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[EN IMAGES] Voici 7 faits méconnus sur le monastère de l’Hôpital général

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Situé à la jonction des quartiers Saint-Roch et Saint-Sauveur, tout au bout du boulevard Langelier, le monastère de l’Hôpital général de Québec est un important témoin de la Nouvelle-France. Il est pourtant étonnamment peu connu du grand public, sans doute parce qu’il est loin du Vieux-Québec.

Puisqu’il n’a jamais subi d’incendie, le monastère occupe une place quasi incomparable dans le patrimoine québécois, avec certains vestiges de bois et de pierre vieux de plusieurs centaines d’années. Il s’agit même de l’un des plus anciens sites historiques de l’Amérique du Nord! 

Nous vous invitons aujourd’hui à découvrir quelques éléments rares ou insolites liés à ce lieu méconnu de Québec.

1) Des murailles intrigantes en Basse-Ville  

Vue extérieure côté sud du Monastère de l’Hôpital général de Québec, 20e siècle. Lithographie de F. d'Avignon d’après un daguerréotype de L. A. Lemire. Le Monastère des Augustines, HG-A-26.23.11.1.6.
Vue extérieure côté sud du Monastère de l’Hôpital général de Québec, 20e siècle. Lithographie de F. d'Avignon d’après un daguerréotype de L. A. Lemire. Le Monastère des Augustines, HG-A-26.23.11.1.6.

Si vous vous promenez sur la rue des Commissaires, non loin du parc Victoria, vous remarquerez une enceinte de maçonnerie s’étendant sur près de 250 mètres. Ces murs de pierre cernent ce qui est l’un des premiers ensembles conventuels du Canada. En effet, c’est ici que les récollets ont établi leur monastère de Notre-Dame-des-Anges en... 1620. Oui, il y a plus de 400 ans! 

Un peu en retrait, mais tout de même à proximité de la jeune ville fondée par Champlain, le lieu semble alors propice à la vie de prières des moines. Sans compter que «l’air y est extrêmement pur et sain, avec tous les agréments que l’on peut souhaiter», comme l’explique le frère récollet Chrestien Le Clercq.

Au début des années 1690, le site change de vocation. Jusqu’alors clos et privé, le monastère devient un hôpital général. Ce sont alors les augustines qui s’y installent afin d’y accueillir les pauvres et les gens «à l’esprit dérangé». Bien sûr, on n’abat pas les murs pour autant: puisque les nouvelles occupantes appartiennent aussi à une communauté cloîtrée, les parois de pierre veillent sur l’intimité des sœurs et de leurs protégés. 

Fait intéressant, derrière ces murs se trouve ce qui peut être considéré comme «l’hôtel de ville» d’une entité municipale distincte: Notre-Dame-des-Anges. Enclavée dans la ville de Québec et comptant quelques centaines de personnes, cette micromunicipalité est administrée par une mairesse qui n’est nulle autre que la mère supérieure des augustines de l’Hôpital général!

2) Une église «à la récollette»  

Église du Monastère de l’Hôpital général lors du tournage de la visite-privilège des Rendez-vous d’histoire de Québec avec MAtv, 2021.
Photo Catherine Ferland (RVHQC)
Église du Monastère de l’Hôpital général lors du tournage de la visite-privilège des Rendez-vous d’histoire de Québec avec MAtv, 2021.

Pour apprécier la similitude avec une autre église récollette, une vue de l’intérieur de l'église des Récollets, à la haute-ville de Québec, après les bombardements de 1759.
Gravure de Charles Grignion d’après Richard Short, 1761, Domaine public
Pour apprécier la similitude avec une autre église récollette, une vue de l’intérieur de l'église des Récollets, à la haute-ville de Québec, après les bombardements de 1759.

Lorsque Québec tombe aux mains des frères Kirke en 1629, les récollets quittent la colonie et ne reviennent qu’une quarantaine d’années plus tard... pour découvrir que leur monastère est en ruines. En 1671 s’amorce la construction d’une chapelle, dont l’intendant Jean Talon pose la première pierre: il s’agit de l’actuelle église Notre-Dame-des-Anges.

