Autre code, plus d’espoir
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Une nouvelle coalition dirigée par le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) a présenté une feuille de route pour assurer une certaine paix dans l’industrie alimentaire. Pendant des années, les épiciers ont imposé unilatéralement des frais à leurs fournisseurs, avec des excuses discutables. Alors que les épiciers maintenaient une ligne dure pour protéger les marges, les fabricants de produits alimentaires et les agriculteurs, dont plusieurs sont des entreprises familiales, ont été écrasés sans pitié. Le CCCD, qui représente les principaux épiciers du Canada, était contre toute forme d’intervention et estimait qu’aucun changement n’était nécessaire. Le vent a tourné cette semaine.
Le CCCD et son alliance suggèrent un code de conduite dirigé par l’industrie, sans réglementation publique. Ce n’est pas vraiment un nouveau modèle, puisqu’il existe déjà pour les conflits liés aux cartes de crédit et de débit ainsi que pour les différends relatifs aux fruits et légumes. Ces organismes fonctionnent sans aucune intervention du gouvernement. L’alliance comprend plusieurs autres groupes d’intérêt de la chaîne alimentaire, y compris des agriculteurs, des transformateurs et des détaillants indépendants. Près de 40 groupes commerciaux soutiendraient ce modèle, dont 19 groupes agricoles et 15 groupes de transformation des aliments. L’approche est incroyablement inclusive. Il s’agit en effet d’un effort courageux. Le groupe de travail fédéral chargé de soumettre un rapport final en juillet a reçu la proposition.
Il y a quelques semaines à peine, un autre code de pratique a été présenté au groupe de travail par le groupe qui représente les transformateurs canadiens, avec le soutien de Sobeys, l’épicier numéro deux du pays. Les principes étaient à peu près les mêmes, sauf pour une chose. Cette proposition suggérait une participation gouvernementale. Le Royaume-Uni et l’Australie ont mis en œuvre des codes similaires il y a des années. On soutenait, à l’époque, que la conformité à un code dans l’industrie ne peut être assurée qu’en faisant participer les gouvernements. Étant donné que seules les provinces peuvent assurer la surveillance de ces questions, l’adhésion de toutes les provinces est essentielle.
Deux points de vue différents sont maintenant présentés pour atteindre le même objectif: accroître l’autonomie alimentaire de notre pays en reconnaissant la transformation de produits alimentaires comme le point d’ancrage stratégique pour l’ensemble de la filière. Étant donné que de nombreux agriculteurs produisent un produit fini, d’une certaine manière la fabrication alimentaire les inclut également. Avec la proposition du CCCD maintenant, la question n’est plus de savoir si le Canada aura un code de conduite. Il s’agit plutôt de savoir à quoi il ressemblera et qui en sera responsable.
Ce code représente un enjeu important non seulement pour l’industrie, mais aussi pour les consommateurs. Plus de discipline et de prévisibilité, avec les conditions du marché mises en avant par différentes pratiques, donneront plus d’autorité et de flexibilité aux transformateurs de produits alimentaires et aux agriculteurs. De telles mesures feront probablement place à plus de diversité, d’enthousiasme et d’innovation dans la vente au détail de produits alimentaires. Loblaw ou Walmart peuvent très bien penser qu’ils savent ce que les consommateurs veulent et ce dont ils ont besoin. Mais avec un nombre grandissant de personnes à la recherche de valeur et avec l’évolution constante des attributs des produits, un code efficace donnera finalement plus de pouvoir aux consommateurs. De plus, les épiciers indépendants pourraient obtenir une deuxième vie et avoir une chance de rivaliser avec les plus grands épiciers.
Mettre en place le bon modèle ne sera pas facile. Beaucoup conviendront que le système doit être à la fois transparent et efficace. Même si l’industrie voulait se réglementer et se surveiller elle-même, encore faut-il que les Canadiens soient prêts à l’accepter, ce qui n'est toujours pas clair.
Compte tenu de ce qui s’est passé ces dernières années avec le scandale du système de cartel du pain, par exemple, l’autoréglementation n’est peut-être pas pour demain. Bien que d’un côté l’industrie ait besoin d’un code efficace, d’un autre côté, les Canadiens doivent lui faire confiance pour ne pas se sentir trompés lorsqu’ils fréquentent leur épicerie préférée. Pour aller de l’avant, nous devons nous rappeler que le code de conduite ne vise pas seulement à aider l’industrie, mais qu’il s’agit surtout de créer un contrat moral entre le public et l’industrie alimentaire. L’appui des provinces, avec une certaine coordination à l’échelle fédérale, serait nécessaire dans une certaine mesure. Et compte tenu de leurs marchés importants et de leurs solides antécédents en matière d’appréciation de l’intégrité de notre chaîne d’approvisionnement alimentaire, le Québec et la Colombie-Britannique, en plus de l’Ontario, devraient être considérés comme des voix influentes.
Mais une plus grande participation du gouvernement pourrait entraîner des maux de tête injustifiés. En ce qui concerne la gouvernance, nous devons tous agir avec une extrême prudence. Une fois que nous aurons créé une gouvernance plus participative, nous allons devoir vivre avec. Les changements, bien que nécessaires et importants, seront toujours difficiles. Si les gouvernements sont engagés dans le processus, leur mise en œuvre pourrait tourner au cauchemar, advenant que le modèle soit mal conçu.
Quel que soit le résultat, le fait qu’un groupe de travail fédéral se penche sur cette question et que de nombreux intervenants proposent des solutions est déjà une victoire pour tout le monde.