L’insulte budgétaire
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Dépenser, dépenser, dépenser : telle est la stratégie. Et le vert est également la couleur de choix. L’environnement est au premier plan, à gauche et au centre du dernier budget fédéral. Tout le monde obtient quelque chose pour se concentrer davantage sur l’environnement, enfin presque. Même si les contribuables n’auront pas de répit de sitôt, l’empreinte du gouvernement fédéral sur notre économie augmentera considérablement au cours des prochaines années. Cependant, ce ne sont pas des temps normaux. Malgré des déficits records, la plupart des Canadiens verront ce budget comme une parenthèse, une pause quoi, pour gagner du temps avant que les choses ne reviennent à une sorte de normalité. Quelqu’un devra payer pour toutes ces dépenses, mais cela ne semble pas avoir d’importance pour le moment.
Ottawa a répondu aux attentes de la plupart des gens, et l’agroalimentaire reçoit aussi sa juste part. La taxe sur le carbone est devenue un problème pour les agriculteurs, qui n’avaient que peu ou pas d’option pour réduire les émissions. Avec une taxe sur le carbone qui atteindra probablement jusqu’à 170 $ la tonne métrique d’ici l’année 2030, le séchage des céréales va devenir de plus en plus coûteux, car il existe peu de technologies de rechange. Le budget soutient cependant l’utilisation de technologies vertes dans les fermes en prévoyant 50 millions de dollars pour l’achat de séchoirs à grains plus efficaces pour les agriculteurs partout au Canada. C’est de l’argent mieux dépensé que l’année dernière, alors que la décision d’acheter des écocongélateurs de 12 millions de dollars pour Loblaws est devenue une farce. Les épiciers ont le choix, les agriculteurs l’ont moins, bien qu’ils aient eu accès aux programmes Agri-stabilité et Agri-investissement pour soutenir l’achat d’énergie plus verte. Le gouvernement fédéral voulait clairement faire une déclaration.
L’Internet à large bande, encore une fois, reçoit plus de financement. Augmenter la capacité du réseau pour permettre aux communications d’être plus efficaces dans les zones reculées devrait être une priorité, d’autant plus que le télétravail a pris de l’ampleur avec la COVID-19. Le Canada est un vaste pays qui a besoin de tous les liens qu’il peut obtenir, et une hausse des investissements pour les agriculteurs et les gens qui veulent un style de vie campagnard est la bienvenue.
Mais le budget a raté un objectif énorme. Au cours des derniers mois, le gouvernement fédéral a été incroyablement généreux avec les agriculteurs en matière de gestion de l’offre. En effet, ceux-ci recevront plus de 2,7 milliards de dollars sur plusieurs années, pour compenser les pertes hypothétiques entraînées par les accords commerciaux avec l’Asie, l’Europe et les États-Unis. Cependant, selon des documents gouvernementaux internes, les transformateurs devraient perdre plus de 300 millions de dollars par an à cause de la hausse de produits importés vendus dans les épiceries. Pour l’année 2021-2022, les transformateurs de produits alimentaires touchés par les accords commerciaux devraient recevoir 1 million de dollars, un seul million. Les transformateurs de produits alimentaires perdront simplement des parts de marché au profit de produits compétitifs qui viennent d’ailleurs dans le monde. Les transformateurs percevront cette situation, en particulier nos fromagers, comme une pure insulte.
Encore une fois, Ottawa n’a pas oublié ceux que la pandémie a laissé pour compte, ce qui est une bonne nouvelle. Le budget fournira 140 millions de dollars pour compléter le Fonds d’urgence pour la sécurité alimentaire et le Fonds pour l’infrastructure alimentaire locale dans le but de renforcer notre sécurité alimentaire. Alors que la plupart des économistes conviennent que les consommateurs recommenceront à dépenser dès qu’ils le pourront, un consensus de plus en plus fort est qu’une reprise en forme de « K » est envisagée. Alors que certains vont bien faire, d’autres en souffriront. Le soutien des organismes sans but lucratif et des banques alimentaires devrait être une priorité.
Plus de 20 millions de dollars seront consacrés à l’élimination des barrières commerciales interprovinciales, qui touchent de manière disproportionnée les régions à l’extérieur de l’Ontario et du Québec. Encore une fois, il s’agit en effet d’une bonne idée, mais cette question est compliquée. Selon ceux qui seront au pouvoir à Queen’s Park et au Québec, seul le temps nous dira si les échanges à l’intérieur de notre propre pays deviendront un jour plus faciles que ceux avec d’autres pays. Une chimère pour l’instant!
Enfin, le budget fédéral a montré l’intention du gouvernement de négocier une réduction des frais de transaction par carte de crédit et des frais d’interchange. Cela aidera les détaillants en alimentation et, oui, les propriétaires de restaurants et autres petites entreprises, des entreprises qu’Ottawa a volontairement oubliées au cours des 14 derniers mois. Cependant, il sera aussi difficile de réduire les frais de crédit que d’éliminer les obstacles au commerce interprovincial. Un autre rêve, mais au moins le cœur d’Ottawa est au bon endroit.