L’ordre des Récollets a des traditions de construction et de décoration bien particulières, qu’on retrouve aussi bien en France qu’en Nouvelle-France. Ainsi, le plan même de l’église Notre-Dame-des-Anges adopte la forme «à la récollette», bien distincte de ce qu’on retrouve chez les jésuites ou les sulpiciens. Notons, par exemple, la forme arrondie du plafond. Quoique renouvelée à plusieurs reprises, cette voûte de bois correspond à l’allure de l’église d’origine.

Le retable (le décor qui se trouve à l’avant, juste derrière le maître-autel) est aussi typique du style récollet du 17e siècle. Il sert notamment de «cadre» géant pour exposer plusieurs œuvres d’art. À Notre-Dame-des-Anges, c’est une assomption de la Vierge en compagnie d’anges, peinte par le célèbre frère Luc, qui occupe l’espace central. Il s’agit d’ailleurs du seul tableau encore à son emplacement d’origine.

Abîmé par le temps et surtout par les événements de 1759-1760, le décor intérieur de l’église a été renouvelé dans la décennie suivante, puis minutieusement entretenu. La première intervention vraiment majeure a lieu en 1982: dans un esprit de conservation préventive, certaines structures sont alors restaurées ou remplacées. Les lambris et décors sculptés sont décapés, tandis que les tableaux et panneaux peints sont soigneusement nettoyés. 

L’autel qui se dissimule derrière le parement de bois, 2021.
Photo Catherine Ferland, RVHQC
L’autel qui se dissimule derrière le parement de bois, 2021.

Grande surprise: ces travaux de 1982 révèlent aussi la présence d’un autel de maçonnerie, datant lui aussi de la construction de l’église! Au fil du temps, il avait été recouvert d’un parement de bois, et les religieuses avaient oublié son existence. Il s’agit d’un des très rares exemples qui ont subsisté jusqu’à nos jours. Fait digne de mention, un seul type de pierre, le calcaire de Beauport, a été employé pour toutes les structures maçonnées du monastère.

Le décor intérieur de l’église Notre-Dame-des-Anges que l’on peut observer aujourd’hui est donc très semblable à ce que nos lointains ancêtres ont pu admirer aux 17e et 18e siècles.

3. Le seul tombeau d’évêque hors du Vieux-Québec  

Photo Catherine Ferland, RVHQC

C’est à Mgr Jean-Baptiste de La Croix de Chevrières de Saint-Vallier que l’on doit la reconversion du monastère récollet en établissement d’augustines au début des années 1690. L’évêque se prend d’une affection particulière pour la communauté et pour son importante vocation, celle de soigner les miséreux de la ville de Québec. Il investit donc beaucoup de temps et de moyens dans le développement du site: bientôt, l’église et le logis se retrouvent entourés de bâtiments et d’ailes, prenant l’allure d’un monastère hospitalier digne de ce nom.

La bienveillance de Mgr de Saint-Vallier à l’égard des augustines de l’Hôpital général est à peine ralentie par un «léger problème»... En effet, l’évêque est absent de Québec pendant pratiquement 13 ans. Bloqué par le conflit européen, il est en effet en France et se retrouve même en captivité en Angleterre! Il peut heureusement compter sur l’efficacité de son chargé de pouvoir, l’abbé Daniel Guillaume de la Colombière Serré. Parmi les différents travaux figure une chapelle funéraire à même l’église, où l’évêque souhaite reposer après son trépas.

Les curés et les prélats sont le plus souvent inhumés dans la crypte de la cathédrale Notre-Dame de Québec, en Haute-Ville. Ainsi, le choix de sépulture de Mgr de Saint-Vallier est accueilli avec un certain étonnement. Mais bien sûr, le souhait est respecté. À sa mort, en 1727, la dépouille de Mgr de Saint-Vallier est donc déposée, comme prévu, dans la chapelle Saint-Cœur-de-Marie. Un tableau funéraire est alors réalisé pour orner ce petit sanctuaire, où les augustines viennent prier pour le repos de l’âme de celui qui fut leur protecteur et ami.

