Explosion du nombre de jeunes en détresse à l’urgence
Les admissions pour un problème de santé mentale ont grimpé de 40% en un an
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Même si la pandémie s’essouffle au Québec, des salles d’urgence abondent en jeunes aux prises avec une grande détresse psychologique en lien avec le confinement des derniers mois.
Les effets des deuxième et troisième vagues ont été particulièrement dévastateurs. Des spécialistes n’hésitent pas à dire qu’on a atteint un point de rupture de la santé psychologique.
« Depuis janvier-février, il y a une espèce d’explosion. C’est une nouvelle vague qui s’amorce pour les prochains mois, les prochaines années », observe la pédiatre Marie-Claude Roy, du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Sherbrooke.
Les cas de troubles alimentaires sont notamment en forte hausse depuis quelques semaines (voir plus bas).
La Dre E. Lila Amirali, cheffe du département de psychiatrie au CHU Sainte-Justine, a vu cette hausse de la détresse psychosociale s’installer tranquillement après la première vague.
« C’est difficile pour les jeunes, particulièrement pour les 12 à 14 ans », dit-elle.
- Écoutez le journaliste Alexandre Dubé avec Benoit Dutrizac sur QUB Radio:
Les plus récents chiffres rendus publics par l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS) montrent que, pour les deux premiers mois de 2021, les admissions des jeunes à l’hôpital pour un problème de santé mentale ont grimpé de 40 % par rapport à la même période un an plus tôt.
Des jeunes ont « cassé »
« On a des jeunes qui ont bien tenu le coup [...], mais on a aussi des jeunes très sains, confiants, avec une famille soutenante, qui n’ont pas de difficultés académiques et sociales, qui ont complètement cassé », affirme la pédiatre Marie-Claude Roy.
« Les mesures qu’on leur a imposées sont en contradiction avec leur développement. [...] Plus le temps file, plus ils tombent les uns après les autres », ajoute-t-elle.
Sans minimiser l’importance de la lutte à la COVID-19, la Dre Roy plaide pour que la Santé publique aborde d’autres enjeux, tels que la santé mentale des jeunes.
Amélioration en vue ?
Un sentiment d’impuissance gagne des pédiatres dans des hôpitaux et les cliniques.
« On veut être présent pour nos jeunes, mais en même temps, quand je veux un support psychologique pour mon patient au public, il y a des listes d’attente infinies », déplore Marie-Claude Roy.
Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a annoncé le 2 juin qu’un retour à la normale dans le réseau scolaire est fortement envisagé pour la prochaine rentrée scolaire.
Ce sera un grand soulagement pour ceux en souffrance psychosociale, estime E. Lila Amiral.
« Mais pour ceux qui ont un trouble psychiatrique, on aura un grand travail pour les accompagner », ajoute-t-elle.
Hospitalisations des 12-17 ans en santé mentale
- Juillet-août 2020 par rapport à 2019 : – 5 %
- Septembre-octobre 2020 par rapport à 2019 : + 9 %
- Janvier-février 2021 par rapport à 2020 : + 40 %
Source : INESSS
La pandémie et les troubles alimentaires
Le nombre de jeunes hospitalisés pour des troubles alimentaires a explosé en même temps que la pandémie.
Pour la période de mars 2020 à février 2021, les admissions à la suite d’une visite à l’urgence pour un trouble lié à l’alimentation ont bondi de 122 % chez les jeunes de 12 à 17 ans, par rapport à l’année précédente.
Dans la quasi-totalité des cas, il s’agit d’une problématique touchant les jeunes filles, selon les médecins à qui nous avons parlé.
Au département de psychiatrie de l’hôpital Sainte-Justine, les professionnels et intervenants sont débordés. Avant la pandémie, l’unité comptait 12 lits destinés aux jeunes ayant ce type de problème. Au cours des dernières semaines, on dénombrait 26 patients, rapporte la Dre Amirali.
Les jeunes qui se présentent à l’urgence ont davantage de symptômes ou de maladies nécessitant une prise en charge, ce qui implique une hausse des admissions en psychiatrie, explique-t-elle.
« On est en débordement pour notre unité, souvent on doit placer des jeunes dans d’autres lits disponibles dans l’hôpital. Nos équipes travaillent très fort, on fait notre meilleur [...], mais ce n’est pas toujours évident. »
La nourriture comme refuge
Les causes de la situation actuelle sont multiples, mais plusieurs pédiatres montrent du doigt le sentiment de perte de contrôle provoquée par la pandémie.
La nourriture devient alors un refuge, soutient la Dre Annie Loiseau, pédopsychiatre à Rimouski.
Les adolescentes se mettent à « compter les calories, faire plus d’exercice, ça devient rigide [...] On a vu beaucoup de jeunes avec des pertes de poids rapides », enchaîne-t-elle.
Annie Loiseau évoque la perte de repères, des activités parascolaires, la diminution des contacts sociaux et toute l’incertitude liée à la pandémie pour expliquer la hausse de la détresse psychosociale et des maladies mentales.
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