L’haltérophile québécoise Maude Charron se couvre d’or
L’haltérophile de Sainte-Luce a eu une pensée pour l’olympienne Christine Girard
TOKYO | Maude Charron a écrit une page d’histoire de l’haltérophilie canadienne en remportant la médaille d’or chez les 64 kg.
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Au moment d’être consacrée championne olympique, l’athlète de Sainte-Luce a eu une pensée pour Christine Girard, d’abord titulaire du bronze aux Jeux de Londres en 2012 pour être ensuite reconnue plus tard médaillée d’or en raison de deux rivales disqualifiées pour dopage.
« J’ai beaucoup pensé à Christine pendant la compétition et je me disais que je devais gagner pour elle, a partagé Maude après sa victoire historique. Entendre l’hymne national m’a procuré des frissons partout sur le corps et j’aurais aimé que Christine puisse vivre la même expérience. »
Les larmes coulaient sous son masque quand l’unifolié a été hissé dans le superbe Forum international de Tokyo.
Une charge de 131 kg
Meneuse après l’arraché avec 105 kg, Charron a soulevé une charge de 131 kg à son dernier essai à l’épaulé-jeté pour confirmer sa victoire. Avec un total de 236 kg, elle a devancé l’Italienne Giorgia Bordignon (232 kg) et la Chinoise Wen-Huei Chen (230 kg).
« Je suis super contente de ma médaille d’or, mais je suis déçue aussi que ma famille et mes amis ne pouvaient pas être présents, a-t-elle souligné. Mes parents ont toujours été là pour moi. Peu importe ce que j’allais faire, je me suis dit toute la semaine que le travail était déjà fait parce que j’étais à Tokyo. Il y avait beaucoup de pression, mais je savais que je pouvais bien faire. »
Sueurs froides
En parfait contrôle à l’arraché et occupant le premier rang, Charron a vécu son seul moment de stress après avoir raté son premier essai à 128 kg à l’épaulé-jeté. « J’ai eu peur, a-t-elle reconnu. J’ai eu chaud et froid. »
Son entraîneur Jean-Patrick Millette a aussi eu des sueurs froides. « Ça m’a fait peur, mais personne n’est plus solide que Maude pour revenir, a-t-il mentionné. Quand elle a réussi son deuxième essai à l’épaulé-jeté, ça devenait clair que la médaille d’or était dans le sac, mais j’en ai pas parlé à Maude. Nous n’avons pas parlé de médaille dans la préparation, mais on connaissait son potentiel. »
La médaille avant le record
À son dernier essai, Charron anticipait de tenter son essai avec une charge de 135 kg afin de briser le record canadien, mais son coach a préféré jouer de prudence. « C’était plus important d’y aller pour la médaille d’or que de rechercher un record, a expliqué Millette. Si Maude avait réussi son premier essai, la stratégie aurait été différente. »
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Message aux Canadiens
S’entraînant dans le garage de son père, à Sainte-Luce, Charron ne pouvait plus se rendre à Montréal pour des camps avec son coach quand les déplacements entre régions ont été interdits au plus fort de la pandémie.
Millette avait un message pour les Canadiens. « Avec l’année que nous avons connue, mon message à tous les Canadiens est de ne jamais abandonner. Le plus gros défi était de ne pas voir Maude. Si on a réussi, tout le monde est capable de réussir. Nous avons marqué l’histoire et la victoire de Maude représente une belle succession à Christine. J’espère que des jeunes filles vont s’intéresser à l’haltérophilie. »
Le poème d’un entraîneur
En plus de Christine Girard, une autre personne fort importante occupait les pensées de Maude Charron.
Quelques jours avant la compétition, Serge Chrétien a écrit un poème à son ancienne protégée et il a aussi envoyé un message à son entraîneur avant que Charron monte sur la plateforme.
« Il y a un peu de Serge dans ma médaille, a exprimé la fierté de Sainte-Luce au sujet de son premier entraîneur et celui qui l’a convaincue de délaisser le CrossFit au profit de l’haltérophilie. « Quelques minutes avant la compétition, il a écrit à mon entraîneur parce qu’il ne voulait probablement pas me déranger avec son message habituel de travailler. Il devait sauter et crier dans son salon quand j’ai gagné. »
« Il m’a aussi écrit un beau poème sur le doute, de poursuivre l’ancienne gymnaste. Il m’a écrit que j’avais eu des doutes pour me rendre ici et que j’en aurais d’autres pendant la compétition, mais que j’avais toujours trouvé le moyen de composer avec la situation. C’était très beau. Serge va être l’une des premières personnes que je vais appeler. »
Stratégie
Si la force est primordiale, la stratégie occupe également une place importante dans l’haltérophilie. Tout au long de la soirée, Jean-Patrick Millette a voulu mettre de la pression sur les adversaires de sa protégée en soumettant des charges plus lourdes.
« On impose notre plan de match et je ne suis pas inquiet d’utiliser de grosses cartes, a-t-il raconté. Moi je m’occupe du jeu d’échecs, et Maude mise sur ses muscles. C’est comme une partie d’échecs ou de poker dans laquelle je peux bluffer. »