Entretenue avec soin, reconstruite en 1960, cette chapelle a changé de forme, mais non de fonction. L’ajout d’une grande murale de vitrail coloré en 1992, qui intègre notamment les représentations du tableau funéraire d’origine, a permis de donner une touche de raffinement que le prélat aurait certainement appréciée.

4) La plus vieille charpente de bois au pays  

Photo Catherine Ferland (RVHQC)

Fait remarquable dans une ville comme Québec, où de nombreux incendies très destructeurs ont rasé des quartiers entiers à de nombreuses reprises, le monastère de l’Hôpital général n’a jamais été la proie des flammes. Le feu l’ayant épargné, l’édifice a pu conserver des structures de bois fort anciennes. 

Une charpente est tout particulièrement digne d’intérêt: les combles surplombant l’église Notre-Dame-des-Anges. Cette structure compte parmi les plus anciennes structures de bois au pays. En effet, elle remonte pratiquement à l’origine de la construction, qui s’est achevée en 1673! Des analyses poussées, notamment par dendrochronologie, suggèrent même qu’elle pourrait être encore plus ancienne. C’est un dossier à suivre...

Cette imposante charpente à la française a été conçue pour supporter non seulement la lourde toiture d’ardoise qui la recouvrait à l’origine, mais aussi la voûte de bois qui orne le plafond de la chapelle. Équarris à la main et soigneusement ajustés, les madriers portent encore les marques et les numéros ayant permis aux charpentiers du 17e siècle d’en faire l’assemblage, une fois installés au sommet des hauts murs de pierre!

5) Notre-Dame-de-Protection  

Notre-Dame de Protection, 20e siècle, Québec, Le Monastère des Augustines, HG-A-26.18.4.4.
Notre-Dame de Protection, 20e siècle, Québec, Le Monastère des Augustines, HG-A-26.18.4.4.

Comme on vient de le voir, le monastère de l’Hôpital général n’a jamais été incendié. La communauté attribue ce phénomène à la précieuse intercession d’une petite statue miraculeuse: Notre-Dame-de-Protection.

Cette statuette de bois a été apportée au Canada en 1648 par Catherine de Saint-Augustin, religieuse hospitalière provenant de la communauté de Bayeux, en France. D’abord placée à l’Hôtel-Dieu, Notre-Dame-de-Protection est offerte à l’Hôpital général lors de sa fondation en 1693. Les augustines la posent alors dans le sanctuaire de la chapelle et lui dédient le nouveau monastère. Des dizaines de miracles, surtout des guérisons, sont rapidement attribuées à la statuette au fil des 18e et 19e siècles. 

C’est toutefois en 1866 que son rôle protecteur apparaît le plus puissant, alors qu’un incendie ravage le village Saint-Sauveur (aujourd’hui le quartier Saint-Sauveur). Les maisons d’ouvriers, presque toutes en bois, flambent par dizaines. Même l’église y passe. C’est alors qu’une femme pieuse, connaissant la dévotion vouée à Notre-Dame-de-Protection, en expose une petite image à la porte de sa demeure et implore la sauvegarde de son logis. Les flammes, semblant obéir, se détournent apparemment d’une manière prodigieuse, épargnent la maison et s’arrêtent bientôt... préservant ainsi le monastère de l’Hôpital général.

Depuis la restauration du cloître, en 1979, la statuette de Notre-Dame-de-Protection se trouve dans une imposante niche, sous le grand escalier.

6) L’étonnante Madone du prisonnier  

La Madone du prisonnier, 18e siècle. Bois polychrome, métal et verre. Le Monastère des Augustines, collection du monastère de l’Hôpital général de Québec.
La Madone du prisonnier, 18e siècle. Bois polychrome, métal et verre. Le Monastère des Augustines, collection du monastère de l’Hôpital général de Québec.

Si elle est la plus ancienne, Notre-Dame-de-Protection n’est pas la seule statue précieuse du monastère de l’Hôpital général. On trouve aussi une représentation de la Vierge à l’Enfant, dont le socle comporte l’intrigante inscription «Madone du prisonnier». De quoi s’agit-il? Les écrits anciens nous apprennent que cette statue a été sculptée au canif par un prisonnier il y a près de 300 ans! 

