme gentil, mais qui ne parle pas beaucoup et n’exprime pas ses émotions.

Anne-Marie revisite des moments de sa vie de mère avec Théo – une vie qu’elle a consacrée à ses enfants, en étant le pilier de la famille. Une vie où elle s’est oubliée souvent. Comment retrouver ses repères ? Comment continuer sa vie, trouver des objectifs, s’adapter, garder confiance ?

Revenir au roman

Philippe Besson scrute dans les moindres détails les pensées et les états d’âme d’une femme simple, fragile, authentique, et rejoint quelque chose d’universel dans cette histoire qui explore l’attachement, mais aussi la peur du vide et le manque affectif. 

Joint en entrevue tandis qu’il est confiné lui aussi dans sa maison de Paris – avec un couvre-feu à respecter également –, Philippe Besson explique qu’il avait envie de revenir au roman après avoir écrit une trilogie d’autofiction. 

« Je voulais essayer d’incarner un personnage dont on ne peut pas soupçonner que je suis. Je voulais trouver quelqu’un qui soit loin de moi, donc j’ai pris un personnage de femme, et un personnage de mère, moi qui suis un homme et qui ne suis pas parent. »

La cinquantaine

La gageure, c’était d’aller vers ce qui l’avait poussé vers l’écriture, au tout début. « Je voulais devenir un autre que moi, vivre une autre vie que la mienne, éprouver des sentiments que je ne suis pas supposé avoir éprouvés, et essayer de les rendre justes, crédibles, plausibles, émouvants. »

Depuis quelque temps, il réfléchissait à la question des mères dont le dernier enfant s’en va, car plusieurs personnes de son entourage font face à ce passage de vie. « J’ai 53 ans. Les gens autour de moi ont souvent des enfants qui ont 20 ans et qui s’en vont. Donc, je voyais qu’il y avait des gens qui avaient mal vécu le départ de leur dernier enfant, ou d’un enfant – ce qu’on appelle le syndrome du nid vide. »

Des sentiments très forts

Il s’est dit qu’il y avait peut-être quelque chose à explorer autour de ce thème. « Je trouvais que ça permettait d’explorer toute la gamme des sentiments. Il y avait à la fois le sentiment de perte, de l’abandon, de vacuité aussi, et le vide. Le vide a une vraie consistance : la maison vide, silencieuse, la chambre où il n’y a plus d’enfant. C’est un sentiment terrible et en même temps, très physique, très concret, très matériel. »

Il n’oublie pas le sentiment de solitude, intense, vécu à ce moment, ni le sentiment d’inutilité. « Vous vous dites, j’ai été parent, j’avais un rôle, une fonction, et tout d’un coup, à quoi je sers, parce que mon enfant va se débrouiller sans moi. » 

  • Depuis Son frère, publié en 2001 et adapté au cinéma par Patrice Chéreau, Philippe a écrit plusieurs best-sellers et s’est imposé comme un des auteurs incontournables de sa génération. 
  • Il a écrit Arrête avec tes mensonges, en cours d’adaptation pour le cinéma, Un certain Paul Darrigrand et Dîner à Montréal
  • Il a aussi écrit le scénario de Mourir d’aimer, interprété par Muriel Robin, de La mauvaise rencontre, avec Jeanne Moreau et de Nos retrouvailles, avec Fanny Ardent.  

EXTRAIT 

Le dernier enfant<br/>
Philippe Besson<br/>
Éditions Julliard<br/>
208 pages
Photo courtoisie
Le dernier enfant
Philippe Besson
Éditions Julliard
208 pages

« Quand ils s’engouffrent dans la ruelle où il va désormais habiter, tous constatent au même instant qu’il n’y a pas de place libre où se garer... “Ça commence bien”, grommelle Patrick. Anne-Marie connaît par cœur les agacements de son mari au volant : quand la circulation est ralentie ou bloquée, quand des conducteurs ne respectent pas les interdictions ou les priorités, quand des livreurs stationnent au milieu de la rue, quand des vélos surgissent de n’importe où, quand des piétons traversent en dehors des clous juste devant sa voiture, quand des feux sont trop longs, quand des gendarmes “organisent” le trafic ; les occasions de râler ne manquent pas. »

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