La Beauce en a assez des complotistes
La population et le personnel médical « écœurés » de les voir ternir la réputation de la région
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Des complotistes continuent de ternir la réputation de la Beauce et nuisent au combat contre la COVID-19, au grand désarroi de la population et du corps médical régional qui sont « écœurés ».
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« Il y a un cas qui a été testé et qui est allé à l’hôpital, mais il n’est pas allé à la manifestation ou dans les autobus. Les médias font une propagande de peur, c’est de la foutaise », a lancé Keven Bilodeau, l’un des complotistes qui ont permis à des gens de Chaudière-Appalaches de se rendre à la manifestation de Montréal en autobus, le 1er mai.
Pourtant, la Santé publique régionale est catégorique. Au moins un cas se trouvait dans ces autobus, et, d’après nos informations, l’un des organisateurs aurait même été à l’Hôpital de Saint-Georges.
- Écoutez le Dr. Pierre-Claude Poulin, pédiatre de l’Hôpital de Saint-Georges sur la situation en Beauce et du ras-le-bol des gens de la région
Santé publique demandait vendredi aux 48 personnes qui s’y trouvaient de se faire dépister, mais M. Bilodeau dit refuser de divulguer les noms, nuisant à l’enquête épidémiologique du CISSS de Chaudière-Appalaches.
« Gênant »
Cette situation n’aide en rien les Beaucerons qui tentent de venir à bout du virus et qui se retrouvent encore une fois sous le feu des projecteurs pour les mauvaises raisons, bien malgré eux.
« C’est un peu gênant d’être Beauceron ces temps-ci », soupire le Dr Pierre-Claude Poulin, pédiatre de l’Hôpital de Saint-Georges. Le personnel médical est pas mal écœuré de voir qu’il y a une partie de la population qui ne fait pas plus attention que ça, et ils sont fatigués. »
Le maire de Saint-Georges, Claude Morin, défend quant à lui sa population d’être contre les mesures sanitaires. Ancien militaire, il compare la minorité réfractaire à des « déserteurs dans la guerre au virus » qui ne peut être vaincu que grâce au vaccin.
D’ailleurs, il affirme que les organisateurs du convoi voulaient d’abord louer un autobus en Beauce, mais que l’entreprise en question aurait refusé de voir son nom associé au mouvement complotiste.
Une réputation à refaire
Dans la population, le constat semble être le même. Questionnés à ce sujet, plusieurs citoyens de la région commencent à en avoir ras le bol de voir leur réputation mise à mal.
« [Les manifestants] qui sont revenus avec des cas ont couru après le trouble. La situation [épidémiologique] dans la région fait déjà pitié, ça n’aide pas à notre réputation », estime Étienne Rodrigue, un citoyen de Saint-Georges qui venait de recevoir une dose du vaccin à l’hôtel Georgesville.
« C’est stupide de manifester pour mettre fin aux règles sanitaires en risquant de contaminer les autres, croit pour sa part Joël Perreault, rencontré au même endroit. Le meilleur moyen de revenir à la normale, c’est de se faire vacciner. »
Le fil des événements
Plusieurs événements ont contribué à faire paraître la Beauce comme un chef de file de la contestation des mesures sanitaires, au grand dam de la majorité beauceronne qui préférerait une autre étiquette. Le Journal a remonté le fil des événements.
31 mars
La région de Chaudière-Appalaches repasse en zone rouge en raison d’une hausse importante des cas. Pour Lévis, c’est rouge foncé, avec des mesures spéciales d’urgence et d’autres MRC s’ajoutent à la liste les jours suivants.
5 avril
Après Montréal, puis Québec, puis Montréal encore, c’est maintenant la Beauce qui devient l’épicentre de la
pandémie, malgré le fait qu’il s’agit d’une région peu populeuse. On y compte plus de 200 cas actifs par 100 000 habitants ; deux semaines plus tard, on grimpera à 675 cas actifs par 100 000 habitants.
14 au 17 avril
Toute la région de Chaudière-Appalaches devient rouge foncé. Malgré cela, la population beauceronne boude le vaccin d’AstraZeneca, avec plusieurs doses n’ayant pas trouvé preneur au centre de vaccination de Saint-Georges.
Pour convaincre certaines « têtes dures » de se faire vacciner, le ministre de la Santé Christian Dubé se rend personnellement en Beauce. La même journée, une coalition de politiciens, incluant Maxime Bernier, dénonce « l’hystérie COVID ». Quelques jours plus tard, 400 personnes participent à une manifestation anti-masque à Saint-Georges, dont plusieurs complotistes.
1er mai
Des Beaucerons garnissent les rangs des 30 000 manifestants contre les mesures sanitaires à Montréal, comme l’atteste d’ailleurs une pancarte avec l’inscription « Québec debout ! La Beauce avec vous. »
7 mai
On apprend qu’il y avait cinq personnes infectées parmi la cinquantaine de passagers dans deux autobus qui ont transporté des manifestants de Lévis vers Montréal.
Frustrés par la situation
« C’était tout à fait prévisible et statistiquement inévitable. C’[était] impensable de s’imaginer que 30 000 personnes n’auraient pas la COVID si on les mettait ensemble. »
– Le Dr François Marquis – chef des soins intensifs à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.
« C’est dommage, ces gens-là nous font passer pour des imbéciles alors qu’on se plie en quatre pour respecter les règles. »
– Nancy Garneau-Boivin, citoyenne
« Ce sont des sans-génie, des têtes de cochon. Je travaille dans des milieux d’éclosion et je confirme que la COVID-19 est bien réelle. »
– Laurie Clermont, citoyenne
« C’est la vaccination qui va nous permettre de gagner la guerre. Là, on passe trop de temps à parler des déserteurs. »
– Claude Morin, maire de Saint-Georges