Combattante dans un état critique: la boxe attaquée de toutes parts
Un appel à la réflexion est lancé au lendemain de la dramatique blessure d’une athlète mexicaine
Plusieurs intervenants des milieux politique et médical réclament une réflexion sur la culture de la boxe au lendemain d’un knock-out qui a plongé une boxeuse mexicaine de 18 ans entre la vie et la mort, samedi soir à Montréal.
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Jeanette Zacarias Zapata a dû être transportée aux soins intensifs de l’Hôpital du Sacré-Cœur à la suite de son combat contre la Québécoise Marie-Pier Houle. En fin d’après-midi dimanche, le promoteur Yvon Michel indiquait que l’état de la boxeuse demeurait critique, mais stable.
Terrassée par son adversaire en fin de 4e round, la Mexicaine à qui l’on remettait une bourse de 1800 $ pour monter dans le ring s’est ensuite effondrée avant d’être prise de convulsions. Selon certaines informations, des manœuvres de réanimation ont été nécessaires durant son transport en ambulance.
En journée dimanche, la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ), qui chapeaute les combats au Québec a indiqué que la soirée serait analysée « comme après chaque gala de boxe ». Zapata, qui boxait pour la première fois hors du Mexique, avait notamment été victime d’un K.-O. il y a trois mois.
Appelées à réagir, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, et la ministre déléguée à l’Éducation responsable des Sports, Isabelle Charest, ont toutes deux renvoyé Le Journal à la régie.
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Changement de culture
Cette absence de réaction du gouvernement en fait rager plus d’un. L’auteur Paul Ohl, qui a écrit le livre La Machine à tuer, sur l’industrie de la boxe, est en colère.
« D’après sa fiche, la jeune n’a pas boxé officiellement pendant trois ans et elle s’est fait mettre K.-O. il y a 3 mois. Quand on voit ce genre de situation se répéter, cette chair à canon, pouvez-vous me dire pourquoi les gens de la régie sont payés », questionne-t-il.
Le porte-parole de l’opposition libérale en matière de Sports, Enrico Ciccone, déplore lui aussi le silence du gouvernement.
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« On envoie ça sur le bureau des fonctionnaires. Geneviève Guilbault, c’est elle la ministre. Si elle est outrée aujourd’hui, il faudrait le savoir », insiste M. Ciccone.
Le député appelle maintenant Québec à entreprendre une réflexion profonde sur la boxe et sa culture.
« La mentalité de bâtir la fiche d’un athlète en lui mettant des adversaires pas de calibre devant lui, je ne comprends pas comment ça passe dans les mailles du filet. Même chose avec la culture des coupes de poids et avec les suivis médicaux », indique l’élu.
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Conscience des risques
D’ailleurs, l’ex-boxeur Éric Martel-Bahoéli l’appuie sur ces points. L’ancien poids lourd dit avoir compris après sa carrière « que ça ne vaut pas la peine de perdre la vie pour une couple de 1000 $ ».
« Je pense que oui, on est dû pour une réflexion sur les commotions et les risques du sport. Mais il y a un côté qui vient de l’athlète », soutient l’ex-boxeur, qui n’est pas le seul de la communauté à avoir réagi.
Le coup du sort ayant frappé Jeanette Zacarias Zapata fait aussi jaser dans le monde médical, où des experts se questionnent sur la poursuite d’un tel sport quand les risques sont désormais bien connus.
« L’objectif du sport est de donner des coups à la tête », rappelle le Dr Pierre Frémont, médecin du sport et professeur à l’Université Laval.
« Maintenant que l’on comprend bien les commotions cérébrales, c’est grandement questionnable. [...] Il faut réfléchir sur un sport où les athlètes choisissent de s’exposer à des traumatismes crâniens à répétition. »
CE QU'ILS ONT DIT
« Comment la régie peut-elle accepter que l’on mette quelqu’un dans un ring à risquer sa vie pour une bourse de 1800 $ ? C’est absolument honteux »
Paul Ohl, auteur du livre sur le monde de la boxe, La machine à tuer.
« Comment se fait-il que dans notre société où on cherche à éliminer tous les risques, on tolère un événement où le risque est garanti ? C’est troublant que socialement, politiquement et médicalement, on accepte de laisser ces individus aller à l’abattoir ».
Suzanne Laberge, sociologue du sport