Les caisses libre-service: le retour en force?
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«Avant la pandémie, les caisses libre-service à l’épicerie rendaient de nombreux Québécois mal à l’aise. Elles étaient considérées par beaucoup comme des tueuses d’emplois. La pandémie est apparemment en train de changer cela.»
Il y a quelques années à peine, de nombreux Québécois considéraient les caisses libre-service comme des voleuses d’emplois qui remplaçaient les humains ayant désespérément besoin de travailler. Les épiciers, de leur côté, ne savaient tout simplement pas quoi penser de ce type de caisse. D’autres les utilisaient discrètement, préférant sortir rapidement du magasin ou éviter simplement les interactions humaines superflues. Une solution pour les personnes antisociales. Mais avec la pandémie, les caisses automatiques sont de plus en plus populaires, et les épiciers l’ont remarqué.
Depuis le début de la crise sanitaire, 25% des Canadiens ont changé la place habituelle où ils font leurs courses, selon un récent sondage réalisé par le Laboratoire des sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, en partenariat avec Caddle. Menée à la mi-mai, l’enquête incluait 2288 Québécois. Le quart (25%) est une proportion étonnante. Parmi ce groupe de répondants, une bonne partie d'entre eux ont admis qu’un changement était nécessaire à cause des cas déclarés de COVID-19 liés au magasin qu’ils visitaient régulièrement. Les consommateurs sont clairement préoccupés par une exposition potentielle au virus.
Dans le même sondage, on a demandé aux Québécois comment ils comptaient régler leurs achats à l’épicerie dans les mois à venir. Au total, 53,2% d’entre eux ont l’intention d’utiliser régulièrement des caisses libre-service au cours des six prochains mois environ. Une proportion de 60% des membres de la génération Z (personnes nées entre les années 1997 et 2005) et des millénariaux (personnes nées entre les années 1981 et 1996) prévoient utiliser plus souvent les caisses libre-service. Il s’agit donc de l’option la plus populaire pour les Québécois de 40 ans et moins qui sortent des épiceries. Même si un peu plus de 68% ont l’intention de continuer à passer aux caisses traditionnelles, plus de la moitié des Québécois considèrent maintenant les caisses libre-service comme un moyen paisible et sûr de payer leurs achats à l’épicerie.
Il y a à peine deux ans, ces chiffres étaient assez différents. Selon CivicScience, en 2019, seulement 19% des clients de 55 ans et plus étaient prêts à utiliser les caisses libre-service, contre 35% des clients de 35 à 54 ans. Les plus jeunes ont toujours été plus favorables à l’utilisation de ce type de caisse, mais ce pourcentage n’atteignait que 42% en 2019. À l’époque, les caissières et caissiers étaient toujours le choix le plus populaire pour tous les groupes démographiques.
Tout au long de la pandémie, les épiciers ont remarqué que de plus en plus de gens utilisaient des caisses libre-service. Par conséquent, plus de magasins en installent. Même les magasins qui avaient retiré leurs machines les remettent en place maintenant. Beaucoup se souviendront des ventes records des épiciers l’année dernière, mais le scénario est très différent pour 2021. Statistique Canada a récemment signalé que les ventes des épiceries ont chuté de plus de 1,5% pour le troisième mois consécutif. Les épiciers devront travailler dur pour conserver leur part de marché et faire en sorte que leurs clients se sentent en sécurité. Les caisses libre-service feront probablement partie de la stratégie.
En allant à l’épicerie, notre objectif est maintenant de rester éloignés des autres êtres humains, point. Il est naturel de faire de même en sortant du magasin. Certains continueront d’utiliser les caisses traditionnelles, mais ils seront encore moins nombreux qu’avant la pandémie. Nous nous attendons à ce qu’un nombre grandissant d’épiciers adoptent plus de technologies pour rendre l’expérience de magasinage dans son ensemble plus sûre, et peut-être même moins sociale, après la pandémie. Nous ne savons pas combien de temps cela durera, mais l’utilisation des nouvelles technologies pour rendre tout plus efficace, plus axé sur le capital et moins dépendant de la main-d’œuvre augmentera probablement, au grand désarroi des syndicats, bien sûr.
Mais peu veulent des employés sous-payés qui sont constamment exposés à des risques. Les marges sont si faibles dans la vente au détail de produits alimentaires que de mieux payer les employés reviendrait à augmenter les prix des denrées alimentaires. C’est pourtant quelque chose que nous devrons accepter à un moment donné si nous voulons que les employés d’épicerie gagnent décemment leur vie.
Pour les épiciers, la sortie du magasin a toujours été l’étape la plus mal gérée de l’expérience client. Les caisses libre-service ne sont qu’une partie des démarches qu’ils entreprennent pour adopter l’innovation qui contribue à rendre nos visites au supermarché moins onéreuses. Un jour, nous pourrons probablement quitter un magasin sans passer à la caisse, car tout ce qui se trouvera dans nos chariots intelligents sera automatiquement numérisé par balayage. Des chariots qui pourraient réfléchir et faire les calculs pour nous.
En somme, les caisses libre-service ne remplacent pas les humains. La dépendance envers les humains, même durant une pandémie, est un concept purement obsolète. L’adoption de technologies s’inscrit dans une volonté de mieux utiliser les aptitudes humaines pour rendre notre secteur alimentaire plus efficace.