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Un ancien cadre de Huawei informait les services secrets

Huawei
Pendant qu’il travaillait chez Huawei, Pierre Bissonnette s’asseyait régulièrement avec des agents des services secrets canadiens, qui étaient intéressés à tout ce qui pouvait l’inquiéter au sein du géant chinois des télécommunications. Photo Le Journal


L’un des anciens dirigeants de Huawei Canada affirme avoir été une source des services secrets canadiens.

«Les services de renseignement canadiens, j’avais une relation assez étroite avec eux, on se rencontrait régulièrement», révèle à notre Bureau d’enquête Pierre Bissonnette, qui a été directeur général de Huawei Canada de 2010 à 2018. 

Ses rencontres avec le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) auraient commencé «autour de 2013-2015», selon lui. Cela démontre que le SCRS, dont le rôle est d’enquêter sur ce qui menace la sécurité nationale, se préoccupait du géant chinois bien avant le débat actuel sur la présence de Huawei en 5G.

M. Bissonnette affirme que ses rencontres avaient lieu à l’insu de ses supérieurs chez Huawei, et qu’elles se déroulaient toujours «sur la même banquette du restaurant Bâton Rouge», au centre-ville de Montréal. 

L’agent lui demandait de «rapporter n’importe quoi qu’il verrait de suspect. C’est ça qu’il voulait savoir.» 

Pierre Bissonnette assure toutefois qu’il n’a jamais été témoin de pratiques illicites pendant son mandat. 

«Je suis un Canadien avant tout et, pour moi, c’est important, la sécurité de mon pays. Si j’avais vu quelque chose de suspect, oui, absolument, je l’aurais divulgué.» 

Le SCRS et Huawei ont refusé de commenter ses affirmations.

Approuvé par Ottawa 

Nous avons également appris que le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) aurait été consulté par Huawei Canada lorsque le géant chinois cherchait à embaucher un employé clé en 2013.

Le CST est l’agence fédérale qui protège les systèmes de communication du pays. Cette organisation s’assure notamment que les équipements de Huawei ne renferment pas d’outils d’espionnage.  

En 2013, Huawei Canada a approché Carl Bond, un ancien militaire qui a travaillé 14 ans au CST, pour lui offrir le poste de chef de la sécurité. 

«Les gens de Huawei avaient déjà parlé à des gens de la sécurité [au gouvernement] pour voir s’ils considéraient que j’étais un candidat acceptable», affirme Carl Bond.  

Il a lui-même contacté ses anciens collègues du CST pour faire ses vérifications. 

«Ils ont dit: “On aimerait bien avoir quelqu’un qu’on connaît, à qui on fait confiance et [dont] on sait qu’il est impartial. Si tu veux y aller, vas-y fort.”» 

Carl Bond a accepté le poste, où il est resté jusqu’en 2016. 

«Le CST ne recrute pas d’employés pour une personne autre que CST», assure un porte-parole de l’agence fédérale par courriel. «En règle générale, le CST n’encourage pas ses employés à poursuivre un emploi dans des entreprises en particulier du secteur privé et ne convient pas de faire en sorte qu’un employé obtienne un emploi dans des entreprises en particulier du secteur privé.» 

Huawei n’a pas voulu commenter les affirmations de Carl Bond.

Pas une taupe 

Selon Carl Bond, il était normal que le CST soit consulté par Huawei. Le rôle principal du chef de la sécurité chez Huawei Canada est de collaborer avec le CST pour faire inspecter les équipements. 

Ce programme est classé secret, et toute personne qui y travaille, y compris chez Huawei Canada, doit posséder les codes de sécurité nécessaires.  

L’ex-militaire affirme qu’il n’était pas un informateur du CST ou du SCRS. Il assure toutefois que, s’il avait «vu des choses douteuses», il l’aurait dit.

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