Halte à la destruction
Coup d'oeil sur cet article
Plusieurs fois, j’ai abordé le sujet du patrimoine sur cette tribune. Si ce dernier me touche tout particulièrement en tant que Beauceronne, la raison pour laquelle je tiens à y revenir plus largement aujourd’hui, c’est qu’à l’approche du printemps, qui verra inévitablement revenir les pelles mécaniques, l’heure n’est plus à l’esquive face à ce phénomène de destruction qui, depuis trop longtemps, ravage le Québec.
Les inondations monstres qui ont dévasté ma région en 2019 ont très durement touché notre petit grand royaume au bord des lignes dans le cœur historique de ses villes et villages. Depuis, ce sont des centaines de maisons et bâtiments, la plupart patrimoniaux, et dont plusieurs étaient pluricentenaires, qui ont été rasés. Nous avons bien tenté d’empêcher l’hécatombe. Nous avons bien essayé de proposer des solutions viables et des alternatives intelligentes. Mais en venant offrir un montant d’argent providentiel à des gens lourdement éprouvés et accablés par la tâche colossale de se remettre de ce coup bas de mère Nature, nous ne faisions pas le poids.
Bien sûr, je pourrais me consoler en me disant qu’on va se retrousser les manches et construire mieux et plus beau, mais je peine à le faire, parce que, de toute évidence, même blindés de toutes les technologies inimaginables, nous ne savons plus construire de la sorte. Nous n’avons plus ce souci de durabilité et de raconter quelque chose à travers notre architecture, et notre époque semble de plus en plus prisonnière des codes autoritaires de ces sempiternels édifices gris, froids et rectilignes. Évidemment, on évoquera ici les goûts et les couleurs qui ne se discutent pas, mais entre vous et moi, je doute fort que, dans cent ans d’ici, on se bouscule aux portillons pour venir admirer nos tours à condos et nos immeubles de béton et de verre.
Loin de moi l’idée de vouloir être injuste. Je n’ai pas oublié dans quelle situation nous nous trouvons présentement, ni la quantité d’urgences et de crises qu’a engendrées la COVID-19. Toutefois, je ne comprends pas pourquoi nous n’avons pas jugé bon de suspendre les destructions, le temps de gérer la pandémie et d’y revenir intelligemment. Au lieu de ça, nous assistons, impuissants, à la coupe à blanc de notre patrimoine bâti, fait d’un bois qui, une fois coupé, ne repousse pas.
Voilà bientôt trois ans qu’une nouvelle définition du nationalisme s’applique à faire sa place au cœur de la société québécoise. Cependant, je remarque que ceux qui l’incarnent semblent faire l’erreur de croire que le patrimoine n’en serait qu’un aspect secondaire, alors qu’avec la langue française, il en est l’un des piliers fondamentaux. Et en voyant tous ces rapports rester lettre morte et tous ces cris d’alarme être ignorés, sous prétexte de pandémie, je confesse me poser de grandes questions sur un nationalisme qui a dangereusement les airs de laisser détruire derrière tout ce qu’il assure pourtant vouloir protéger et chérir devant.