Dans les années 1720, alors qu’il visite la prison de Québec, Mgr de Saint-Vallier fait la rencontre d'un détenu affairé à sculpter une statue de la Sainte Vierge. À l’aide d’un simple couteau, il taille et cisaille un bloc de bois d’un peu plus d’un mètre de haut, tout en élevant «son cœur et sa pensée», bref en priant. Évidemment ravi de ce spectacle, le prélat convient alors avec le prisonnier que l’effigie de bois lui reviendra, une fois terminée. De plus, Mgr de Saint-Vallier parvient à obtenir le pardon pour l’artiste, qui est libéré! 

Cérémonie de profession perpétuelle, 1950. Sur cette photographie, on peut apercevoir la Madone à l’avant, juste à droite de la grille du chœur. Le Monastère des Augustines, HG-A-26.16.3.4.9.
Photo W. B. Edwards
Cérémonie de profession perpétuelle, 1950. Sur cette photographie, on peut apercevoir la Madone à l’avant, juste à droite de la grille du chœur. Le Monastère des Augustines, HG-A-26.16.3.4.9.

D’abord placée au palais épiscopal, la Madone du prisonnier devient la propriété des augustines après la mort de l’évêque. Les religieuses vont alors la recevoir solennellement, la portent en procession jusqu’au chœur et la déposent à droite de la grille. Elle s’y trouve encore aujourd’hui.

7) Quand le général Montcalm retrouve ses soldats  

Photo Catherine Ferland (RVHQC)

Mémorial de la Guerre de Sept ans et Mausolée de Montcalm, 2021.
Photo Catherine Ferland (RVHQC)
Mémorial de la Guerre de Sept ans et Mausolée de Montcalm, 2021.

En face du monastère se trouve l’enclos du cimetière. Ouvert en 1728, il accueillera pendant des siècles les dépouilles des malades et des pensionnaires de l’Hôpital général. Ce cimetière a aussi la particularité d’héberger les restes des nombreux militaires décédés pendant la guerre de Sept Ans.

Bien que le monastère de l’Hôpital général soit beaucoup moins endommagé que les autres institutions religieuses situées en Haute-Ville, le conflit crée beaucoup de pression sur les augustines. Pendant le siège de Québec en 1759, l’établissement accueille les religieuses des autres communautés de la ville et, surtout, on y héberge et soigne plusieurs centaines de soldats (tous camps confondus, même des Anglais) pendant la durée des hostilités. Certains guérissent, mais d’autres meurent de leurs blessures. 

Plus de 1000 soldats français trouvent leur dernier repos dans le cimetière de l’Hôpital général, tandis qu’au moins autant de militaires britanniques sont inhumés, non pas en sol catholique, mais dans des fosses communes situées à l’extérieur de l’aire consacrée. Les registres des augustines conservent d’ailleurs les noms de ces hommes. 

En 2001, le cimetière devient un lieu officiel de commémoration de la guerre de Sept Ans. D’une part, un monument commémoratif composé de dalles de pierre arborant les années du conflit vient rappeler les noms des 1058 soldats décédés à l’hôpital, dont on connaît l’identité. Une sculpture de bronze et de pierre, intitulée Traversée sans retour, complète ce mémorial. D’autre part, on rapatrie la dépouille du marquis de Montcalm, qui était jusqu’alors conservée au monastère des ursulines. Les restes sont déposés dans l’ancien charnier paroissial, restauré et embelli pour en faire un mausolée. C’est ainsi que le général rejoint ses hommes, quelque 240 ans après la bataille des plaines d’Abraham.

Un texte de Catherine Ferland, historienne, Rendez-vous d’histoire de Québec   

  • Pour découvrir les Rendez-vous d’histoire de Québec, dont la quatrième édition se tient du 11 au 15 août 2021, vous pouvez visiter le site rvhqc.com, la page Facebook et la chaîne YouTube.  
  • Pour en savoir plus sur le monastère de l’Hôpital général, visitez le monastere-hgq.ca.  
  • Vous pouvez également lire nos textes produits par la Société historique de Québec en cliquant ici et par Bibliothèque et Archives nationales du Québec en cliquant ici.  
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