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Pénurie de main-d'oeuvre: «état de crise» dans les hôtels

La situation sans précédent force l’industrie à bonifier les salaires

Quebec
Photo Stevens Leblanc La chaîne Grand Times Hotel, qui détient des établissements à Québec, à L’Ancienne-Lorette, à Lévis, à Sherbrooke, à Drummondville et à Laval, n’est pas épargnée par le manque de personnel. Le groupe compte entre 200 et 250 travailleurs. Il manque plus d’une soixantaine de paires de bras.

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Le propriétaire de la chaîne Grand Times Hôtel qualifie «d’état de crise» la situation que traverse son industrie. Pour combattre le manque de personnel, il a décidé de piger dans ses profits et de hausser le salaire de ses employés en fonction de leur implication.

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« On paye à présent jusqu’à 23 $ l’heure une femme de chambre. Avant, c’était entre 16 $ et 17 $. Dans le marché, c’est environ 20 $. Je me suis mis au-dessus pour en avoir, et avoir la crème », indique le grand patron, Jean Audet, qui fait affaire avec un sous-traitant pour l’entretien de ses chambres. 

M. Audet a aussi mis sur pied un système de primes pour ses autres salariés. Un directeur, un réceptionniste ou un responsable aux déjeuners peut aujourd’hui, par exemple, faire des chambres et augmenter son salaire. Ce système de pointage est basé sur les réservations. En un mois, un réceptionniste peut gagner « une semaine et demie de salaire supplémentaire ».

« Moi, cet été, je veux juste que mon personnel travaille et qu’on donne le meilleur service possible. On demande beaucoup d’énergie aux salariés. Je veux que lorsqu’il entre de l’argent, ils en bénéficient », explique M. Audet, concédant que ces décisions ne sont pas sans conséquence.

Cela entraîne une pression à la hausse sur les salaires et c’est parfois du côté des entreprises voisines qu’on dérobe les talents. Depuis qu’il a revu ses formules, l’homme d’affaires mentionne recevoir de nouveau des CV.

Comme d’autres hôteliers avec qui Le Journal a discuté, M. Audet, qui est aussi copropriétaire de l’hôtel Le Concorde, est d’avis que la Prestation canadienne de la relance économique nuit à son industrie. 

En raison du manque de personnel, la chaîne Grand Times Hôtel estime avoir perdu « entre 20 % et 30 % » de location de chambres durant le dernier mois. L’entreprise impose même, aujourd’hui, des réservations de deux nuits au minimum la fin de semaine. C’est aussi le cas chez Les Hôtels JARO.

«Je ne peux pas prendre juste une nuit, car je ne suis pas capable de refaire la chambre pour un autre le lendemain», répond M. Audet, ajoutant que les buanderies ont aussi des difficultés à livrer la literie pour les chambres.

La direction des Hôtels JARO a aussi récemment concédé au Journal avoir dû revoir certains salaires à la hausse pour dénicher des travailleurs.

Impact sur la réputation ?

En raison de la diminution des services dans les hôtels, M. Audet est inquiet de l’impact qu’aura cette situation sur la réputation de l’industrie à plus long terme, tout comme l’Association hôtelière de la région de Québec.

La DG, Marjolaine de Sa, craint aussi les conséquences que le manque de travailleurs aura lors de la reprise des voyages et du tourisme d’affaires. 

Lundi, Le Journal écrivait que la pénurie de main-d’œuvre dans l’hôtellerie forçait des établissements à refuser des clients et à fermer des chambres. 

La fin de semaine du 3 juillet, Les Hôtels JARO ont dû fermer environ 600 chambres sur les quelque 1200 dans leur réseau de sept hôtels et auberge. Le groupe Germain Hôtels a aussi dû récemment refuser des réservations.

La chaîne Grand Times Hôtel, qui détient des établissements à Québec, à L’Ancienne-Lorette, à Lévis, à Sherbrooke, à Drummondville et à Laval, n’est pas épargnée par cette problématique du manque de paires de bras.

M. Audet dit ne jamais avoir vécu une situation pareille. Un soir la semaine dernière, incapable d’assurer l’entretien ménager, 77 chambres sur une possibilité de 111 n’étaient plus disponibles pour de nouveaux clients au Grand Times Hôtel situé près de l’Aéroport de Québec.

Manque de « cohérence »

Le porte-parole libéral en matière de Tourisme, Saul Polo, déplore l’inaction du gouvernement Legault dans ce dossier. Il estime que la CAQ manque de « cohérence et de planification ». Il aimerait aussi que certains emplois dans le secteur touristique soient priorisés par le ministère de l’Immigration. 

« C’est clair que c’est une inquiétude. Nous sommes en pleine saison touristique », avance-t-il, demandant au gouvernement de fournir rapidement un plan détaillé des prochaines étapes du déconfinement et de prolonger, au-delà de l’échéance de septembre 2021, le programme d’aide aux régions en état d’alerte maximale pour les entreprises toujours à risque.

Mardi, la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, a décliné notre demande d’entrevue. Son cabinet a indiqué dans un courriel être « très sensible aux enjeux de main-d’œuvre dans le secteur du tourisme, qui se sont accentués depuis le début de la pandémie » et vouloir « continuer de poser tous les gestes nécessaires afin que les entreprises touristiques puissent continuer de compter sur une main-d’œuvre qualifiée et compétente ». 

-Avec la collaboration de Vincent Larin

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