Un ex-coach s’en sort grâce aux lacunes d’un enquêteur
Michel Arsenault était accusé d’avoir abusé sexuellement de gymnastes mineures
Un ex-entraîneur de gymnastique accusé d’avoir profité du rêve olympique de jeunes athlètes pour les agresser sexuellement s’en est tiré grâce aux « lacunes majeures » d’un enquêteur, qui n’a pas pris de notes lors de rencontres avec les plaignantes.
« C’est assez inconcevable, on dirait que le travail de base n’a pas été fait. Quand on sait la difficulté pour une victime de porter plainte, on pourrait s’attendre au minimum [de la part des enquêteurs] », a commenté jeudi Arlène Gaudreault, la présidente de l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes.
Pour la représentante du Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS) Stéphanie Tremblay, cela démontre « tous les obstacles des victimes pour obtenir justice ».
C’est que jeudi, au palais de justice de Montréal, l’ex-coach de gymnastique Michel Arsenault obtenait l’arrêt des procédures, en raison du travail de l’enquêteur de la Sûreté du Québec (SQ), Éric Lefebvre.
« Des informations révélées [...] démontrent des lacunes majeures dans la prise de notes de l’enquêteur au dossier, a expliqué la procureure de la Couronne, Me Rachelle Pitre. Elles font en sorte que de nombreuses déclarations des plaignantes sont à jamais inaccessibles. »
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Agression sexuelle
Arsenault, 59 ans, était accusé d’avoir agressé sexuellement deux athlètes mineures, ainsi que de voies de fait sur quatre autres. Lors de l’enquête préliminaire, l’une d’elles a expliqué avoir été forcée à des relations sexuelles complètes, au point où elle se sentait comme une « servante ».
« Je me souviens de ses mains sur mon corps à des endroits pas confortables, comme les fesses, le côté des seins », avait dit une autre plaignante.
Or, à la suite de l’enquête préliminaire, la défense a réalisé que l’enquêteur n’avait pas pris de notes lors d’entretiens avec les plaignantes, dont un de trois heures.
« L’enquêteur a fait fi d’éléments importants qui n’appuyaient pas sa théorie de la cause et, de ce fait, il a sciemment omis de conserver plusieurs éléments de preuve, dénaturant ainsi l’ensemble des faits en cause », avait indiqué Me Roxane Hamelin de la défense, dans une requête en arrêt des procédures.
Finalement, c’est la Couronne qui a mis fin au dossier, après avoir rencontré les plaignantes. Cela ne signifie pas qu’Arsenault n’a jamais commis les gestes qui lui étaient reprochés, mais comme il n’y aura pas de procès, un juge n’aura jamais à trancher.
Me Pitre a d’ailleurs souligné leur résilience et leur courage dans cette affaire.
La SQ muette
Mais malgré l’ampleur de la bourde de son enquêteur et les douleurs imposées aux victimes, tout ce que la SQ avait à répondre était un laconique et plat « pas de commentaire... ».
Le Service des communications du plus important corps policier de la province ne pouvait même pas préciser si une enquête allait être menée pour faire la lumière sur le travail de l’enquêteur Lefebvre.
Ce qu’elles ont dit
« Les policiers ont effectué une enquête bâclée, ne récoltant que la preuve qui cadrait dans leur théorie des événements et omettant ainsi volontairement de conserver l’ensemble de la preuve obtenue. »
– Me Roxane Hamelin et Me Sophie Beauvais, de la défense
« C’est certain qu’on pense aux plaignantes avant de prendre une telle décision, on a de l’empathie. Nous avons pris soin de les informer en premier, de leur exposer les motifs au soutien de cet arrêt des procédures et de répondre à leurs questions. »
– Me Rachelle Pitre, de la Couronne
« Les résultats décevants sont extrêmement fréquents. Ça prend des ressources alternatives pour surmonter les difficultés du système. »
– Stéphanie Tremblay, représentante du RQCALACS
« J’ai l’impression qu’il y a eu un manque de professionnalisme qui devra être examiné lors d’une enquête... une autre. »
– Arlène Gaudreault, présidente de l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes