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Larry Flynt, le Deadpool de la liberté d’expression

Larry Flynt
Photo d'archives, AFP Larry Flynt

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Lorsqu’il est question de défendre la liberté d’expression ou d’en définir les contours, l’histoire nous réserve parfois de bien drôles de héros pour porter cette cause.

L’un de ces héros, ou antihéros, sombres vient de décéder à l’âge de 78 ans. Larry Flynt, président fondateur de LFP inc., qui se spécialise dans la production de matériel pornographique, a connu un parcours peu commun. Habitué à la controverse, accro à l’attention médiatique et maintes fois poursuivi devant les tribunaux, il est parvenu à se faire entendre jusqu’en Cour suprême.

À sa manière, le propriétaire de Hustler incarne pour certains de ses concitoyens le rêve américain. Issu d’une famille pauvre et dysfonctionnelle, décrocheur et bootlegger dès son jeune âge, il a construit un véritable empire en repoussant les limites de l’exploitation de la pornographie. 

Je ne veux absolument pas donner l’impression de faire l’apologie d’un individu détestable dont la vie et les comportements (la liste serait longue...) ne constituent pas des modèles à imiter, mais, en dépit de mon aversion pour le magnat de la pornographie, je tenais à souligner sa contribution à la défense de la liberté d’expression. 

J’ajouterai que son caractère fantasque et quelques-uns de ses coups d’éclat ont permis d’exposer les contradictions, voire l’hypocrisie, d’une portion de la population américaine et de la classe politique. C’est pourquoi je le compare à l’antihéros de l’Univers Marvel, Deadpool. Grossier, vulgaire et doté d’un sens de l’humour particulièrement grinçant, il lui arrive de contribuer au bien collectif.

Le réalisateur Milos Forman a fait de Flynt le personnage principal d’un de ses films. Le réalisateur de Ragtime et d’Amadeus lançait en 1996 The People vs Larry Flynt, portrait un brin complaisant du magnat de la pornographie dans lequel le réalisateur fait ressortir le courage et la ténacité de Flynt. Il y présente de manière très efficace ses luttes pour défendre les limites de la liberté d’expression. 

Si Forman passe sous silence les excès du provocateur et ne souligne pas son manque d’intérêt pour le premier amendement avant d’être contraint d’y recourir, il présente adéquatement l’importance de sa victoire devant la Cour suprême en 1988.

Au-delà de ces combats devant les tribunaux, je me suis régulièrement intéressé au personnage parce qu’il est intervenu à de nombreuses reprises sur la scène politique, exposant chaque fois l’hypocrisie de certains élus.

L’exemple le plus spectaculaire de ce type d’intervention est lié à la procédure de destitution de Bill Clinton en 1998. Accusé de parjure et d’obstruction, le président était surtout attaqué par ses adversaires pour des questions morales liées à sa relation extraconjugale avec Monica Lewinsky.

Personne n’était dupe de la manœuvre politique, mais Flynt avait décidé d’exposer publiquement la supercherie en offrant 1 million de dollars en échange de renseignements prouvant des aventures extraconjugales de politiciens républicains. Le stratagème avait fonctionné et le speaker républicain de la Chambre, Robert Livingston, avait remis sa démission et quitté le Congrès. L’opération menée par Flynt a contribué à discréditer les républicains, à qui on a reproché de s’acharner politiquement contre le président, celui-ci continuant de bénéficier de l’appui d’une majorité de ses concitoyens.

On ne choisit que rarement les champions qui nous permettent de débattre de grands enjeux. Essentiellement soucieux de protéger ses intérêts et de bénéficier d’une forte attention médiatique, Larry Flynt aura malgré tout servi une cause plus grande que lui et contribué à la réflexion de bien des observateurs de la société américaine, dont je suis.

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